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Les conservateurs de M. Poilievre, qui se veulent anti-élitistes, ouvrent grand la porte de leur conseil supérieur aux lobbyistes

Près de la moitié des membres du nouveau conseil directeur des conservateurs sont des lobbyistes qui défendent les intérêts de compagnies pétrolières et pharmaceutiques, de sociétés immobilières et d’organisations antisyndicales.

Tiré de The Breachmedia

Lundi 11 septembre 2023 / DE : Martin Lukacs
traduction Johan Wallengren

Des lobbyistes qui défendent les grandes entreprises pétrolières, pharmaceutiques et immobilières et s’opposent aux syndicats ont été élus lors du congrès national du parti conservateur à Québec, accaparant près de la moitié des sièges de l’instance dirigeante supérieure du parti conservateur.

On ne peut guère considérer que les personnes ainsi élues soient vouées aux intérêts des « gens ordinaires », ces gens dont le chef de file des conservateurs, Pierre Poilievre, a déclaré épouser la cause dans ses discours et messages promotionnels des derniers mois.
Dans son discours de vendredi, M. Poilievre donné le ton en évoquant la vie d’une mère célibataire au salaire minimum et les difficultés d’un agriculteur, d’un électricien et d’un jeune couple qui se sentent « comme des étrangers dans leur propre pays ».

M. Poilievre a beau se démener pour repositionner son parti en l’érigeant en défenseur des gens ordinaires, les lobbyistes qui siègent aujourd’hui au conseil national ne sont pas moins représentatifs des puissantes organisations qui ont traditionnellement eu partie liée avec les conservateurs.

Parmi ces lobbyistes, on trouve Amber Ruddy, qui défend les intérêts des compagnies pétrolières telles que Tourmaline Oil Corp. et Husky, de plusieurs géants pharmaceutiques (dont GlaxoSmithKline) et de Merit, l’association de la construction qui pousse les gouvernements à adopter des politiques antisyndicales.

Notons que Mme Ruddy est inscrite au registre des lobbyistes pour représenter la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), dont elle a fait partie des instances dirigeantes, et que personne ne crie plus fort contre les augmentations salariales des travailleurs que la FCEI.

Amber Ruddy, qui vient d’être élue membre du conseil directeur du parti conservateur, a été lobbyiste pour de grandes compagnies pétrolières telles que Tourmaline et Husky. Crédit : Amber Ruddy/Twitter

Un autre membre de ce conseil fraîchement élu est Heather Feldbusch, qui a fait partie du personnel du Parti conservateur uni de l’Alberta. Selon le registre des lobbyistes de l’Alberta, celle-ci s’est mise au service de compagnies pétrolières comme Enbridge, du gestionnaire immobilier Avenue Commercial et de la société d’investissement dans l’aviation et l’immobilier Westerkirk Capital, qui appartient à une milliardaire parmi les plus riches au pays, Sherry Brydson.

Trois autres membres du conseil font ou ont déjà fait partie du personnel du Capital Hill Group, une firme canadienne de premier plan qui fait du lobbying pour Amazon, de grandes entreprises technologiques, des sociétés financières et de gestion d’actifs et la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers (cette dernière est le plus grand groupe privé de l’industrie du logement au pays, groupe qui s’est opposé aux tentatives de plafonnement de l’augmentation des loyers).

Bon nombre des protagonistes du monde des affaires représentés ont, ces dernières années, engrangé des bénéfices records tout en poussant les prix à la hausse et en créant des pressions inflationnistes qui se traduisent par un renchérissement du coût de la vie pour les « gens ordinaires », ceux-là même que M. Poilievre a promis d’aider avec son parti.
Les conservateurs ont sapé les efforts venus d’en bas visant à exclure les lobbyistes
Le conseil national, composé de bénévoles, est l’autorité ultime qui impose ses vues dans le contexte des mises en candidature, de la préparation des élections et des questions de gouvernance.

Un jour avant l’élection du conseil lors du congrès, les membres conservateurs ont voté de manière à rejeter une résolution interdisant à des lobbyistes de siéger au conseil (qui compte 20 membres). Cela s’est passé dans le cadre d’une réunion d’orientation politique dont les médias étaient écartés.

The Hill Times a rapporté que certaines des associations de circonscription à l’origine de la résolution ont créé un site web anonyme, nolobbyistsoncouncil.ca, dans le but de faire campagne contre les lobbyistes qui se présentaient à l’élection.

Sur le site, on pouvait lire ceci : « Les membres du conseil national sont censés représenter les membres de notre parti et travailler avec les députés et les membres du groupe parlementaire pour nous aider à gagner les élections. Mais ce qui se passe, c’est que des lobbyistes rencontrent les députés pour le compte de leurs clients du monde des affaires. »
« Comment imaginer faire des sorties contre les libéraux si nous prêtons nous-mêmes le flanc à des critiques relatives à la perception de conflits d’intérêts ?

Quelques heures après la divulgation des résultats des élections, samedi après-midi, le site a disparu. Ses créateurs n’ont pas répondu à une demande de commentaires.

Selon l’enquête de The Breach, au moins 7 des 20 nouveaux membres du conseil national sont à l’heure actuelle des lobbyistes œuvrant pour le monde des affaires.

On note aussi la présence d’un agent immobilier, de deux banquiers d’investissements, de plusieurs avocats d’affaires et d’un directeur commercial d’une société qui met des jets privés à la disposition de clients fortunés – un projet dont on se doute qu’il est de trop haut vol pour le « commun des mortels ».

Délégués conservateurs réunis cette fin de semaine au congrès d’orientation politique 2023 du parti conservateur à Québec. Crédit : Andrew Scheer/Twitter

Derrière M. Poilievre, toujours les mêmes intérêts particuliers

M. Poilievre a beau prétendre prendre ses distances par rapport aux « gatekeepers » et à l’« élite », la composition du conseil national de son parti ne fait pas moins la part belle aux intérêts de ceux qui ont traditionnellement l’oreille de sa formation.

Les acteurs dominants de cette clique sont les sociétés de l’industrie des ressources naturelles, les petits et moyens producteurs de pétrole, les constructeurs et promoteurs immobiliers, les entreprises de taille moyenne et les géants du commerce de détail, qui luttent contre les syndicats et combattent les hausses de salaires de manière beaucoup plus agressive que les sociétés de très grande taille, qui tendent, elles, à graviter vers le parti libéral.

Ces affairistes attendent d’un éventuel gouvernement Poilievre qu’il adopte des politiques du genre de celles mises en œuvre par les conservateurs de Stephen Harper, qui ont consisté à mettre la hache dans l’impôt sur les sociétés, raboter les droits des travailleurs, restreindre l’accès à l’aide sociale, saborder la réglementation environnementale et pousser plus loin l’intégration économique et militaire avec les États-Unis.

On est loin des politiques censées servir les intérêts des travailleurs canadiens qu’a fait miroiter M. Poilievre dans son discours au congrès.

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