Édition du 30 avril 2024

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International

Obama : le discours du Caire

Si on se fie aux réactions immédiates dans le monde arabe, le président Obama a réussi son coup. (…) À Dubaï par exemple, le discours (livré à l’université du Caire), a fait la une de beaucoup de journaux et a été en deuxième ou troisième nouvelle dans les autres toute la semaine. Pour le meilleur et pour le pire.

Robert Dreyfuss, www.thenation.org, 6 mai 2009
Traduction : Alexandra Cyr.

On a salué le passage de M. Obama en Arabie Saoudite et en Égypte de deux façons. D’abord on s’est arrêté sur le fait que ce soit le tout puissant et distant grand frère blanc (oui, je sais il est noir, mais…) qui tient un discours auquel les Arabes et les Musulmans peuvent et veulent s’accrocher. Pas facile à comprendre quand on sait que les soldats et les marins américains stationnent partout dans la région. Par ailleurs, l’opinion mieux informée de ce monde arabe espérait vraiment que le président viendrait donner la preuve de la rupture avec la politique impérialiste américaine du croisé George W.Bush. Je crois que c’est ce qui est arrivé. M. Obama a fait preuve d’humilité et il a affiché des indications assez claires sur les changements de cap dans la politique américaine à l’égard du Proche Orient et même au-delà.

Et comme l’a dit CNN, « personne ne lui a lancé de chaussure ! ».

Il a fait état des tensions crées par les rapports coloniaux et de la guerre froide qui ont tenu les nations arabes pour quantité négligeable en les considérant comme de simples pions dans les enjeux des nations dominatrices. Il a bien identifié les racines des tensions actuelles dans le monde arabe, spécialement les réactions de la droite et des Islamistes dans ces pays qui s’élèvent contre la modernité et la mondialisation. Il a pris la peine de dire qu’un discours ne change pas tout. Il a cité le Coran et bien souligné la dette de l’Occident (et du monde) envers la civilisation musulmane. Il a insisté sur le fait qu’il a connu l’Islam sur trois continents avant d’ajouter : « l’Islam fait partie de l’Amérique ». Ce sont des mots, bien sûr, mais que n’ai-je attendu pour entendre ces mots dans la bouche d’un président américain.

M. Obama a bien montré ce qui le sépare des conceptions d’un Ossama Ben Laden et de sa violence extrémiste. Notons que le message du chef d’Al Quaïda flottait encore dans l’air. Il a souligné que les États-Unis n’avaient pas de plans pour demeurer en Afghanistan ni pour y installer des bases militaires permanentes. Même chose pour l’Irak, « nous ne cherchons pas à y installer de bases, ni à nous emparer du territoire ou des richesses naturelles, par exemple le pétrole ». Et il a réaffirmé que toutes les troupes américaines seraient sorties du pays en 2012 (tout cela va nécessiter de la pression de la part des électeurs-trices américainEs et de la rue arabe pour obliger M. Obama à tenir ces promesses).

Mais c’est à propos de la Palestine et des Palestiniens qu’il a frappé le plus fort : « Depuis soixante ans ils ont subi la douleur de la dislocation de leur société. Beaucoup attendent encore dans des camps de réfugiés sur la rive ouest du Jourdain, dans la bande de Gaza et dans divers pays autour, une meilleure vie de paix, de sécurité, attente infructueuse jusqu’à maintenant. Ils supportent les humiliations, petites et grandes, que leur impose l’occupation. Alors, soyons clairs : la situation des Palestiniens est intolérable. Les Américains ne vont pas tourner le dos à leurs aspirations légitimes à la dignité, aux opportunités et à leur propre État ».

Il y a combien de temps qu’un président américain a parlé avec conviction de la souffrance des Palestiniens ? Et dans un discours d’une qualité telle qu’il peut être le moyen d’un virage majeur ?

Même à propos du Hamas, qu’il ne qualifie pas de « groupe terroriste », il prend la peine de souligner qu’il reçoit des appuis dans la population palestinienne. Et il maintient la pression sur Israël en rejetant à nouveau sa politique de développement des colonies dans les territoires occupés. Ça n’est pas fait pour plaire au gouvernement de droite de M.Netanyaou.

(…) Il a affirmé clairement que l’Iran a droit à l’usage pacifique de l’énergie nucléaire. Cette position sera au cœur des discussions entre l’Iran et les États-Unis puisque l’Iran a maintenu sa position que sa capacité d’enrichir l’uranium sur son territoire était non négociable. Bien sûr, il existe une multitude de façons de finasser avec cela, de créer des régulations et au bout du compte d’internationaliser la question.

À propos de la démocratie, il a pris la peine de dire qu’il n’existe pas de ligne déjà toute tracée pour amener les pays arabes, comme l’Égypte à des gouvernements représentatifs. Il signifiait ainsi, que contrairement au président Bush et aux néo-conservateurs, il n’exigerait pas de transformations démocratiques immédiates de la part de ces pays. Je suis convaincu qu’il a ainsi fait mouche.

En péroraison, il a servi du grand Obama, trois extraits des saintes écritures :

« Le saint Coran nous dit : O ! humanité ! Nous vous avons crée hommes et femmes ; et nous vous avons organisés en nations et tribus pour que vous vous connaissiez les uns les autres ».

« Le Talmud nous dit : Tous les enseignements de la Thora ont pour but, la promotion de la paix ».

« L’Évangile nous dit : Bénis soient ceux qui travaillent pour la paix, car ils seront appelés les fils de Dieu ».

« Les peuples du monde peuvent vivre ensemble en paix. Nous savons que c’est le dessein divin. À nous, maintenant, ici sur terre, d’y travailler ».

D’accord, ce ne sont que des paroles, mais c’est un bon départ.

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