Édition du 7 mai 2024

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États-Unis

Liaisons dangereuses : l'étonnante coalition des frères Koch, des néoconservateurs et des Démocrates contre D. Trump et son mot Clic, FUvoters

La politique peut provoquer d’étranges liaisons. Souvent, là où les différences peuvent apparaitre profondes même fondamentales, elles ne le sont pas tant que cela. Spécialement quand une menace aux leaders de la structure bipartisane apparait. Arrêtons-nous sur l’étrange cas de M. Trump. Les commentateurs-trices de tout bord qui ont prédit qu’il ne gagnerait même pas une primaire, qu’il était impossible qu’il parvienne à la nomination à la (candidature présidentielle républicaine) répètent aujourd’hui qu’ils et elles « n’ont absolument pas peur qu’il devienne président des États-Unis ». Qui allez-vous croire, ces gens là ou ce que vous voyez de vos propres yeux ?

John Stauber, counterpunch.org, 6 mai 2016,
Traduction, Alexandra Cyr

Les étranges liaisons qui s’exhibent publiquement contre Donald Trump à la présidence incluent bien sûr Hilary Clinton et la direction du Parti démocrate. Mais s’y ajoutent aussi les néoconservateurs dont Mme Clinton, John Kerry et Joe Biden et d’autres ont endossé les thèses quand il s’agissait de pousser les États-Unis vers l’invasion de l’Irak. Cette guerre à mené à la création du groupe armé état islamique, fait un million de morts, violé les conventions de Genève et est maintenant perdue. Pour les promoteurs-trices du militarisme et de la politique impériale ralliés-es en masse autour du Project for the New American Century, (PNAC) trouvent Mme Clinton tellement plus capable que M. Trump de réaliser cette politique.

Puis viennent les frères Koch, la famille et sa cabale qui a été à la fois un fléau et une aubaine pour le financement des Démocrates, puis les progressistes professionnels-les. Pour ce qui reste du mouvement ouvrier, du principal mouvement environnemental et des progressistes et professionnels-les démocrates « bon chic bon genre », les Koch étaient leur ennemi principal ; ils les avaient identifiés comme la force de droite la plus dangereuse. Et les voilà soudain dans leur bateau puisque la famille Koch a clairement signalé qu’elle préférait vivre avec les militaristes de Wall Street qui soutiennent Mme Clinton plutôt que de tomber dans l’escarcelle volée du Républicain D. Trump.

Quant au mouvement progressiste, il arrive avec ses capacités à remplir les caisses et à mobiliser. MoveOn, le groupe progressiste aux premiers rangs du Parti démocrate, vient en tête de la mobilisation contre Trump dans les rangs démocrates.

Comme toujours, MoveOn a besoin d’une cause, d’une raison pour être l’organisation qui remplit les coffres et fait le plein de signatures sur les pétitions ; M. Trump est aujourd’hui cette occasion. Les contributeurs-trices à MoveOn ont insisté pour dire que leur appui allait à B. Sanders ; les militants-es ont donc endossé publiquement le mouvement « Feel the Bern » Mais, maintenant qu’il est connu que les « supers délégués-es » détiennent la victoire d’Hillary Clinton, l’organisation s’est tournée vers l’opposition à D. Trump : le mot clic, Duh ! a bien sûr été installé. Pour quiconque comprends quelque chose au fascisme, D. Trump donne une bonne raison de voter pour H. Clinton ou pour qui que ce soit qui ne se porte pas son nom. Les progressistes salivaient à l’idée d’un affrontement électoral avec « Le Donald » ; c’est fait !

Bernie Sanders va continuer à mener la charge des progressistes contre D. Trump. Avant d’annoncer sa candidature (à la candidature démocrate à la présidence), il a clairement dit qu’il devenait un « vrai démocrate pure laine », qu’il n’était plus indépendant. Le sort désastreux fait à Ralph Nader qui avait osé se présenter à la présidence à titre de Vert, était assez rebutant pour décourager ses velléités d’indépendance. Ce n’est pas à cause de R. Nader que Bush a pris le pouvoir. Mais les Démocrates aiment bien penser que c’est le cas. C’est une analyse dont ils font la publicité parce qu’elle est essentielle pour vaincre leur peur de perdre les élections s’il y avait un troisième parti, celui que B. Sanders aurait pu mettre en lice s’il ne s’était pas fondu dans le Parti démocrate.

Avec son slogan, « Fell the Bern », Bernie Sanders se livre à la danse du feu. Beaucoup de ses partisans-es ne se rendent pas encore compte qu’il n’était que le fusible depuis le début. Il présentait des projets de réforme importants mais il a toujours prévu que ses partisans-es seraient livrés-es à Hillary Clinton à Philadelphie quand l’establishment du Parti démocrate, se servant des super délégués-es lui rappelleront ce que signifie son titre de « Socialiste démocrate ». Évidemment il va gagner d’autres primaires mais ça ne changera rien. La foule autour de John Nichols et des commentateurs-trices battant le tambour avec l’aile progressiste des Démocrates vont faire tout ce qu’ils peuvent pour convaincre que le sénateur Sanders fait une différence en présentant des réformes qui vont marquer l’avenir du Parti démocrate. Mais ils sont devenus de véritables parodies d’eux-mêmes ; à force de mariner dans le cœur du discours démocrate, ne s’en rendront même pas compte.

En ce moment, les sondages mettent en évidence que 75% des partisans-es du mouvement « Feel the Bern » sont aussi affiliés-es à « Ready for Hilary ». Quand The Nation, une partie de l’élite progressiste et B. Sanders lui-même auront suffisamment doré l’image d’Hillary Clinton, elle pourra compter sur 95% des affiliés-es au mouvement « Feel the Bern ». Elle a désespérément besoin d’eux tous et toutes.

La coalition Hillary par défaut comprend un nombre grandissant d’oligarques républicains qui sous l’impulsion de la famille Bush s’y rallient tant ils et elles sont dépassés-es par « Le Donald ». On peut se demander, à voir cet étrange arrangement de liaisons, qui donc sera là pour pousser la candidature de Donald Trump. Mais qui donc reste-t-il en dehors de cette gauche centriste à droitière, de la droite libertaire corporative, pour faire campagne contre M. Trump ? Beaucoup de monde.

Comment M. Trump a-t-il accompli ce qu’il a accompli jusqu’à maintenant ? Ce n’est pas en ayant recours à l’élite intellectuelle, en faisant des appels à la raison ou en dépensant des sommes folles qu’il a réussi à démolir puis à prendre le contrôle du Parti républicain. Bien sûr, il a mobilisé le vote raciste, mais ce n’est rien de nouveau chez les Républicains. Voici son secret : Donald Trump a mis en lumière comme personne ne l’avait fait jusqu’ici, à quel point la plupart des Américains-es détestent la politique. Cette détestation dépasse celle qu’ils et elles vouent à Hillary Clinton et Donald Trump lui-même et Dieu sait à quel niveau cela se situe.

Donald mène le mouvement « Va te faire foutre » ! Des millions et des millions de personnes le suivent parce qu’elles en ont plus qu’assez de l’élite politique, celle que j’appelle l’Oligarchie bipartisane, expression qu’elles n’utilisent pas. Elles veulent leur faire une peur bleue, que les deux partis soient sonnés comme les soldats américains « sonnaient » leurs jeunes officiers pour leur exprimer ce qu’ils ressentaient à propos du service armé durant la guerre du Vietnam. (…)

Appelons-les les électeurs-trices VTFF de Donald Trump : un nombre énorme de personnes qui détestent passionnément les politiciens-nes, qui ne miseraient pas un sous sur les frères Koch, ni sur MoveOn et qui n’aiment peut-être même pas Le Donald. Mais pour elles il représente une prise de position sur leur rage et leur mécontentement, comme s’il était leur propre doigt d’honneur, un énorme doigt d’honneur à tous ces vendus-es, escrocs, prostitués-es et souteneurs des deux partis qui ont livré les États-Unis au 1%. La classe politique est perçue comme leur ennemi.

Cette catégorie d’électeurs-trices est énorme et grandit toujours. Les États-Unis s’enfoncent dans la stagnation comme le monde entier d’une certaine façon. Et voilà qu’arrive cette fougueuse apparition d’un multi millionnaire, célébrité sexiste marié à un modèle sexé, un gars qui distille des émotions contradictoires, qui n’a jamais au grand jamais eut de poste militaire, n’a même jamais été dans l’armée, n’a jamais fait quoi que ce soit de ce que vous devez faire pour devenir président. Et cet électorat est prêt à voter pour lui pour dire « On vous emmerde », à tout le monde. Ne faites pas l’erreur de tenir ce vote pour négligeable. Il va se manifester juste avant Noël 2016, comme une fin à la hollywoodienne.

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