Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Les réactions de la fille d’une otage retenue à Gaza et d’une professeure américano-palestinienne à l’adresse du Président Biden

2ième partie des entrevues

Le Hamas réagissait à 16 ans de siège. Je ne fais pas l’apologie de ce qui s’est passé le 7 octobre mais, de dire que toute cette affaire a commencé à ce moment-là, c’est ignorer le fait que chaque jour de 2023, un.e Palestinien.ne a été tué.e. C’est ce qui a mené au 7 octobre. Donc, si on ne considère pas les racines de ce qui a causé le 7 octobre, si on ne prend pas en compte la violence par laquelle deux millions de personnes ont été tenues sous siège pendant 17 ans, sans liberté de mouvements, on ira nulle part.

Democracy Now, 8 mars 2024
Traduction et organisation du texte
Alexandra Cyr

Amy Goodman : Durant son adresse (à la nation), le Président Biden a traité de la situation à Gaza qui est devenue un enjeu clé pour les élections. (…) :

Président Joe Biden : «  Israël a le droit de s’attaquer au Hamas, qui, s’il relâchait les otages, déposait les armes et livrait les responsables (de l’attaque) du 7 octobre, il pourrait mettre fin au conflit.

Mais Israël fait face à un enjeu de plus, le Hamas se cache et opère au milieu de la population comme un lâche, sous les hôpitaux, les garderies et toutes les institutions du genre. Israël a une responsabilité fondamentale, protéger les civils.es innocents.es de Gaza.

Cette guerre a fait plus de mal aux civils.es innocents.es que toutes les autres guerres réunies, y compris celle-ci. Plus de 30,000 Palestiniens.nes ont été tués.es et dans leur vaste majorité ils et elles ne faisaient pas partie du Hamas. Ce sont des milliers et des milliers d’innocents.es, des femmes et des enfants, des garçons et des filles dont des orphelins.es. Près de 2 millions sont sous les bombardements et déplacés.es, leurs maisons ont été détruites, leurs quartiers ne sont que des décombres, les villes sont en ruines. Les familles n’ont pas de nourriture, d’eau ni de médicaments. Ça brise le cœur.

J’ai travaillé sans relâche pour arriver à un cessez-le-feu immédiat qui pourrait durer six semaines pendant lesquelles tous et toutes les otages pourraient être libérés.es, (où on pourrait) alléger l’intolérable crise humanitaire et nous orienter vers quelque chose de plus durable.

Les États-Unis ont dirigé les efforts internationaux pour plus d’aide humanitaire à Gaza. Ce soir, je demande à l’armée américaine de prendre le leadership d’une mission d’urgence en installant un quai temporaire dans la Méditerranée sur la côte de Gaza pour y apporter de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des abris temporaires en grande quantité. Il n’y aura pas de soldats.es américain sur le territoire. Ce quai temporaire permettra d’augmenter massivement l’aide humanitaire à Gaza chaque jour ».

A.G. : Avant le début de ce discours, des centaines de protestataires ont bloqué les rues autour de la Maison blanche près du Capitole ce qui en a retardé le début. La manifestation exigeait un cessez-le-feu immédiat. D’autres manifestations se sont tenues ailleurs dans le pays. On en attend d’autres cette fin de semaine à Chicago où se tiendra la Convention démocrate à l’été. Une coalition contre la guerre a tenu une vigile de 24 heures à la Plaza fédérale de la ville ; on y a lu le plus de noms possibles des 30,000 Palestiniens.nes tués.es par les bombardements israéliens à Gaza. On y a aussi tenu un discours alternatif sur l’état de l’Union  :

Eman Abdelhadi : «  L’adresse sur l’état de l’Union de ce soir est celle (de l’état) du génocide. Nos leaders ont suivi un plan que nous connaissons, investir dans le pouvoir de l’argent et du sang au mépris de l’humanité  ».

A.G. : Nous nous rendons maintenant à Chicago pour entendre Mme Eman Abdelhadi une militante et professeure américano-palestinienne à l’Université de Chicago. Elle étudie entre autre, les politiques des musulmans.es américains.es. Elle a appuyé le Président Biden en 2020 et a décidé de ses amis.es à voter.

Soyez la bienvenue sur Democracy Now professeure Abdelhadi. Vous avez livré votre message hier soir…

E.A. : Merci Amy pour l’invitation.

Je veux signaler que j’ai écrit ce discours avec Ari Bloomekatz qui est le rédacteur en chef du site In These Times. Nous voulions avertir que tout ne peut pas aller comme avant et que nous ne nous retirerons pas. Le génocide dure depuis 152 jours et c’est un projet américain à 100%. On n’en serait pas là si les États-Unis n’envoyaient pas d’armes à Israël et ne lui accordaient pas un appui inconditionnel. Il est donc dangereux de n’en parler qu’en fin de discours comme si c’était un enjeu de politique étrangère éloignée et non un enjeu qui est dans toutes les têtes américaines.

A.G. : Et que dites-vous de l’idée de construire un port ? Il y a eu les parachutages de nourriture dans un premier temps. Ça donne l’impression qu’il y a eu un désastre naturel, comme un tremblement de terre, une tornade ou un ouragan et qu’il faut s’assurer que les populations aient de quoi manger. Mais c’est le fait d’Israël, un allié des Américains qui l’arment.

E.A. : En effet, le Président Biden pointe un fusil sur la tête des Palestiniens.nes, tire d’une main et leur lance des miettes de l’autre. Et il veut que nous, le peuple américain nous nous centrions sur les miettes qu’il parachute. Alors, nous disons et redisons : « Président Biden, bat les armes ». C’est absurde de présenter ces morts.es comme de simples victimes collatérales et non une stratégie volontaire de l’État d’Israël d’opérer un nettoyage ethnique.

A.G. : Je veux introduire dans la conversation, Neta Heiman Mina. Elle est membre du chapitre israélien de Women Wage Peace. Sa mère de 84 ans, Mme Ditza Heiman, a été capturée par le Hamas dans sa maison dans le kibboutz Nir Oz près de la frontière avec Gaza. Elle a été relâchée le 28 novembre. Mme Heiman Mina nous parle depuis Israël.

Neta merci de vous joindre à nous. Il y a eu beaucoup de familles d’otages présentes hier soir. Elles étaient les invitées des Bidens, de Israeli Américan ou American hostages in Gaza. D’abord, comment va votre mère ? Et pouvez-vous nous dire ce que vous voulez qui se passe maintenant ?

Neta Heiman Mina : Merci de l’invitation.

Ma mère va bien. Elle commence à vivre sa nouvelle vie. Elle ne peut retourner chez-elle dans le kibboutz qui a été endommagé par le Hamas. Elle attend toujours ses voisins.es et amis.es du kibboutz ; il y en a encore 37 otages à Gaza.

Je pense qu’il faut tout faire pour les libérer, les ramener à la maison même s’il faut un cessez-le-feu même s’il faut libérer des prisonniers.ères palestiniens.nes. Nous devons le faire le plus tôt possible, il leur reste peu de temps. Ils et elles ne doivent pas rester là-bas. (…) Ce sont des personnes âgées, des femmes et des enfants et nous apprenons ce qu’ils et elles traversent. (Leur libération) doit arriver le plus vite possible.

A.G. : Pouvez-vous nous parler du mouvement qu’ont formé les familles d’otages ? Je ne pense pas que leur message soit bien entendu aux États-Unis. Nous avons conduit beaucoup d’entrevues à propos de ces Israéliens.nes qui ont été tués.es le 7 octobre. Par exemple, nous avons parlé à un membre de la famille de Hayim (Katzman) à Bruxelles. Il était étudiant à l’Université de Washington, Noy (Katzman) nous a dit : « Mon frère ne voudrait pas que ce carnage continue à Gaza ». Pouvez-vous nous dire ce que les familles d’otages disent en ce moment. Un certain nombre (de ces otages) qui sont morts.es étaient des militants.es pour la paix ?

N.H.M. : Je ne veux parler au nom de toutes ces familles parce que nous ne pensons pas tous et toutes la même chose. Mais je pense que la majorité veulent faire tout ce qui est possible pour leur libération. Peu importe s’il faut arrêter la guerre pour leur retour ou libérer des prisonniers.ères palestiniens.nes. Je pense que la majorité veut faire le maximum pour leur libération. Il y a deux semaines, nous avons discuté avec des gens qui comprennent et qui nous ont dit qu’Israël pouvait s’organiser pour arrêter la guerre, libérer des prisonniers.ères, qu’il n’y avait aucun problème avec cela.

A.G. : Nous allons revenir à la professeures Abdelhadi. Pouvez-vous nous parler de ce que B. Nétanyahou menace de faire : l’invasion de Rafa au sol ? Qu’est-ce que cela pourrait signifier ?

E.A. : Ça voudrait dire le nettoyage ethnique total du reste de la Bande de Gaza. Nous avons vu un million 500 mille personne s’entasser sur ce petit bout de territoire. C’est devenu le dernier refuge. C’était supposé être sûr et il serait attaqué. Les Palestiniens.nes n’ont littéralement nulle part où aller.

En définitive, c’est la continuation de la politique que B. Nétanyahou a suivi depuis le 7 octobre, n’est-ce pas ? Il a été, de même que d’autres membres de son administration, très franc en déclarant son intention d’en finir avec Gaza, d’en sortir tous les habitants.es et d’en faire un espace de colonisation tout prêt. Et sans conséquences américaines. Votre invitée précédente disait qu’il nous faut une politique étrangère transformative mais, ce que nous observons c’est que la classe dirigeante aux États-Unis n’est pas prête à transformer l’inconditionnel appui américain à Israël.

A.G. : Eman, quels sont les plans en vue de la Convention démocrate à Chicago où vous vous trouvez ?

E.A. : Vous le savez, nous sommes très mécontents.es de cette administration. Je pense que le vote « non engagé » le démontre. La plus grande communauté palestinienne se trouve à Chicago. Elle est une des plus grande du monde. Nous ne partons pas. Nous allons toujours être dans les rues. Et nous allons nous assurer que le Comité national démocrate sache où nous nous situons.

A.G. : Neta Heiman Mina, pouvez-vous nous dire ce qui se passe au gouvernement en ce moment ? Il est clair que B. Nétayahou est pour le moins en conflit d’intérêt. S’il est poussé hors du gouvernement il pourrait finir en prison. Voilà que Benny Gantz rencontre la vice-présidente, Mme Kamala Harris et le Secrétaire d’État Blinken à Washington. Il est membre du cabinet de guerre et il a été ministre de la défense (dans le passé). Pensez-vous que le gouvernement s’effondre ?

N.H.M. : Je ne sais pas si le gouvernement s’effondre. Mais permettez-moi, avant que je ne réponde à votre question, de rappeler qu’il ne faut jamais oublier que c’est le Hamas qui a attaqué. Le 7 octobre, le Hamas a attaqué Israël, tué 1,400 personnes, fait 254 otages en les tirant de leurs lits en pyjamas. Nous devons nous rappeler cela. Maintenant, la situation à Gaza ; c’est aussi le fait du Hamas. Il ne se préoccupe aucunement de la population où israélienne ou gazaouie. Je pense qu’il se préoccupe encore moins de celle de Gaza que de celle d’Israël et encore moins de celle des États-Unis.

Je ne sais pas si le gouvernement va tomber. Il y a un problème. Pour notre Premier ministre la libération des otages n’est pas une priorité. Sa priorité fondamentale c’est de demeurer Premier ministre et que le gouvernement ne tombe pas. I. Ben-Gvir et B. Smotrich (qui en font partie) sont un réel problème. S’il devait y avoir une entente pour, disons mettre fin à la guerre, B. Nétanyahou aurait un problème avec son gouvernement.

A.G. : Mme Abdelhadi, pouvez-vous réagir à ce que Neta vient de dire ? Et nous venons tout juste de recevoir une nouvelle ; selon CBS News, cinq personnes auraient été tuées vendredi lors du parachutage de paquets d’aide quand un des parachutes ne s’est pas ouvert correctement et les paquets sont tombés sur ces personnes. Il y a une vidéo en ligne maintenant. (…)

E.A. : Le Hamas réagissait à 16 ans de siège. Je ne fais pas l’apologie de ce qui s’est passé le 7 octobre mais, de dire que toute cette affaire a commencé à ce moment-là, c’est ignorer le fait que chaque jour de 2023, un.e Palestinien.ne a été tué.e. C’est ce qui a mené au 7 octobre. Donc, si on ne considère pas les racines de ce qui a causé le 7 octobre, si on ne prend pas en compte la violence par laquelle deux millions de personnes ont été tenues sous siège pendant 17 ans, sans liberté de mouvements, on ira nulle part.

A.G. : Merci Mme Abdelhadi (…) et Mme Neta Heiman Mina (…) pour votre participation.

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