Édition du 14 mai 2024

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Éducation

Printemps érable - Les Mères en colère et solidaires demandent l'amnistie des personnes arrêtées et une enquête sur les agissements de la police

Le 9 octobre, les Mères en colère et solidaires feront parvenir la lettre ci-dessous à la première ministre Pauline Marois, au ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud, au ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron, à la ministre de la Famille Nicole Léger et au maire Gérald Tremblay, pour demander l’amnistie de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des manifestations et occupations du printemps érable ainsi qu’une enquête publique et indépendante sur les agissements des services de police. Avant le 9 octobre, on peut la signer en faisant parvenir son nom et son lieu de résidence à meresencolere@hotmail.com ou via leur groupe Facebook. Les hommes sont aussi invités à signer la lettre. NB : c’est OK "d’aimer" cette page, mais faire parvenir aussi votre signature, c’est encore mieux !

(tiré de Cybersolidaires)

C’est avec une grande satisfaction que nous avons accueilli les premières décisions prises par le Parti Québécois depuis son arrivée au pouvoir ; nous retrouvons avec elles l’espoir d’être entendues par les représentant(e)s du peuple, un espoir dont le précédent gouvernement nous aura privés.

Parmi les décisions que nous saluons, celles de mettre fin immédiatement à l’ignoble Loi 12 et d’annuler la hausse des frais de scolarité nous semblent devoir maintenant être accompagnées d’une amnistie de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des manifestations et occupations du printemps. Aussi joignons-nous aujourd’hui notre voix à celles d’autres groupes et citoyen(ne)s qui ont demandé au nouveau gouvernement de décréter cette amnistie et de déclencher une enquête publique et indépendante sur les agissements des services de police durant la lutte étudiante et populaire des derniers mois.

Ces sept mois ont été marqués, comme vous le savez, par un mouvement social sans précédent au Québec, dont l’histoire se souviendra sous le nom de Printemps érable ou Printemps des carrés rouges. Pour nous, mères de jeunes adultes étudiants et étudiantes, au cégep ou à l’université, ce printemps aura été la saison d’une immense fierté devant tant de ténacité et de volonté de changement de notre jeunesse. Mais elle fut aussi la saison d’une grande colère et d’une profonde indignation qui nous ont soulevé le coeur trop de fois pour que nous puissions simplement tourner la page et oublier.

Comment pourrions-nous oublier toute l’arrogance, le harcèlement, la brutalité, l’intimidation, l’abus de pouvoir, le mépris, l’humiliation ? Non seulement nous n’oublierons pas, mais il ne faut plus jamais que cela se répète.

Nous sommes des mères de tous les horizons, sorties dans la rue avec nos enfants, au début par solidarité. Notre colère fut provoquée par l’entêtement du gouvernement à ne pas instaurer un réel dialogue avec les étudiant(e)s, et à n’utiliser que des stratégies mesquines. Nous sommes sorties dans la rue aussi par inquiétude que nos enfants ne soient blessés. Les blessures ont été hélas nombreuses, mais n’ont pas été causées par les prétendus émeutiers, ou « casseurs » dont on a tant parlé et qu’on a si peu vus. Les coups, les injures et l’intimidation sont plutôt venus des policiers censés « encadrer » les manifestant(e)s pour leur sécurité !

Nous avons vu de nos propres yeux, et presque chaque jour de ce long printemps, des cordons de policiers se comporter comme s’ils allaient à la guerre, prendre prétexte d’un doigt en l’air ou d’une poubelle renversée pour donner l’assaut contre une foule pacifique et joyeuse, comme s’il s’agissait de vulgaires criminels ! Nous avons vu des jeunes incrédules se faire « poivrer » au visage, avant de comprendre ce qui leur arrivait, se faire bousculer, jeter à terre et tirer par les cheveux, se faire frapper à coup de matraque quand ils couraient pour s’éloigner, suivant l’ordre qui venait de leur être donné par les policiers. Des étudiant(e)s, mais aussi des parents, des grands-parents, des personnes handicapées, d’autres avec des poussettes, des passants qui n’étaient même pas dans les manifestations ont aussi subi le langage ordurier et la brutalité de représentants des forces de l’ordre.

De manifestantes par solidarité, nous sommes devenues des témoins privilégiés de ce qui se jouait dans nos rues. Comment ne pas avoir été insultées de voir certains élus, tel le maire de Montréal, affirmer que la police avait fait du bon travail, alors que nous vivions dans la peur d’une répression injustifiée ?

Nous, nous y étions sur les lignes de piquetage devant les institutions scolaires, dans les rues la nuit à plusieurs occasions et les 22 du mois, et nous savons ce que nous avons vu et entendu ! Jamais nous n’avons eu à craindre un(e) seul(e) étudiant(e) ; pas un(e) seul(e) jeune vêtu(e) de noir et masqué(e) - pour se protéger du gaz ou du poivre essentiellement il faut le souligner - n’a été menaçant envers les autres manifestant(e)s. Bien au contraire, ils-elles étaient souvent les seul(e)s à aider ceux qui tombaient ou se faisaient blesser.

La réalité, c’est qu’il y a eu en sept mois de manifestations moins de vitrines cassées et de mobilier urbain renversé qu’en un seul soir d’émeute de coupe Stanley. Et pourtant, il y a eu 3 379 arrestations entre la mi-février et le 3 septembre seulement : c’est plus de sept fois le nombre d’arrestations durant la crise d’Octobre 71 (452 arrestations) !

L’ampleur et la brutalité démesurée de la réponse aux actions menées par les étudiant(e)s sont telles que nous avons l’impression qu’on a voulu « tuer une mouche avec un missile » ! De plus, les policiers ont un sentiment d’impunité qui est excessivement dangereux pour tous les citoyen(ne)s. C’est pourquoi nous exigeons une enquête publique et surtout indépendante, car nous ne croyons pas en l’impartialité d’une enquête faite par des pairs. Cette enquête doit nous permettre de retrouver la confiance en nos institutions, la police en particulier, confiance qui nous fait défaut désormais.

Notre expérience des événements nous amène à considérer que les arrêtés du printemps l’ont été pour des raisons politiques, d’abord et avant tout. Seule l’enquête demandée pourra répondre à nos questions : qui donnait les ordres durant ce printemps ? Comment se fait-il que des interventions de l’anti-émeute semblaient répondre à une logique discrétionnaire ? Devant la gravité des blessures et les questions soulevées par l’ONU, Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés, pourquoi aucun des membres du gouvernement libéral ni le maire de Montréal n’ont cru bon d’appeler les policiers au calme et à la retenue ?

En ce qui nous concerne, la paix sociale a été rompue par ceux qui ont alimenté la désinformation, la hargne contre notre jeunesse, et qui ont tenté de diviser la population entre « la rue » et les « vrais » citoyens. Que les responsables s’en sortent en toute impunité pendant que nos fils et nos filles pansent leurs plaies nous est intolérable.

Les blessures subies ce printemps prendront du temps à cicatriser et nous ne faisons pas par là allusion aux seules blessures physiques, bien que pour certain(e)s d’entre nous, le prix payé soit très lourd. Les relents du mépris, des insultes, des prétextes mensongers pour attaquer et écraser nos jeunes ont fait bien des dommages émotionnels et psychologiques. Comment peut-il en être autrement quand on est trahi dans ses aspirations ?

Nos enfants, devenus adultes, ont assumé que la démocratie que nous leur avons transmise reconnaissait la liberté d’association et le droit de contestation. Dans l’espace public, ils et elles ont pris une place légitime. Ils et elles l’ont fait avec confiance en la justesse de leur cause, et avec la confiance qu’on les écouterait. C’est ce que nous leur avions appris, n’est-ce pas ? Ils et elles ont défendu leurs positions en usant de créativité, d’humour et d’un sens du collectif qu’on ne leur reconnaissait pas. Mais contrairement aux valeurs d’ouverture, de dialogue, de droits collectifs, de non-violence que nous aimons voir comme des valeurs du Québec, ils n’ont reçu pour toute réponse qu’une répression injustifiée et sans commune mesure avec l’ampleur du « délit » reproché.

Nous sommes fort inquiètes de la régression des droits civiques, particulièrement des droits collectifs, inquiètes de la dérive totalitaire, de la judiciarisation de la contestation et de ce que cela fait peser sur l’avenir. L’avenir, celui de nos jeunes adultes, nous le leur souhaitons fougueux, solidaire et à leur image comme le fut leur formidable mouvement de ras-le-bol du « tout à l’économique ». Et nous souhaitons que jamais plus la peur et la honte, la répression et la régression ne répondent à l’espoir et à la force des rêves.

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