Édition du 30 avril 2024

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Les émissions de GES du Québec augmentent de 7% en 2013 après intégration du nouveau potentiel de réchauffement du méthane

Par Alain Brunel, directeur climat énergie, AQLPA

Le ministère du développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) du Québec se félicitait, il y a peu, d’une diminution des émissions de gaz à effet de serre du Québec de 8% en 2012 par rapport à 1990. Nous avons souligné dans notre précédent blogue (http://www.blogueaqlpa.com/2015/05/01/reduction-de-ges-pas-de-potion-magique-pour-quebec/) qu’en dépit de cette bonne nouvelle, Québec n’avait pas pour autant atteint l’objectif de réduction fixé par le protocole de Kyoto comme le communiqué du ministère du 10 avril le laissait supposer (car Kyoto impliquait de diminuer les émissions de 6% pendant 5 années consécutives et non seulement une). Mais il y a plus : la hausse du potentiel de réchauffement planétaire (PRP) du méthane, deuxième gaz en importance après le dioxyde de carbone (CO2) dans le réchauffement planétaire, n’a pas été intégrée dans les données de l’inventaire des gaz à effet de serre (GES) du Québec 1990-2012.

L’an dernier, nous avions alerté sur cette hausse continue du PRP du méthane depuis 20 ans dans les rapports des experts du climat et préparé une note technique sur ce sujet. Nous avions également souligné l’importance négligée de ce facteur dans notre mémoire soumis à la commission du Bureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement (BAPE) sur les enjeux de l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent et prévenu les commissaires de son effet massif sur les émissions du Québec advenant une exploitation du gaz de schiste.

Or voilà qu’Environnement Canada, dans son plus récent inventaire 1990-2013 des GES émis au Canada, intègre la hausse du PRP selon la nouvelle référence scientifique de 2007 fixée par convention internationale. Le potentiel de réchauffement du méthane est maintenant et officiellement calculé comme étant 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone sur 100 ans. C’est une hausse de 19% par rapport à l’ancienne référence de 21 qui datait de 1995. Résultat : le Québec se retrouve avec une augmentation de 5,4 millions de tonnes eqCO2 en 2013 par rapport à l’inventaire 2012 ou 7% de plus.
Les principaux émetteurs de méthane au Québec qu’on retrouve essentiellement dans les secteurs du résidentiel, de l’agriculture, de l’industrie et des déchets voient ainsi leurs émissions réévaluées à la hausse en 2013 comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1 : Comparaison des émissions du Québec selon les inventaires de GES québécois 2012 et canadien 2013 par secteur d’activité et avec potentiels de réchauffement planétaire du méthane distincts [1]

Le relèvement du potentiel de réchauffement planétaire du méthane a donc des incidences non négligeables sur le total des émissions de CO2 équivalent du Québec, avec une augmentation moyenne de 7% par rapport à 2012. La baisse de 8% en 2012 par rapport à 1990 dont se targuait Québec est presque effacée. Ce sont les secteurs du résidentiel, des déchets et de l’agriculture qui connaissent les croissances relatives les plus significatives. Presque 50% dans le résidentiel en raison du chauffage au gaz ; 23 et 21% respectivement pour les déchets et l’agriculture. Mais, en valeur absolue, l’industrie ajoute quand même 1,2 million de tonnes eq CO2 à son bilan soit presque autant que l’agriculture. Le transport, qui n’utilise pratiquement pas de méthane, n’est pour ainsi dire pas affecté.

Il est toutefois important de noter ici que c’est la valeur du potentiel de réchauffement planétaire du méthane en équivalent dioxyde de carbone qui augmente et non les quantités absolues de gaz méthane qui elles restent stables. Évidemment toute augmentation absolue des émissions de ce gaz prend désormais plus d’importance dans le bilan des gaz à effet de serre. On discerne mieux les écarts dans le graphique suivant :

En plus, le potentiel de réchauffement planétaire de 25 fois celui du dioxyde de carbone, basé sur la valeur du rapport du GIEC de 2007, laisse en plan un autre 36% d’augmentation ; car le dernier rapport des experts de la physique du climat de 2013 a relevé à nouveau le potentiel de réchauffement du méthane à 34 fois celui de la molécule de CO2 sur 100 ans. L’AQLPA avait aussi alerté l’an dernier dans un blog sur le fait, universellement omis, que ce potentiel de réchauffement est encore plus puissant sur une période de 20 ans, 86 fois celui du dioxyde de carbone…

Environnement Canada a recalculé les émissions canadiennes depuis 1990 avec un PRP du méthane de 25 et on constate que cette réévaluation du PRP du méthane ne change pas le profil de la courbe des émissions comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous tiré de la page 40 de l’inventaire canadien.

Le profil ne change pas, donc la valeur relative des émissions par rapport à 1990 demeure la même, – c’est-à-dire qu’on peut toujours atteindre une diminution relative de x% par rapport à 1990 – mais les données en tonnes équivalent CO2 se retrouvent plus haut sur l’échelle des émissions. Et comme la science du climat nous garde en réserve une nouvelle hausse du PRP du méthane sur 100 ans presque deux fois plus importante que celle illustrée sur le graphique ci-haut (36% vs 19%), les hausses du PRP du méthane font en sorte de nous éloigner concrètement de l’objectif zéro émission requis par la science pour protéger le climat. Et nous n’abordons même pas ici le potentiel de réchauffement du méthane sur 20 ans dont la prise en compte conduirait à une hausse de la valeur de réchauffement du méthane presque 3,5 fois plus importante que celle qui vient d’être réévaluée (86/25) !

Il s’ensuit une conclusion implacable : le recours au gaz naturel non renouvelable (au contraire du recours au biométhane renouvelable qui évite des émissions atmosphériques) n’est pas une solution de transition pour réduire les GES contrairement à ce qu’on entend souvent. C’est particulièrement évident dans le secteur résidentiel où en raison du chauffage au gaz naturel, composé essentiellement de méthane, la hausse du PRP a des incidences directes sur les émissions du secteur en 2013, dont la croissance dépasse même celles de l’industrie ! En contrepartie, le recours au biométhane vaut aussi plus cher en émissions de GES évitées.

On ne sait pas encore comment Québec va intégrer cette hausse du PRP dans la mécanique de la bourse du carbone. Les émissions de moins de 25kt eq CO2 sont exemptées de déclaration obligatoire et l’agriculture n’est pas soumise à la bourse carbone. Il est donc possible qu’une bonne part de ces émissions de méthane ne soient tout simplement pas couvertes par la réglementation (elles pourront éventuellement faire l’objet de crédits compensatoires). Mais cela démontre qu’au-delà des jeux d’écriture, de droits d’émission gratuits et de profits anticipés autour de la bourse carbone, la vraie potion magique pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre est de tout faire pour diminuer nos émissions en termes absolus et pour éviter d’en émettre de nouvelles.
Ceci porte à conséquences majeures pour les espoirs d’exploration et d’exploitation du pétrole et du gaz de schiste que certains caressent au Québec, tout comme pour l’exploitation des sables bitumineux : les procédés d’extraction du bitume dits in situ, par injection de vapeur, nécessitent de quantités importantes de gaz naturel non renouvelables…

Notes

[1] Certains secteurs marginaux de l’inventaire québécois comme l’électricité ne sont pas repris ici d’où la différence du total des émissions du Québec 2012 avec celui évoqué dans le précédent texte sur le sujet.

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