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Energie

Plan d'action 2035 d'Hydro-Québec : moratoire demandé sur l'octroi d'électricité pour le développement industriel

MONTRÉAL, le 9 nov. 2023 - Un regroupement de plus de 20 organisations de la société civile accueille avec inquiétude le Plan d’action 2035 présenté la semaine dernière par le PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, et demande au gouvernement Legault de cesser immédiatement tout octroi de nouveaux blocs d’énergie à des projets industriels jusqu’à ce que le Québec se soit doté d’une politique énergétique crédible, cohérente et soutenue par la population. Ces organisations environnementales et citoyennes écologistes estiment que le plan de développement massif des infrastructures énergétiques déposé par Hydro-Québec vise de toute évidence à répondre aux attentes du gouvernement, qui priorise l’industrie, en faisant fi des enjeux écologiques ainsi que des contraintes majeures de temps, de main d’œuvre et d’acceptabilité sociale qui rendent sa réalisation plus qu’incertaine.

« En garantissant à des entreprises énergivores des capacités électriques qui n’existent pas et qu’il n’est probablement ni sage, ni réaliste de tenter de construire, tout en omettant d’investir sérieusement dans la baisse des demandes d’énergie, le gouvernement du Québec risque de créer lui-même une pénurie d’électricité qui compromettra irrémédiablement la décarbonation du Québec en temps opportun. C’est pourquoi nous réclamons un moratoire immédiat sur l’octroi d’électricité pour les nouveaux projets industriels », déclarent les signataires du communiqué.

Un projet pharaonique d’augmentation de l’offre sans mesures structurantes de sobriété

« Même s’il vise à doubler les économies d’énergie déjà planifiées, essentiellement par des mesures d’efficacité, le Plan 2035 d’Hydro-Québec s’intègre à la vision d’une transition énergétique exempte de mesures structurantes de sobriété et mise d’abord et avant tout sur un énorme projet d’augmentation de l’offre énergétique » affirment les groupes. Ce plan prévoit, en 12 ans, l’ajout de 60 térawattheures (TWh) d’énergie et de 8 000 à 9 000 mégawatts (MW) de puissance, soit l’équivalent de la puissance combinée de l’aménagement Robert-Bourassa (LG-2), de la centrale Manic-5 et du complexe de la Romaine. Ces installations exigeraient des investissements de 155 à 185 milliards de dollars, la construction de 5 000 km de lignes de transport et la contribution d’environ 35 000 travailleurs et travailleuses en moyenne chaque année d’ici 2035.

Dans un contexte planétaire où la crise climatique et la crise de la biodiversité se nourrissent mutuellement, la décision de construire de vastes complexes hydroélectriques en milieu boréal et nordique serait lourde de conséquences environnementales. De plus, les groupes doutent que le harnachement de nouvelles rivières bénéficie de l’acceptabilité sociale et soulignent que les projets sur des territoires autochtones devraient impliquer les communautés affectées par les projets. Ils observent aussi que plusieurs projets de parcs éoliens soulèvent des levées de boucliers, notamment dans le monde agricole. Enfin, le plan envisage le site Gentilly-2 pour accueillir une centrale nucléaire ou de petits réacteurs modulaires, alors que cette filière est vivement rejetée par la population du Québec.

Un Plan qui sous-estime gravement les transformations nécessaires à la décarbonation du Québec
L’Agence internationale de l’énergie estime que les « économies développées » comme le Québec doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2035. Le gouvernement Legault et Hydro-Québec sous-estiment gravement l’ampleur des besoins requis en électricité pour décarboner l’économie du Québec d’ici 2035. Pire encore, ils comptent consacrer 25% de l’électricité additionnelle prévue, soit au moins 2000 MW, pour la croissance économique sans être en mesure de démontrer que l’électricité nécessaire à la décarbonation sera disponible. Les groupes déplorent que le Plan alloue des blocs d’énergie actuellement inexistants aux futures industries qui voudront bénéficier d’électricité propre à bas prix et entretienne ainsi l’illusion que le Québec pourrait à la fois accueillir un fort développement industriel énergivore, se décarboner et se passer des transformations systémiques indispensables pour atteindre la sobriété énergétique. En raison de la crise climatique, la décarbonation doit avoir la priorité sur le développement industriel.

Qui paiera la facture ?

Les coûts des nouveaux approvisionnements seront sensiblement plus élevés que les coûts présents, créant une pression à la hausse sur les tarifs, alors que le gouvernement persiste à vouloir attirer des projets industriels en leur offrant des prix alléchants (tarif L ou tarif encore plus bas). Les groupes craignent que ce soient les personnes les plus fragiles économiquement, qui n’ont pas les moyens de profiter des subventions à la rénovation ou à l’achat d’équipements écoénergétiques, et les ménages de la classe moyenne qui en souffriront puisque le secteur résidentiel devra fort probablement, tôt ou tard, absorber une partie du manque à gagner d’Hydro-Québec. Cette pression à la hausse sur les tarifs pourrait servir de prétexte à la déréglementation et à la dénationalisation de l’électricité.

Besoin d’une planification adéquate qui résulterait d’un débat de société

Les signataires soulignent que le dépôt d’un plan par Hydro-Québec ne saurait nous dispenser des processus démocratiques qu’appellent des choix de société aussi importants. Les lacunes économiques, écologiques et sociales de ce plan confirment le besoin d’une planification adéquate qui résulterait d’une démarche de dialogue social. Ils et elles demandent que le gouvernement du Québec mette en place un moratoire sur l’octroi de puissance additionnelle pour les projets industriels de plus de 5 MW jusqu’à ce qu’un débat de société franc, large et structuré sur l’avenir énergétique du Québec ait été mené. Ce débat devra aboutir sur une politique énergétique et sur une véritable planification intégrée des ressources énergétiques (PIRE), selon une approche systémique incluant notamment les impacts environnementaux et sociaux sur l’ensemble du cycle de vie des différentes solutions énergétiques, et ce, avant toute modification au cadre réglementaire en vigueur.

Signataires (par ordre alphabétique d’organisation) :

Émilie Laurin-Dansereau, ACEF du Nord de Montréal

Lucie Massé, Action Environnement Bassees-Laurentides

David Roy, Ateliers pour la biodiversité

Jean-François Boisvert, Coalition climat Montréal

Jean-Philippe Waaub, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec

Rébecca Pétrin, Eau Secours

Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus

Éric Ferland, Foire Écosphère

Jean Paradis, Fondation Coule pas chez nous

Stéphanie Harnois, Fondation David Suzuki

André Bélanger, Fondation Rivières

Patrick Bonin, Greenpeace Canada

Jacques Benoit, GMob (GroupMobilisation)

Myriam Thériault, Mères au front

Jacques Lebleu, Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC)

Carole Dupuis, Mouvement écocitoyen UNEplanète

Alice-Anne Simard, Nature Québec

Jean-Pierre Finet, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)

Bruno Detuncq, Regroupement vigilance hydrocarbure Québec (RVHQ)

Maude Prud’homme, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)

Sylvie Berthiaume, Solidarité environnement Sutton

Ève Duhaime, TerraVie

Krystel Marylène Papineau, Coalition Sortons la Caisse du carbone

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