Édition du 14 mai 2024

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Environnement

Les gouvernements n’apprendront-ils jamais que les OGM sont incontrôlables ?

La découverte pour la première fois d’un blé OGM non autorisé qui poussait dans un champs d’une ferme aux États-Unis a envoyé une onde de choc sur les marchés mondiaux du blé. Il s’agit d’un autre incident qui prouve que les OGM ne peuvent être contrôlés.

L’auteure est de L’Unité scientifique de Greenpeace International.

Cette révélation sur le blé OGM de Monsanto confirmée par les autorités à Washington a déclenché une vague d’inquiétude parmi les partenaires commerciaux des États-Unis, en faisant baisser les prix du blé et en menaçant les exportations américaines. Cependant, cet incident n’est pas vraiment surprenant.

Le blé OGM en question (probablement le MON 71800) est un blé tolérant à un herbicide (le Roundup), blé que Monsanto a testé en champs dans 16 États américains entre 1998 et 2005. Ce blé OGM n’a jamais été autorisé ni commercialisé parce que Monsanto a retiré sa demande d’autorisation en mai 2004 suite aux fortes pressions des agriculteurs, des consommateurs et des écologistes partout dans le monde.

Que s’est-il donc passé entre le dernier essai en champs en 2005 et l’annonce de la contamination d’une ferme dans l’État de l’Oregon huit ans plus tard ? Comment ce blé OGM s’est-il retrouvé sur cette ferme ? Qui est responsable et paiera pour la décontamination ? La contamination est-elle limitée à une seule ferme dans l’Oregon ou est-ce seulement le sommet de l’iceberg ? Des essais en champs pour ce blé ont aussi eu lieu au Canada. Serons-nous aussi affectés par la contamination ?

Environ 90% de la production du blé de l’État de l’Oregon est exporté vers les pays asiatiques. Cette contamination affectera le commerce des denrées, car les gouvernements en Asie vont commencer à tester les cargaisons et exigeront des garanties des États-Unis (et potentiellement du Canada) que les importations de blé ne soient pas contaminées avec ce blé OGM. D’après les données des US Wheat Associates, sur les 11,4 millions de tonnes de blé exportés par l’Oregon, 50% est vendu en Asie de l’Est (Japon, Chine, Corée du Sud), 28% en Asie du Sud-est, 9% en Amérique latine et 9% au Moyen-Orient.

Greenpeace et d’autres associations avaient déjà prévenu depuis des années des risques de contamination par les OGM de nos aliments et de l’environnement. Les revenus des agriculteurs et les choix des consommateurs sont menacés par la contamination. De plus, la contamination peut poser des risques à l’environnement et à la santé.

Il y a déjà eu trop d’incidents de contamination dans le passé et les risques n’en valent pas la peine.

L’affirmation par les autorités américaines que ce blé OGM serait « sécuritaire » est fondé sur ce que leur a dit Monsanto : « Cette variété de blé n’est pas matériellement différente en composition, en sécurité, ou pour tout autre paramètre pertinent des autres variétés de blé cultivées, vendues ou consommées à l’heure actuelle » (notre traduction). Mais pourquoi les autorités devraient-elles faire confidence à Monsanto, qui a d’importants intérêts commerciaux en jeu, pour fournir des données scientifiques rigoureuses et impartiales sur ces propres produits ? C’est comme confier le poulailler au renard !

Les promoteurs des OGM et les autorités gouvernementales répètent depuis longtemps que le blé OGM ne contaminerait pas le blé conventionnel ou biologique parce que c’est une plante qui s’autopollinise (le pollen ne voyageant pas très loin contrairement à la pollinisation croisée du maïs ou du canola/colza).

Malgré cela, la contamination par le blé OGM a eu lieu. Comme c’est le cas pour d’autres cas de contamination, le chemin exact de cette dernière n’est pas clair. Par exemple, Bayer voyait la « main de Dieu » derrière la contamination massive du riz américain en 2006 par un riz OGM expérimental (appelé LL601) !

Plutôt en 2013, l’Agence européenne de l’environnement (EAA) publiait un rapport (Late lessons from early warnings : science, precaution, innovation) qui documentait « comment dommageables et couteux sont le mauvais usage et la négligence du principe de précaution ». Notamment, l’Agence évalua d’une manière détaillée le problème des OGM comme obstacles et distraction aux meilleures solutions offertes par l’agriculture écologique aussi appelée l’agroécologie.

La contamination par le blé OGM de Monsanto nous démontre une fois de plus que les mesures des gouvernements et de l’industrie pour empêcher la contamination sont un échec retentissant. La seule solution permanente est d’interdire immédiatement tout essai d’OGM en champs.

Mais plus fondamentalement, le monde doit rapidement faire la transition vers l’agriculture écologique et sortir de l’agriculture industrielle, chimique et OGM qui fonce dans le mur.

Janet Cotter

Unité scientifique de Greenpeace International

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