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Syndicalisme

Les leçons de la grève de l'AFPC

La grève de l’AFPC a été historique à plusieurs égards, et peut-être un signe des choses à venir pour le mouvement syndical.

Le 29 mai 2023 | tiré de rabble.ca | Les travailleuses et travailleurs de l’AFPC sur la ligne de piquetage le 3 mai 2023. Crédit : AFPC / Twitter

Le 1er mai, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a annoncé qu’elle avait conclu une entente de principe avec son principal employeur au gouvernement fédéral, le Conseil du Trésor. L’entente, si elle est ratifiée par les membres du syndicat, leur procurera une augmentation salariale moyenne de 12,6 % sur une période de quatre ans. Il prévoit également le versement d’une somme forfaitaire de 2 500 dollars à chaque membre, des protections contre la sous-traitance et ce que le syndicat appelle "les protections les plus solides de la fonction publique fédérale en matière de travail à distance". Il s’agit d’une victoire importante, bien qu’imparfaite, pour les travailleurs canadiens, et nous avons des leçons à en tirer.

L’entente de principe, si elle est ratifiée, mettra fin à une période de près de deux ans au cours de laquelle les membres de l’AFPC ont travaillé sans contrat. Leur dernière convention collective a expiré en juin 2021. Et malgré la propagande toxique que l’on trouve dans les médias de la classe d’affaires chaque fois que les travailleuses et travailleurs de la fonction publique font la grève, les membres de l’AFPC ne sont pas exactement des " aristocrates du travail " qui pillent les fonds publics pour obtenir des gains contractuels exorbitants. Selon l’AFPC, 60 % des membres gagnent moins de 70 000 $ par année et 24 % gagnent entre 40 000 $ et 60 000 $. Seulement 20 % des membres du syndicat gagnent plus de 80 000 $, et un membre de l’AFPC travaillant pour le gouvernement fédéral gagne en moyenne un peu plus de 67 305 $ par année, soit à peine plus que le salaire annuel moyen d’un travailleur canadien, qui est de 61 119,24 $. Le contrat, s’il est approuvé par les membres de l’AFPC lors d’un vote de ratification qui se déroulera du 24 mai au 16 juin, mettra fin à une grève qui a été décrite comme l’une des plus importantes de l’histoire syndicale canadienne.

"Au cours d’une période où l’inflation atteignait des sommets et où les profits des entreprises grimpaient en flèche, les travailleuses et les travailleurs se sont fait dire d’accepter moins, mais nos membres se sont rassemblés et ont lutté pour obtenir mieux ", a déclaré Chris Aylward, président national de l’AFPC. "Cette convention prévoit des gains importants pour nos membres et elle servira de modèle à tous les travailleurs et travailleuses du Canada.

Certains membres de l’AFPC n’étaient pas satisfaits de la convention proposée, notamment les dirigeants de l’unité de négociation de l’AFPC à l’Agence du revenu du Canada (ARC) (AFPC-UTE), qui ont réclamé une amélioration du libellé de la convention avant de l’entériner quelques jours plus tard. En annonçant son appui à l’accord de principe le 4 mai, la direction de l’AFPC-UTE a cité l’amélioration du libellé sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, l’augmentation de la prime de poste et l’amélioration de l’accumulation des congés. Ils ont fait remarquer que l’accord comprend également un nouveau congé de cinq jours, dont deux jours payés, pour les employés qui se déclarent autochtones afin qu’ils puissent s’adonner à des pratiques traditionnelles telles que la chasse, la pêche et la récolte.

Il faudrait voir l’accord à travers une lentille idéologique vraiment déformée pour considérer que les gains réels mais modestes obtenus par les membres de l’AFPC sont trop riches ou dangereux pour l’économie dans son ensemble. Il n’est donc pas surprenant que les experts de la presse économique aient été bien pourvus de ce genre de lentilles. C’est toujours le cas, et on nous prévient souvent que lorsque les employeurs engrangent des profits, c’est bon pour l’économie, mais que lorsque les travailleurs gagnent un peu plus en améliorant leurs salaires ou leurs conditions de travail, c’est dangereux pour l’économie et il faut s’en inquiéter au plus haut point.

En décembre dernier, par exemple, le Globe and Mail titrait sur l’"enhardissement des syndicats canadiens" et la chaîne Postmedia soulignait la nouvelle du contrat provisoire de l’AFPC le 1er mai par une chronique d’Howard Levitt avertissant sévèrement que "la capitulation du gouvernement sur la grève de l’AFPC jettera une longue ombre sur le secteur privé". Selon Levitt, des accords salariaux décents pour les employés du secteur public aggraveront les pénuries de main-d’œuvre et stimuleront l’inflation.

En avril, l’Institut Fraser (où le lecteur intéressé peut souvent découvrir ce que la classe dirigeante pense ou, au contraire, ce qu’elle veut que nous pensions) s’est prononcé sur la perspective d’une grève de l’AFPC et a averti le gouvernement qu’il devait "...rejeter les demandes irréalistes des syndicats et mieux aligner la rémunération sur celle du secteur privé pour redresser les finances du Canada", une façon euphémique de prescrire un nivellement par le bas pour les travailleurs canadiens.

Quiconque sait comment les intérêts de classe peuvent façonner la perception ne sera pas surpris de découvrir autant d’hostilité envers les travailleurs et travailleuses de l’AFPC et leurs revendications justes et modestes dans les médias grand public et les groupes de réflexion de droite comme l’Institut Fraser. Après tout, il s’agit d’organismes dont l’existence dépend du financement des entreprises et qui reflètent et rationalisent régulièrement les intérêts de classe de nos maîtres politiques et économiques.

Si le parti pris antisyndical n’est pas une surprise dans la presse grand public et les groupes de réflexion de droite, il est remarquable de constater combien de vitriol venimeux est consacré à l’attaque des travailleurs syndiqués du secteur public, et combien souvent d’autres travailleurs sont invités à se joindre à l’attaque.

Pourquoi ceux qui parlent au nom de la classe dirigeante réservent-ils leur rancœur particulière aux travailleurs du secteur public ? Plusieurs explications sont possibles.

Tout d’abord, les syndicats du secteur public au Canada ont connu un succès impressionnant dans l’organisation de leurs lieux de travail au cours des dernières décennies. Si les travailleurs syndiqués du secteur privé et les travailleurs non syndiqués de tout le Canada peuvent être persuadés que nos consœurs et confrères des syndicats du secteur public sont des fainéants qui veulent ...attendez... "rançonner le public", cela représente une victoire classique de diviser pour régner pour les ultra-riches et les puissants qui sont heureux de nous monter les uns contre les autres et de diviser notre unité. La grève de l’AFPC a donné lieu au vacarme habituel de ces tentatives, et nous devrions tous reconnaître qu’il s’agit d’une clameur assourdissante et toxique.

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