Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Camp minier citoyen devant l’Assemblée nationale

Mettre fin à la prédation des ressources du sous-sol québécois

De groupes membres de la Coalition Québec meilleure mine ainsi que d’autres intéressés par la réforme de la loi sur les mines se sont regroupés la semaine dernière afin de faire valoir que le gouvernement Charest et l’industrie minière tentent de réformer la loi sur les mines, une loi qui date du 19e siècle, tout en maintenant un taux de profits important pour l’industrie sans que cette prédation n’apparaisse comme telle aux yeux de la population.

Bref, que les propositions présentées par le gouvernement Charest ne représentent que des changement cosmétiques qui ne permettront pas de dégager des revenus équitables pour l’État québécois alors que l’industrie fait montre d’un appétit gargantuesque. Cet exercice s’est déroulé sur un fond antidémocratique car plusieurs groupes soutenant des enjeux cruciaux comme l’ouverture de mines d’uranium sur la Côte-Nord, n’ont pas eu l’occasion de faire valoir leurs points de vue.

Les consultations sur la réforme de la loi sur les mines ont tout de même révélé certaines tendances lourdes. L’industrie tient à maintenir les règles actuelles ou à tout le moins à restreindre ces changements à des niveaux insignifiants, notamment au niveau des redevances. Ainsi, durant la tenue de la commission parlementaire, nous avons eu droit à toute la ribambelle d’argumentaires qui tiennent davantage du chantage que de la démonstration logique.

Ainsi, l’Association de l’exploration minière du Québec — qui a 13 lobbyistes inscrits au registre provincial — en a particulièrement contre la disposition qui pourrait permettre aux municipalités d’exclure le développement minier de secteurs urbanisés ou dédiés à la villégiature. Son président, Ghislain Poirier, va jusqu’à s’interroger sur la légitimité du projet de loi. Selon lui, en plus de susciter des risques dans la mise en oeuvre du Plan Nord, le projet de loi génère aussi comme conséquence le potentiel de « mettre à mort la filière minérale québécoise. » Pourtant, il s’agit d’un exercice démocratique fondamental que celui de décider ce qui formera notre paysage urbain et le niveau d’acceptabilité sociale de la présence d’une industrie qui pollue et laisse en plan des milieux qui doivent être ultérieurement renaturalisés. De plus, l’exclusion des secteurs urbanisés et de villégiature ne représente que 1% du territoire du Québec. De plus, en dehors des zones urbanisées ou consacrées à la villégiature, le « free mining » doit continuer de s’appliquer.

Par ailleurs, un membre du conseil d’administration de l’Institut national des mines du Québec et ancien directeur général de l’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) M. Jean-Pierre Thomassin, signait une lettre aux lecteurs (Cyberpresse 24 août 2011) dans laquelle il déclare sans gêne en parlant de la nouvelle disposition qui interdiraient dorénavant l’exploitation dans les milieux urbains et de villégiature que « cette façon cavalière de retirer à ces investisseurs des droits d’exploration accordés depuis presque un siècle dans certains cas, et de les soumettre à la volonté des municipalités locales qui, pour la plupart, n’ont même pas de carte géologique de leur territoire ».

Cette opinion reflète bien l’orientation récente suggérée par Lucien Bouchard, porte-parole de l’industrie pétrolière et gazière qui réclamait des compensations pour les minières qui devront renoncer à des gisements dans le cas d’interdiction de procéder suite à l’adoption de la nouvelle loi sur les mines. On voit bien dans ces deux cas récents comment ces entreprises se voient au-dessus des lois et qu’elles veulent simplement avoir accès aux ressources sans rendre de comptes ni se soucier des impacts collatéraux, humains et environnementaux.

Un camp citoyen réussi sur toute la ligne

Une conférence de presse courue, des contacts avec la population de la capitale, la présence de familles de plusieurs régions du Québec et de représentantEs de communautés autochtones, le camp minier citoyen organisé par la Coalition Québec meilleure mine et des groupes associés a permis de faire entendre la parole citoyenne au-delà des braillements de l’industrie et des hésitations du ministre à satisfaire son appétit tout en donnant l’impression de répondre aux accusations de ventes à rabais des ressources naturelles du Québec.

Alors que Jean Charest endosse ses habits de voyageur de commerce pour vendre à tout crin le Plan Nord, le ministre Gignac contourne le problème en restreignant la question des redevances que l’industrie doit payer à un pourcentage sur les profits enregistrés. Or, avec la comptabilité “créatrice “ pratiquée par la plupart des comptables de cette industrie, les profits peuvent frôler le zéro absolu sans trop de problèmes. Les redevances perçues ne comblent même pas les dépenses encourues pour renaturaliser certains sites abandonnés par les minières.

Ainsi, selon Hélène Baril (Cyberpresse du 19 mai 2011), les redevances versées par les minières au gouvernement du Québec de 2002 à 2009 se sont « élevées » à 427 millions de dollars en redevances sur une production minière de 37,1 milliards, soit 1,1%, alors que la moyenne canadienne est de 5,1%. Les redevances ne représenteraient que 2% de la valeur des ressources extraites du sous-sol québécois. Dans ces circonstances, l’Institut Fraser peut bien qualifier le Québec de paradis des minières. Les groupes citoyens présents au camp miniers proposent de calculer les redevances sur le volume brut de ressources extraites et non sur les profits réalisée.

La Coalition Québec meilleure mine a déposé un mémoire qui propose « d’éliminer le free mining, d’imposer aux minières la facture de la renaturalisation des sites miniers et mettre sur pied un fonds souverain de 25 milliards de $, en 25 ans, pour compenser l’épuisement de nos ressources minières non renouvelables. » « Nous demandons que la possibilité d’exproprier des citoyens lors de l’étape de l’exploration soit retirée de la loi. Nous demandons également qu’une nouvelle loi garantisse l’accès à un accompagnement juridique aux citoyens qui en auraient besoin lorsqu’ils doivent négocier avec des compagnies minières, gazières et pétrolières », affirme Me Nicole Kirouak du Comité de vigilance Malarctic.

De plus, la coalition a demandé qu’on établisse une redevance spéciale de 0,5 à 1 % afin de financer un fonds de restauration des sites miniers abandonnés, dont la facture s’élève présentement à plus de 640 millions de $, aux frais des contribuables québécois. Enfin, la coalition désire que l’État québécois soit au centre de la stratégie de développement par la « Création d’un fonds souverain sur les mines prévoyant la prise de participation de l’État dans les projets miniers dont l’exploration aura été financée en bonne partie par l’État (entre 25 et 40 % actuellement) et l’augmentation significative du système de redevances. Une partie des revenus de ce fonds souverain, qui vise à recueillir 25 milliard de $ en 25 ans, pourrait servir à la restauration des 350 sites miniers abandonnés qui font peser sur l’État et ses citoyens une charge évaluée minimalement à 640 millions de $. »

Ainsi, face à l’offensive néolibérale du gouvernement Charest qui vise à ouvrir toutes grandes les portes du nord québécois aux minières tout en leur offrant de payer pour les infrastructures nécessaires à l’exploitation du territoire, des regroupements citoyens résistent et se mobilisent pour imposer un modèle alternatifs au développement du Québec. Un développement d’abord par et pour la population du Québec, comme l’a affirmé Françoise David de Québec Solidaire lors des discours de la journée d’ouverture du camp minier.

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