Édition du 14 mai 2024

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Politique canadienne

Mouvement contre l'apartheid israélien : pas de démocratie sans droits

Au cours du mois de mars, deux appels militants ont été lancés à la gauche québécoise. L’un concerne la journée d’action « BDS » contre l’apartheid israélien et l’autre est fait en soutien à des organismes d’aide internationale et de défense des droits (Droits et démocratie, Alternatives et Kaïros). Ces appels ont un lien commun : l’érosion progressive, pour le Canada comme pour le Québec et ses citoyenNEs, du pouvoir de faire valoir la démocratie et les droits à l’international comme à l’intérieur du pays.

Journée d’action BDS

Le 30 mars dernier, une cinquantaine de militantEs ont répondu à l’appel de la Coalition pour la justice et la paix en Palestine en se réunissant au square Philips devant le magasin La Baie dans le centre-ville de Montréal pour souligner la journée d’action BDS contre l’apartheid israélien. Québec solidaire y était : http://www.youtube.com/watch?v=OYGShm6TL-g.

Représentant pour l’occasion Québec solidaire, Marie Josèphe Pigeon a fait une courte allocution qui reprenait le communiqué de presse émis par la Commission nationale « altermondialisme » de Québec solidaire pour l’occasion.

En plus de souligner l’appui de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) au boycott académique, Madame Pigeon a rappelé la résolution d’appui votée en congrès le 7 novembre 2009 :
« Il est résolu :
1.De répondre favorablement à l’appel de la société civile palestinienne ;
2.De s’engager à appuyer activement la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international et les droits des Palestinien-ne-s ;
3.De participer, avec les autres groupes associations, syndicats de la société québécoise déjà impliqués dans la campagne BDS, aux discussions et actions concernant cette campagne. »

Qu’est-ce qu’une campagne BDS ?
« BDS » pour Boycott, Désinvestissement et Sanctions.

Sur le modèle de la campagne qui a participé à la chute du régime d’apartheid en Afrique du Sud, le mouvement BDS a été lancé le 9 juillet 2005 par plus de 170 organisations palestiniennes contre la politique israélienne d’implantation de colonies en territoire palestinien occupé et la construction du mur qui encercle les PalestinienNEs dans leur propre pays. La campagne BDS vise à décourager les appuis politiques, militaires, économiques, académiques et culturels qui permettent depuis trop longtemps à Israël de faire fi du droit international.

« Pour que cesse l’occupation. Pour faire tomber le mur. Boycottons l’apartheid israélien. »

Que faire ?

Boycott :

 s’abstenir d’acheter les produits suivants et/ou
sensibiliser les entreprises à cesser de soutenir le régime d’apartheid en offrant ces produits :
les produits dont le code barre débute avec les chiffres « 729 » (Israël) ;
les vins en provenance du plateau du Golan (territoire occupé) à la SAQ ;
les produits « de beauté » Ahava provenant de la mer morte (territoire occupé) chez LaBaie certains produits (des sous-vêtements et des systèmes d’hydratation) produits par des entreprises militaires israéliennes chez Mountain Equipment Coop ;
Indigo/Chapters, dont les actionnaires soutiennent des militaires en Israël, par l’entremise de la Fondation Heseg ;
 s’abstenir de participer aux conférences d’universités israéliennes ou d’assister à des conférences d’universitaires israéliens ;

Désinvestissement :

 s’informer des composantes de son fonds de pension et demander qu’on en retire les entreprises israéliennes (sont particulièrement ciblées : Catterpillar, Motorola, ITT Industries, United Technologies) ;
 suspendre toute subvention, soutien financier ou organisationnel, crédit idéologique accordé aux centres de recherche ou programmes culturels israéliens ;

Sanctions : Exiger du gouvernement canadien

 qu’il vote en faveur des résolutions de blâme d’Israël pour ses violations du droit international (Ve Convention de Genève) ;
 qu’il interdise toute importation de produits en provenance des territoires occupés ;
 qu’il mette un terme à son accord de libre-échange avec Israël.

La campagne BDS est un geste solidaire qui porte un message fort. C’est un moyen de pression non violent qui relève de notre droit d’expression. Marie Josèphe Pigeon a terminé son allocution en rappelant que bien le Canada ait autrefois envoyé des soldats en Afrique du Sud lors de la guerre des Boers, il avait été actif dans les années 1970-1980 pour mettre fin à l’apartheid. Les QuébécoisES et les CanadienNEs auraient raison d’espérer que la même chose se produise pour la Palestine.

Pas de démocratie sans droits

Malheureusement, les attaques conservatrices du gouvernement canadien – qui trouve des échos chez le gouvernement Libéral au Québec – n’augurent rien de bon.

D’une part, une motion récente a été présentée au parlement canadien sur la Semaine contre l’apartheid israélien, qui vise à assimiler tout lien entre les critiques des politiques de l’État d’Israël à de l’antisémitisme. Cette intervention est tout à fait contraire à l’exercice d’une saine démocratie au sein même du Canada.

D’autre part, des pratiques partisanes (en particulier la nomination et/ou le remplacement de membres du conseil d’administration) ont pour résultat la réduction des capacités d’organisations d’aide et de défense des droits internationaux que sont Droits et Démocratie, Alternatives et Kaïros. De nombreux appels ont été lancés pour mobiliser la population quant aux perspectives de fermeture de ces organismes.

Plus largement, c’est la société civile elle-même qui voit ses droits démocratiques réduits en une peau de chagrin. C’est d’ailleurs le constat maintes fois exprimé par les conférenciers, conférencières et participantEs au Forum public « Pas de démocratie sans droits », organisé à l’UQÀM le 9 avril dernier, en collaboration avec l’AQOCI, l’IÉIM, la CSN, Amnistie internationale Canada francophone et Alternatives.

Tour à tour, des représentantEs de Droits et Démocratie, de la Fédération des femmes du Québec, du Bloc québécois, du Centre international de solidarité ouvrière, de la Confédération des syndicats nationaux, d’Amnistie internationale, d’Alternatives et de l’Institut d’études internationales de Montréal, ont repris ce thème : la crise actuelle qui secoue Droits et Démocratie est une menace annoncée depuis longtemps par une vision réductrice des droits et de la démocratie de la part de la droite. Nous sommes au point de non retour.

L’effritement de la démocratie et des droits ne date pas d’hier, tant au Canada qu’au Québec. On le constate par exemple dans les délais pour adopter l’équité salariale, puis les interventions gouvernementales visant à « négocier » ce qui tient d’une Loi. Les budgets octroyés et les modifications aux programmes de subventions tendent à réduire les missions spécifiques des organismes de la société civile aux politiques gouvernementales – quand ils ne sont pas tout simplement oblitérés, comme c’est le cas dans le dernier budget Libéral.

Ce mouvement conservateur est aussi évident dans l’incertitude maintenue quant au financement des activités de défense des droits des organisations de la société civile que dans l’arrogance des Conservateurs minoritaires au Canada et des Libéraux majoritaire au Québec pour les travaux de chambres d’éluEs parlementaires.

Devant l’urgence, des moyens d’action ont été suggérés : la constitution d’un rapport de force à travers la mobilisation d’une Coalition large, l’appel aux citoyenNEs à travers des pétitions et manifestations de soutien, ainsi qu’une déclaration qui constitue un document de travail à l’heure actuelle.

Ces événements récents nous confirment que des reculs démocratiques nous menacent : les PalestinienNEs, les IsraélienNEs et nous. La gauche doit réagir et mener la lutte avec les coalitions d’organisations de la société civile, les syndicats et les parlementaires que ce déni de justice inquiète.

Marie Josèphe Pigeon

Militante à Québec solidaire depuis la fondation en juin 2006 de l’Association régionale de Montréal, Marie Josèphe Pigeon a travaillé longtemps dans les milieux communautaires pour immigrantEs. Elle est présentement inscrite à la maîtrise en histoire appliquée à l’UQÀM.

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