Édition du 30 avril 2024

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Canada

Les donneurs de leçons

Il y quelque chose de comique à la présence de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et aussi de l’ex premier ministre du Canada Jean Chrétien au congrès du Parti libéral fédéral à Ottawa le 5 mai à Ottawa ; c’est surtout révélateur de leur affolement devant la montée de la droite populiste aux États-Unis et au Canada. Chrystia Freeland, vice première ministre et ministre des Finances dans le cabinet Trudeau a ajouté son grain de sel avec son intervention contre Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur.

Hillary Clinton a prévenu les congressistes contre les idées "loufoques" et l’intolérance des politiciens populistes. Jean Chrétien pour sa part a attaqué sans ménagement, avec sa verve habituelle, le chef conservateur Pierre Poilievre. Chrystia Freeland l’a quasiment présenté comme un danger national en raison de ses propositions de congédier le gouverneur de la Banque du Canada et d’abolir CBC-Radio-Canada.

Ces politiciens (et plusieurs autres) paraissent vraiment inquiets de la montée du populisme d’extrême-droite en Amérique du Nord et de la menace que font peser sur la démocratie des gens comme Donald Trump, Ron de Santis (gouverneur de la Floride et probable aspirant à la direction du Parti républicain) et Pierre Poilievre.

Mais c’est de la faute à qui en définitive ?

Si c’est la présidence de Ronald Reagan qui a lancé le rétrolibéralisme aux États-Unis (ce qui contrastait avec l’orientation idéologique de son prédécesseur Jim Carter), ses successeurs démocrates ont pour l’essentiel emboîté le pas à ces politiques économiques et sociales néo-conservatrices comme si ça allait de soi. Sur ce plan, les différences entre les deux partis politiques américains sont devenues à la longue ténues. Les républicains n’ont pas eu le monopole de la corruption non plus.
Commençons par Hillary Clinton. Comme son époux Bill Clinton, elle fut l’objet d’enquêtes judiciaires mais qui n’aboutirent pas à une condamnation criminelle. Citons l’affaire du décès de Vince Whitewater, conseiller présidentiel : elle y aurait fait obstruction. Il y eut aussi le scandale de Whitewater au cours duquel on l’a accusée d’avoir obtenu des informations au profit de son cabinet d’avocats de Little Rock à des fins d’enrichissement personnel par l’intermédiaire d’un réseau d’amis. Mais l’affaire n’a pas abouti.

Ensuite, après avoir quitté en 2012 son poste de Secrétaire d’État sous Barack Obama, elle a enregistré une semaine plus tard une société dans le Delaware, en fait un paradis fiscal n’imposant pas les revenus en provenance d’un autre État. Elle y a placé des millions de dollars récoltés pour ses conférences.

Ce ne sont là que quelques exemples des manoeuvres qui ont entaché son passage dans les hautes sphères du pouvoir, ce qui n’a pas échappé aux électeurs et électrices.

Dans le cas de Jean Chrétien, l’exemple est encore plus clair. Élu premier ministre en octobre 1993, il a redressé les finances publiques fédérales avec rudesse : compressions budgétaires tranchantes dans les transferts aux provinces et dans les dépenses fédérales en général ; les systèmes de santé et d’indemnisation du chômage ont goûté à sa médecine de cheval.

Lui non plus ne fut pas épargné par les scandales. On se souvient de celui des commandites . Il s’agissait de sommes fournies par Ottawa à des firmes de publicité pour soutenir l’option fédéraliste lors du référendum d’octobre 1995. On ne put prouver un lien direct entre le premier ministre et le scandale, mais sa réputation en sortit ternie.

Il ne s’agit là que de quelques exemples de dérapages de politiciens libéraux (au propre comme au figuré) qui s’alarment de l’érosion relative de la culture politique libérale en Amérique du Nord. Ils se lancent dans des accusations incisives contre leurs adversaires d’extrême-droite, mais n’ont-ils pas contribué à l’émergence de ce courant qu’ils vilipendent aujourd’hui ? Ils se réclament d’une culture politique démocratique fondée sur la tolérance mais après avoir mis en place (sans l’avoir prévu) les conditions qui ont permis l’apparition du courant ultraconservateur personnifié aux États-Unis par Donald Trump, Ron de Santis et au Canada par Pierre Poilievre (on pourrait ajouter au Québec les conservateurs d’Éric Duhaime).

Le retour du boomerang en quelque sorte...

Jean-François Delisle

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