Édition du 23 avril 2024

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Planète

Panama : une explosion sociale sans précédent propulse le pays à l’avant-garde de la lutte environnementale en Amérique centrale.

La lutte pour l’environnement rassemble divers secteurs du pays contre la société de mines et métaux First Quantum Mineral

Tiré de Movimentorevista
https://movimentorevista.com.br/2023/11/panama-une-explosion-sociale-sans-precedent-propulse-le-pays-a-lavant-garde-de-la-lutte-environnementale-en-amerique-centrale/

ANTONIO NETO E LUCAS GUERRERO
14 NOV 2023, 16:58

L’approbation de la loi 406, qui autorise l’exploitation minière à ciel ouvert par l’entreprise privée canadienne First Quantum Mineral (Minera Panama) sur le territoire panaméen, lors du dernier débat à l’Assemblée des députés le 20 octobre, a été l’étincelle qui a mis le feu à la plaine. Elle a déclenché l’un des plus grandes mobilisations du peuple panaméen. Pendant des semaines, des milliers et des milliers de personnes sont descendues dans les rues de la ville de Panama et dans les capitales des différentes provinces du pays pour exiger l’abrogation de cette loi. Ils demandent la fin de l’exploitation minière qui, entre autres, détruit la nature, pollue les rivières et les lacs et a provoqué des maladies massives dans la population des zones minières. La mine visée par les manifestations est située dans le corridor biologique méso-américain[i], qui relie les sept pays d’Amérique centrale et le sud du Mexique.

Selon le rapport réalisé par José Arcia pour Mongabay Latam[ii] :

“La concession, accordée par la loi contractuelle n° 9 du 25 février 1997, couvre une superficie de 13 000 hectares, soit environ 60 fois la taille du district de la capitale. On ne sait pas exactement quel pourcentage a été alloué au projet de cuivre développé par Minera Panamá, mais l’étude d’impact environnemental du projet précise la superficie exacte des terres affectées : 5900 hectares, dont environ 5500 hectares de forêts tropicales de basse altitude, 320 hectares ont déjà été dévastés par des “activités anthropogéniques” et 25 hectares correspondent à des plans d’eau et des rivières d’eau douce. Trois grands bassins fluviaux se trouvent dans la zone d’influence de l’exploitation minière : le fleuve Petaquilla, le fleuve Caimito et le fleuve San Juan, ces deux derniers ayant eux-mêmes huit affluents“.

Mais outre les terribles conséquences environnementales, l’exploitation minière à ciel ouvert a des conséquences sociales et culturelles pour les populations voisines. La révocation de ce contrat et l’interdiction de l’exploitation minière à ciel ouvert sur le sol panaméen est le mot d’ordre qui mobilise aujourd’hui le peuple panaméen et qui, s’il aboutit, sera une grande victoire de la lutte pour l’environnement.

Depuis que l’Assemblée des députés du Panama a adopté la loi 406 entérinant le contrat signé en 1997, qui avait été déclaré inconstitutionnel en 2017 par la Cour suprême de justice, des milliers de personnes se sont mobilisées pour l’interdiction de l’exploitation minière à ciel ouvert sur le sol panaméen. Des milliers et des milliers de personnes, en particulier des jeunes, sont descendues dans la rue pour protester contre cette loi. Jusqu’à présent, la mobilisation a remporté une première victoire partielle, puisqu’elle a contraint l’assemblée législative, mais aussi le gouvernement de Nito Cortizo, à convoquer une session extraordinaire de l’assemblée des députés pour approuver un projet de loi interdisant l’exploitation minière à ciel ouvert sur le sol panaméen et pour révoquer le contrat entre l’État panaméen et Minera Panama (filiale de la société canadienne First Quantum Minerals).

Mais les enjeux dépassent les aspirations du peuple panaméen, car les entreprises ont mis en place une équipe de lobbyistes (des soi-disant experts en droit international) qui ont réussi à “convaincre” l’assemblée des députés, qui lors de sa deuxième session (il y a eu trois sessions) avait déjà approuvé l’abrogation de la loi 406 et l’interdiction l’exploitation minière, de s’en remettre à la Cour suprême, et de se dédouaner ainsi de la prise de décision.

L’assemblée a subi une forte pression venue de la rue, au point que plusieurs députés ont dû reconnaître publiquement leur erreur d’avoir voté en faveur de la loi 406 pour échapper à ces pressions et avoir la paix. Certains députés ont été hostilisés par la population et se sont vu interdire l’accès á leurs bases électorales.

Le caractère massif du soulèvement !

Les manifestations contre la loi 406 et contre l’exploitation minière au Panama sont générales dans tout le pays. Mais il y a au moins deux acteurs principaux sont à l’avant-garde des mobilisations. D’une part, il y a les jeunes et les écologistes qui ont organisé des marches massives, appelées par les réseaux sociaux et avec des leaders qui, pour la plupart, en sont à leur première expérience. Les appels des jeunes à manifester ne passent pas en général par les associations traditionnelles, universitaires ou lycéennes, et les marches et mobilisations sont longues, commençant souvent le matin et se prolongeant sans fin.

D’autre part, il y a les organisations de travailleurs, au premier plan les enseignants – en 2022, les enseignants avaient déjà organisé de grandes manifestations au Panama – organisées par le Frente Pueblo Unido por La Vida (Front du peuple uni pour la vie, qui comprend l’ASOPROF – l’association des enseignants, le SUNTRACS – le syndicat des travailleurs de la construction, etc.)

Le lendemain de l’adoption de la loi 406, les enseignants ont appelé à une grève illimitée. Il en a été de même pour les travailleurs des transports. Et comme l’a déclaré le MAS dans un récent communiqué[iii] : “les travailleurs des transports et les éducateurs ont déclaré une grève illimitée, même le CONATO, qui n’est pas vraiment connu pour son attitude combative et mobilisatrice, parle de préparer l’organisation d’une GRÈVE NATIONALE”. Les travailleurs de transport de la ville de Penonomé ont fait de même, l’Ordre national des infirmiers a décidé des grèves échelonnées au niveau national, ce qui est sans précédent“.

Les travailleurs de la construction, qui n’ont pas encore déclaré de grève illimitée, ont bloqué des routes et fermé des rues avant et pendant les pauses de travail, une participation limitée compte tenu de leur force, mais en fin de compte une large participation aux protestations.

En d’autres termes, le caractère massif et généralisé de ce soulèvement est démontré non seulement par les marches massives dans les rues du pays, mais aussi par la réaction des gens à la campagne et à la ville, dans les rues, dans leur vie quotidienne.

L’unité pour gagner

Les marches continuent d’être massives et conservent leur caractère radical contre le contrat minier, mais beaucoup d’entre nous pensent que ce qui est nécessaire, c’est ce qui dans la rue, pleine de jeunes manifestants qui crient « UNITÉ, UNITÉ », C’est cela qui est nécessaire pour gagner cette lutte une fois pour toutes, pour exercer une pression décisive contre le régime politique et son gouvernement PRD de Nito Cortizo, c’est l’unité organisationnelle, avec la formation d’un Comité national de coordination des luttes et des mobilisations, composé de représentants de la Jeunesse Auto-convoquée, des mouvements contre l’industrie minière, des mouvements écologistes qui participent aux manifestations, du mouvement Pueblo Unido por La Vida, de l’Alliance nationale pour les droits des peuples organisés (ANADEPO), d’EL CONATO, des organisations indigènes et paysannes, des secteurs populaires organisés et des organisations politiques et civiles qui ont participé à cette action du peuple panaméen et l’ont soutenue. Nous serons une seule voix pour nous mobiliser massivement au niveau national, une seule voix pour lancer une grève générale de la production et de toutes les activités professionnelles d’une journée dans un premier temps et, si l’État ne réagit pas, nous appellerons à des grèves de plus en plus longues. Il ne fait aucun doute qu’avec les masses dans les rues et les grèves générales de la production, l’État bourgeois devra céder et répondre à la clameur du peuple. Nous devons être clairs sur le fait que la lutte n’est pas seulement contre l’une ou l’autre des institutions de l’État bourgeois séparément, elle n’est pas seulement contre l’Assemblée ou la Cour suprême ou le gouvernement ou les partis politiques traditionnels, elle est contre toutes ces institutions qui se coordonnent et se réunissent secrètement pour conspirer contre le peuple. Ils agissent de manière coordonnée, le peuple doit coordonner ses forces pour ne pas gaspiller son énergie dans des luttes dispersées. Nous devons surmonter la dispersion initiale et parvenir à une coordination et à un programme minimum afin de remporter la victoire contre le contrat minier et d’affronter l’avenir proche de manière plus organisée et coordonnée.

[i] https://es.mongabay.com/2018/12/panama-mineria-bosques-del-corredor-biologico-mesoamericano/

[ii] https://es.mongabay.com/

[iii] La lutte continue jusqu’á l’abrogation complète du contrat minier (lio 406) https://movimentorevista.com.br/2023/11/la-lutte-contre-lexploitation-miniere-au-panama-continue-malgre-les-morts/

Antonio Neto é professor, grevista, de Geografia na Escola Técnica Estadual Senador Ernesto Dornelles de Porto Alegre.
Lucas Guerrero é militante do MAS panamenho.
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