Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Prostitution : Melissa Farley : Prostitution, libéralisme et esclavage

Des statistiques ardues, des faits, l’espérance de vie moyenne des prostituées, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution, le revenu moyen des prostituées et ainsi de suite – des données démographiques établies n’ont jamais dérangé ceux qui ont défini l’industrie du sexe comme une « force de libération ». Le fait que la « liberté » en cours de réalisation est surtout la liberté des hommes d’avoir accès au corps des femmes et des enfants ou alors que des nations du G8 puissent avoir accès aux marchés et aux matières premières du tiers monde est aisément oublié lorsque la prédation est redéfinie comme le progrès. (D.A. Clarke, 2004)

Tiré du blogue de Christine Delphy.

L’ancienne ministre de l’égalité de la Suède, Margareta Winberg, a noté que dans la prostitution, certaines femmes et enfants, souvent ceux qui sont les plus marginalisés économiquement ou par leur « ethnie », sont traités comme une caste de personnes dont la raison d’être serait de servir sexuellement les hommes. Ironisant sur le refus de reconnaître la prostitution comme une violence sexuelle, Andrea Dworkin a dit, « violenter les femmes est mal. Les féministes sont contre, et non pour ». Pourtant, les néolibéraux, y compris les personnes qui se décrivent comme des féministes (libérales), ont évité de reconnaître que la prostitution fait du mal aux femmes. Dans leur acceptation du système prostitutionnel, ils tolèrent les dommages infligés aux personnes les plus vulnérables. Loin de libérer les femmes des rôles sociaux restrictifs, la prostitution les enferme dans un jeu de rôles sexiste et raciste qui se résume souvent à de l’esclavage, sinon qui ressemble toujours à une pratique esclavagiste. Les néo libéraux sont d’accord sur l’oppression liée à la race, à la classe et à l’intégrisme religieux. Mais les hommes néolibéraux ont postulé que leur droit d’accès au sexe devait être plus protégé que le droit des femmes à survivre sans avoir à être prostituées.

Dans les cultures du viol, le terrorisme sexuel du viol et de la prostitution est minimisé, sous-estimé ou nié. Une femme prostituée a expliqué, « ce qu’est le viol pour les autres, est la norme pour nous ». La prostitution est l’une des pierres angulaires de la culture du viol. Les cultures du viol normalisent l’objectivation et la marchandisation des femmes en tant que sexe et accablent les victimes pour leur propre victimisation. Les données mondiales indiquant que les femmes âgées de 15 à 44 ans sont plus susceptibles d’être blessées ou tuées par la violence des hommes que de décéder à cause de cancer, paludisme, accidents de la circulation et guerre réunis, ne font sens que comprises comme le résultat de l’acceptation culturelle de la violence envers les femmes. La prostitution n’est qu’une version marchande de la violence faite aux femmes, une ultime possibilité de survie pour certaines, plutôt qu’un choix de carrière. Les mensonges voulant que la prostitution soit un crime sans victime, qu’elle soit librement choisie, ou même qu’elle n’existe pas vraiment, permettent aux gens d’éviter l’inconfort de connaitre la réalité brutale de la prostitution. Ainsi, l’industrie du sexe peut compter sur le déni sociétal, politique et juridique des conséquences terribles de la prostitution, pour continuer à se développer.

Dans la prostitution, les clients et les proxénètes transforment certaines femmes et jeunes filles en objets sexuels à utiliser. De nombreuses études démontrent le tort causé par ce processus. Les conséquences émotionnelles de la prostitution sont les mêmes dans toutes les conditions d’exercice, qu’elles soit dites de luxe ou misérables, légales ou illégales, qu’elles prennent place dans une maison close, un strip club, un salon de massage ou dans la rue. Il existe des dommages psychologiques indéniables à sucer les bites de dix étrangers chaque jour, à être violée chaque semaine et à être battue si vous ne faites pas tout ce que souhaitent les proxénètes ou les clients. Bien que les ateliers de travaux clandestins exploitent et soient abominables, ils n’impliquent pas l’invasion de tous les orifices de votre corps à un rythme quotidien pendant des années ou d’avoir à sourire et à dire « Oh oui J’adore ça » lorsqu’un homme qui pue, de l’âge de votre grand-père, éjacule sur votre visage. Les données cliniques des symptômes de détresse émotionnelle résultant de la prostitution sont accablants : dépression, tendances suicidaires, syndrome de stress post-traumatique, dissociation, toxicomanie, troubles alimentaires (anorexie et boulimie.)

Dans une étude portant sur les prostituées dans neuf pays, les symptômes des deux-tiers des femmes, hommes et personnes transgenres correspondaient aux critères médicaux diagnostiqués du syndrome de stress post-traumatiqu (SSPT). Ce niveau extrême de détresse émotionnelle s’est avéré être le même que celui retrouvé chez les gens les plus profondément traumatisés à avoir été étudiés par les psychologues : les femmes battues, les femmes violées, les anciens combattants et les survivants de tortures.

Les survivantes de la prostitution témoignent d’une dévastation psychologique causée par la prostitution dans les strip clubs notamment. Une femme y ayant travaillé en tant que danseuse dit :

« Je ne peux plus tolérer le contact avec un homme, d’aucun homme. Le toucher d’un homme représente maintenant une dégradation, ainsi qu’un sentiment triste et malsain de désespoir et de détresse. Chaque remarque haineuse, revancharde, rude, méprisante que j’ai endurée. La colère ignoble, grossièrement vomie, le ressentiment, la désolation et le désespoir, qu’on m’a fait subir jusqu’à ce que j’en étouffe. J’en ai retiré non pas de la haine, mais pire encore, un désintérêt engourdi. » (Jordanie, 2004) 

Les clubs de striptease sont partie intégrante du système prostitutionnel, mais la fiction maintient que la prostitution y serait absente. « Si je n’avais pas eu l’expérience que j’ai eu à travailler en tant qu’agent de « service des moeurs » (Vice ndlt) dit un agent de police, « je penserais probablement que les clubs de striptease et les agences d’escorte sont cool… Je pense que le profane n’a aucune idée de ce qui se passe dans ces « commerces ». J’ai vu les « protecteurs », les proxénètes. Je vois comment les femmes sont traitées. Ceci m’a donné une toute autre perspective. » (Schoenmann, 2003)

Afin d’effectuer une démonstration « gynécologique » afin que des hommes dans une première rangée d’un « club de danseuses nues » à Las Vegas, une femme doit séparer son esprit de son corps. Écarter les lèvres pour permettre aux hommes de regarder à l’intérieur de son vagin envoie le message que « la danseuse n’a pas de soi privé, que tout à propos d’elle est ouvert à l’inspection et à l’invasion, que son âme est à prendre, qu’elle peut être retournée à l’envers, qu’elle n’a pas de frontières, aucune limite et aucune condition sur qui elle laisse entrer. » (Scott, 1996)

Juste quand je pensais avoir entendu l’exemple le plus atroce de la négation de l’exploitation sexuelle par les néolibéraux, hop, en arrive un autre : des femmes Vietnamiennes, des Chinoises, des Thaïlandais et des Coréennes dans la plus grande pauvreté sont asservies et transportées par des criminels organisés à San Francisco pour le plaisir sexuel des hommes. Pourtant, ces femmes ont été renommées « travailleuses migrantes du sexe » !!!. D’une perspective néolibérale, ces victimes de la traite sont seulement des femmes sur le marché du travail mondial luttant pour traverser une frontière à la recherche d’un « meilleur salaire ». Aucun sexisme ou racisme n’est compris dans cette analyse qui considère les politiques en matière d’immigration comme un épouvantail. Un autre exemple de la négation de la violence raciste et sexiste : écrire sur le « paradoxe du plaisir et de la violence dans l’assujettissement racial », tel que le fait la professeure de cinéma postmoderne Céline Shimizu (1999) lorsqu’elle discute des viols des esclaves par leurs maîtres et nous recommande de ne pas rejeter prématurément « le récit de l’esclavage du point de vue de la satisfaction sexuelle des esclaves ». Ces exemples ne sont pas sans rappeler la propagande du 18e siècle publiée par le Comité de l’Inde de l’ouest britannique, les marchands d’esclaves et les propriétaires de navires ayant enlevé et vendu des esclaves d’Afrique aux colons britanniques dans ce que nous appelons aujourd’hui les Caraïbes. La désinformation pro-esclavage diffusée par le Comité conseillait entre autres de renommer les esclaves des « assistants planteurs ».

Le fantasme de « l’escorte indépendante de luxe » facilite le déni néo libéral des méfaits de la prostitution ; et il est bon pour les affaires. Dans cette expression, l’implication est qu’elle a choisi la prostitution, qu’elle y gagne beaucoup d’argent et qu’elle n’a certainement pas de proxénète. Ceci peut être vrai pour 1% des femmes dans le monde de la prostitution, mais ne reflète aucunement la réalité de la plupart des prostituées. La coercition exercée par un tiers est commun dans la prostitution, certaines estimations suggérant que le proxénétisme touche 80% de toutes les prostituées. Le proxénétisme et les autres formes de contrôle coercitif correspondent à la plupart des définitions juridiques de la traite humaine. Elliott Spitzer a acheté une femme de l’Emperor’s Club VIP (décrit dans les médias comme une agence d’escortes high class) qui avait été victime de violence familiale, qui avait été sans-abri, avait un problème d’addiction, qui avait été pornographiée à 17 ans par Joe Francis, producteur de Girls Gone Wild, condamné pour prostitution, pédocriminalité, agressions, et subornations de témoins. Les proxénètes de l’Emperor’s Club VIP empochaient 50% de ses gains. Tout porte à croire que Spitzer avait aussi refusé d’utiliser un préservatif, en la menaçant de mort, selon le témoignage de plusieurs femmes qu’il avait aussi achetées pour « du sexe ».

La marchandisation

L’objectivation est l’une des pierres angulaires du sexisme de la prostitution. Une fois qu’une jeune femme est transformée en une « chose pour l’utilisation sexuelle des autres » tel que l’American Psychological Association’s Task Force on the Sexualization of Girls a défini l’objectivation sexuelle, tout est en place pour que la violence sexuelle ait lieu. La domination des hommes sur les femmes est établie et imposée par le processus déshumanisant de l’objectivation sexuelle qui est la fondation psychologique de la violence des hommes envers les femmes. Dans la prostitution, l’objectivation sexuelle est institutionnalisée et monétisée. Pourtant, lorsque les néolibéraux discutent de cette marchandisation, seuls le racisme ou le classisme sont abordés. Pour justifier la marchandisation des femmes, des grandes organisations internationales telles que l’Organisation Internationale du Travail (OIT) signalent qu’entre 2 à 14% du PIB de la Thaïlande, de l’Indonésie, de la Malaisie et des Philippines proviennent de la prostitution. L’industrie du sexe de la Corée du Sud génère 4% du PIB, alors que la prostitution fournit 5% du PIB des Pays-bas.

Aujourd’hui, le néolibéralisme nous subordonne tous à des sociétés ultra capitalistes sous la coupes de giga entreprises. En fait, les salaires offerts aux femmes par des compagnies comme Gap, Walmart et Nike sont si faibles qu’ils poussent ces femmes vers la survie prostitutionnelle. Particulièrement vulnérables au contrôle « corporate » sont les femmes et les jeunes filles pauvres racisées qui représentent l’armée de réserve de l’offre de travail bon marché pour ces industries, le volet approvisionnement, mais qui sont toutefois renommées « entrepreneures érotiques ». La marque de commerce de l’industrie la voulant « hip », divertissante, et même démocratique, a contribué à son acceptation.

La croyance néolibérale du « choix » et le déni de la victimisation

Seul un tout petit pourcentage de toutes les femmes dans la prostitution sont là parce qu’elles l’ont choisi « librement ». Pour la plupart, la prostitution n’est pas un vrai choix parce que leur sécurité physique, l’égalité des possibles avec les acheteurs et les alternatives réelles n’existent tout simplement pas. Seules ces conditions pourraient permettre un consentement véritable. La plupart des 1% qui choisissent la prostitution sont privilégiées en raison de leur appartenance de classe et ont accès à des solutions de sortie. Les femmes pauvres et les femmes racisées n’ont pas ces possibilités.

« Nous voulons de vrais jobs, pas des blowjobs » dit en 2009 une survivante de la prostitution des Premières Nations (ndlt : communautés indigènes au Canada.) La prostitution exploite le manque d’alternatives de survie des femmes. La recherche menée dans les neuf pays a révélé que 89% de toutes les personnes dans la prostitution ont déclaré y être par manque d’alternatives économiques et qu’elles ne voyaient aucune façon d’en échapper. En Indonésie, une autre étude a révélé que 96% des personnes interrogées souhaitaient quitter la prostitution. La discrimination sexuelle, la pauvreté, le racisme et la maltraitance poussent les jeunes filles dans cette industrie. Nombre de femmes dans la prostitution ont été violées étant enfants, et ce, à des taux de pourcentage beaucoup plus élevés que les autres femmes. Elles sont marquées comme « putes » par les violeurs quand elles sont enfants, puis elles se retrouvent dans la prostitution – à se faire payer pour les mauvais traitements qu’elles ont appris à accepter croyant qu’elles ne sont « bonnes qu’à ça ».

Voici quatre exemples de coercition invisible conduisant les femmes à se prostituer. Dans chaque cas, la femme a dit avoir « consenti » à la prostitution, pourtant ces conditions de vie ont rendu impossible son évitement. Une femme indienne a déclaré que puisque les femmes dans la plupart des emplois de l’ouest du Bengale devaient tolérer les viols des patrons, la prostitution offrait une meilleure « rémunération » pour ce qu’on attendait d’elle de toutes façons dans son dernier emploi. En Zambie, avec un taux de chômage de 90% à l’époque, une femme a déclaré qu’elle s’était portée « volontaire’ » pour se prostituer afin tout simplement de nourrir sa famille. Une femme turque était divorcée, et n’avait aucun soutien financier dans un contexte fondamentaliste qui déconseille fortement aux femmes de travailler à l’extérieur de la maison. Elle se prostituait dans un bordel géré par l’état et gardé par la police. Une fille de seize ans a été vendue par ses parents dans un bordel légal du Nevada. Dix ans plus tard, elle doit prendre six psychotropes différents afin d’être suffisamment « cool » pour survivre à une journée à louer ses orifices.

Des survivantes décrivent la prostitution comme un « viol payé » et comme « un choix qui n’est pas un choix », tandis que les défenseurs néolibéraux de l’industrie du sexe insistent pour parler de « travail du sexe », qui ne serait qu’un travail parfois désagréable, comme n’importe quel travail en usine. La femme fétichisée et objectivée dans la prostitution est perçue par les néolibéraux postmodernes comme bénéficiant de sa propre exploitation et marchandisation. La disparition des conséquences néfastes de la prostitution n’est pas une abstraction. Lors d’une conférence sur le travail et la gauche en Australie, les présentatrices et présentateurs proposant une analyse de la prostitution comme une violation des droits humains des femmes se sont vus refuser le droit à la parole. Une pseudo-féministe employée par la Eros Foundation, a parlé à la place de prostitution en tant que « liberté sexuelle ». Nous ne pouvons pas laisser ces absurdités effacer la vérité de l’expérience des femmes dans la prostitution. Chaque acte de violence rendu visible grâce au mouvement des femmes, que ce soient l’inceste, le harcèlement sexuel, la violence verbale misogyne comme raciste, le harcèlement sexuel, le viol, les agressions, la torture sexuelle se retrouvent dans le continuum de la violence prostitutionnelle. Cette violence est niée par les néolibéraux qui défendent la prostitution comme un choix fait par des « adultes consentants ». Les défenseurs néolibéraux de l’industrie du sexe déclarent que toute opposition à la traite est une « panique » « morale » « anti-sexe » qui verrait de l’esclavage partout, et que, puisque de nombreuses victimes de la traite savaient qu’elles seraient prostituées, elles ont par conséquent consenti à la traite. « Je n’ai jamais rencontré une femme thaïlandaise passée en contrebande qui ne savait pas ce qu’elle venait faire ici », a écrit Debbie Nathan. Nathan sous-entend que si une femme sait qu’elle va être prostituée, elle mérite tout ce qui lui arrivera.

Or, nous savons que des gens qui sont horriblement blessés ou traumatisés « consentent » à de moindres atrocités pour survivre, par exemple dans les régimes totalitaires, dans les relations conjugales violentes, dans l’esclavage et dans la prostitution. L’apparence de consentement est en fait une stratégie de survie. Cela ne signifie pas que celles et ceux d’entre nous qui sont en mesure d’éviter la prostitution devraient devenir des spectateurs passifs et regarder l’industrie se développer. L’« agentivité » d’une survivante de la prostitution tentant d’éviter la famine n’est pas la même que l’agentivité d’une universitaire européenne blanche de la classe moyenne. L’oppression ET l’agentivité coexistent dans la vie des femmes. Les deux devraient être nommées.

Les programmes de « réduction des dégâts » du système prostitueur offrant des groupes de soutien et des préservatifs, mais n’offrant pas de programmes pour aider concrètement à la sortie de la prostitution, contribuent ainsi au déni de ses méfaits. Bien que la distribution de préservatifs gratuits puisse sauver des vies, les défenseurs des programmes de distribution de soupe suggèrent souvent que cette solution est suffisante. Tout en acceptant les préservatifs et un vague soutien, presque toutes les femmes dans la prostitution recherchent aussi la possibilité de s’en échapper. Elles ont à la fois droit à l’élimination des méfaits (en quittant la prostitution), ainsi qu’à leur réduction.

Inlassablement, les personnes dans la prostitution nous disent que pour arriver à accomplir leurs « tâches », elles doivent s’engourdir, se séparer de leur vrai soi ou se dissocier. Pourtant, les néolibéraux sont d’avis que cette dissociation destructrice de leur moi est un libre choix. Le versement de l’argent masque l’effacement de soi nécessaire pour survivre à l’acte prostitutionel.

Les acheteurs

Pour comprendre ce qui se passe vraiment dans la prostitution, il est utile de poser la question : Qui y prend son pied ? Et qui ne le prend pas ? L’inégalité dans la prostitution devient alors plus claire. Bien que les acheteurs refusent de le croire, les femmes dans la prostitution ne retirent quasiment jamais de plaisir. Des interviews menées dans le cadre de plusieurs recherches éclairent la manière de penser des acheteurs de sexe. Des acheteurs assurés de l’anonymat ont déclaré que la prostitution est « la location d’un organe pour dix minutes » et que la femme était « seulement un objet biologique qui facture des frais de services ». Un autre homme a dit, « Je les utilise comme je pourrais utiliser d’autres services ou équipements, un restaurant ou une chiotte publique. Par exemple, si ma fiancée refuse de me laisser l’enculer, je sais que quelqu’une d’autre le fera pour de l’argent ».

Les acheteurs ne sont pas ces bons gars qui ont seulement besoin d’obtenir un peu de sexe. Ce sont des prédateurs. L’opinion qui est favorable envers eux et la conception positive de ces hommes font partie des attitudes et des opinions qui justifient la violence envers les femmes. Cela inclut la croyance que les hommes sont supérieurs aux femmes et qu’ils ont un droit d’accès à leur corps. Conformément à d’autres études sur les agressions sexuelles commises par les hommes, une étude de 2011 a constaté que par rapport à un groupe témoin d’hommes n’achetant pas de sexe, les acheteurs avaient plus d’activités criminelles (en plus de la prostitution), ils avaient d’avantage de rapports sexuels sans être dans une quelconque forme d’échange, ils avaient un plus grand nombre de partenaires sexuelles, et consommaient abondamment de la pornographie. Les acheteurs de sexe avaient moins d’empathie que les non-acheteurs, ils étaient plus enclins à dire qu’ils violeraient s’ils avaient l’assurance de ne pas être punis et ont admis avoir participé à plus d’actes sexuellement violents que les non-acheteurs.

De la torture

Certains acheteurs commettent des actes contre les femmes dans la prostitution qui correspondent à la définition légale de la torture. La torture est un acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées à une personne afin de la punir, de l’intimider, de la contraindre ou un tiers parti, ou pour tout motif fondé sur une forme de discrimination. Selon les définitions récentes, la torture peut être un événement privé (« non state torture ») ou un événement commandité par l’état.

Certains gestes perpétrés couramment contre les femmes prostituées sont les mêmes que ceux décrits par les définitions légales de la torture : le harcèlement sexuel verbal, la nudité forcée, le viol, les moqueries sexuelles, le harcèlement sexuel physique et ne pas permettre une hygiène de base. La violence imprévisible et extrême utilisée par les proxénètes, comme celle de la torture, sert à l’obtention de leurs profits financiers ainsi qu’à leur satisfaction sadique. De manière systématique et selon des méthodes utilisées par les tortionnaires, les proxénètes traumatisent psychologiquement les femmes dans le but de prendre le contrôle sur tous les aspects de leur vie. Les proxénètes s’assurent du contrôle psychologique, biologique, social et économique par l’utilisation d’une terreur constante, par l’utilisation astucieuse de la captivité et isolation des autres qui pourraient offrir un soutien ou validation de leur expérience. Ils utilisent la famine, la privation de sommeil, la privation de protéines, l’hyper excitation physiologique conditionnée (via des drogues), une violence sexuelle brusque comme imprévisible qui les « casse » et l’impuissance apprise. Dans la prostitution, l’autonomie est considérée comme de l’insubordination et est activement reprise en main par les proxénètes. Le recours à la torture garantie que la femme prostituée se conformera à toute demande des clients ou proxénètes. Tout comme le font les tortionnaires, les proxénètes insèrent insidieusement des récompenses en intermittence avec les stratégies coercitives, des attentions spéciales, des promesses de soulagement et, parfois, de la tendresse, toutes de nature à créer un attachement traumatique puissant et durable.

Les proxénètes et les trafiquants visent à détruire la personnalité des femmes prostituées à l’aide d’une stratégie bien rodée, établies en trois volets par des tortionnaires : l’affaiblissement, l’effroi et la dépendance. La torture envoie le message à la victime qu’elle est totalement sans valeur. Les experts en torture d’état ont expliqué que l’objectif spécifique de la torture sexuelle est de convaincre la personne qu’elle est une pute ou un animal, plutôt qu’un être humain. Un survivant de torture infligé par des agents d’état a expliqué que le résultat de la torture est « qu’ils font de vous une non-personne ». La prostitution est également un processus de déshumanisation, la transformation d’une femme en une marchandise particulière dans laquelle l’homme qui l’achète la moule selon sa propre entité masturbatoire physique et psychologique. Evelina Giobbe a expliqué : « Le mot « prostituée » n’implique pas une identité « plus dense », c’est une absence d’identité : le vol et l’abandon ultérieur de la personnalité. Ce qui reste est seulement essentiel à ce « travail » : la bouche, les organes génitaux, l’anus, les seins… Et l’étiquette » (Giobbe, 1991).

Les défenseurs néolibéraux du système prostitueur ne parviennent pas à voir dans la prostitution légale ou illégale la même humiliation sexuelle que dans les techniques de torture d’état. L’historienne Joanna Bourke a décrit les photographies de tortures sexuelles de l’armée américaine à Abou Ghraib : « La torture vise à miner la façon dont la victime se rapporte à elle-même, menaçant ainsi de dissoudre les bases de sa personnalité. La nature sexuelle de ces actes démontre que les tortionnaires se rendent compte de la centralité de la sexualité dans l’identité des victimes. Les auteurs de ces photos espèrent détruire le sens de soi de la victime en infligeant et enregistrant de l’humiliation sexuelle extrême. »

Les néolibéraux ont vu la torture des détenus à Abu Ghraib avec choc et horreur, et pourtant, lorsque les mêmes actes sont payés par des hommes qui utilisent les femmes prostituées, la torture est redéfinie comme un gentil divertissement sexuel.

L’esclavage

L’échec des néolibéraux à reconnaître à la fois la violence intrinsèque de la prostitution et l’intersection du sexisme, du racisme et de la pauvreté à l’intérieur de celle-ci, leur rend difficile de comprendre pourquoi les abolitionnistes voient la prostitution comme une industrie tellement oppressive. Anthony Gumbs, dont les parents ont été réduits en esclavage, s’est opposé à la prostitution en tant que version moderne de l’esclavage.

« La pratique actuelle en Jamaïque de l’utilisation généralisée des termes politiquement corrects ou assainis de « travailleuses du sexe » en parlant des prostituées, et de « l’industrie du sexe » pour faire référence à la prostitution, envoie un message clair d’une tendance vers l’acceptation ou la légitimation, voire la légalisation. Les Jamaïcains ont une longue et difficile histoire de lutte et de sacrifices pour soulever notre peuple du bourbier de l’esclavage, de la pauvreté, de l’indignité, de l’ignorance et de l’exploitation. Sommes-nous prêts à abandonner cette lutte maintenant ? Celles qui doivent gagner leur vie en louant leurs organes génitaux, au lieu d’utiliser leur cerveau ou leurs mains, sont à peine mieux loties que les esclaves de jadis en termes de dignité humaine. Est-ce cela que nous voulons voir accepté… dans notre belle maison appelée la Jamaïque ? Est-ce cela que nous voulons pour n’importe quelle personne de notre peuple ?

Le refus d’affronter le sexisme tout en faisant un pas en avant vers l’élimination du racisme n’est pas nouveau. Les abolitionnistes du 19e siècle ont dénoncé l’esclavage comme étant profondément injuste et immoral, mais dans le même temps ont refusé de soutenir le droit de vote des femmes. Olympia Brown, suffragiste et abolitionniste, a noté avec ressentiment, « J’ai souvent vu des hommes qui, selon leurs dires, étaient prêts à mourir pour les noirs, mais en même temps s’opposaient férocement à toute implication pour améliorer les opportunités et l’égalité des chances pour les femmes ».

L’esclavage est une privation de liberté délibérée et organisée entretenue par la violence ou la menace de la violence. Tous les éléments de l’esclavage sont présents dans la relation entre les proxénètes / trafiquants et celles qu’ils prostituent, y compris une évidente inégalité des forces, la violence physique et l’absence de libre arbitre. Toutes les formes de coercition et de vulnérabilités reconnues par le Treizième Amendement sont présentes dans la prostitution : privation de nourriture, de sommeil et d’argent, agressions et viols, tortures et menaces de mort. Une relation esclavagiste est caractérisée par le contrôle du mouvement, le contrôle de l’environnement physique, le contrôle psychologique, les mesures prises pour empêcher ou dissuader l’évasion, la force, les menaces d’utilisation de la force ou de la contrainte, la soumission à un traitement cruel et aux violences, le contrôle de la sexualité et le travail forcé. Ces modes de contrôle sont également caractéristiques du rapport de force entre proxénètes/clients et les femmes prostituées.

L’esclavage est conditionné par une absence d’alternatives. L’expérience de la prostitution, à l’instar de l’esclavage, varie en fonction de l’ampleur de la non-liberté subie par une femme. Si une femme a un quelconque « privilège » de classe ou de « race » c-a-d si elle a de la famille ou des amis ayant quelques ressources pour l’aider pour un logement ou les courses, elle est beaucoup plus en mesure de quitter la prostitution si elle le souhaite. Comme un homme l’a expliqué :

« Je ne pense pas que la prostitution soit tout à fait la même chose que le viol. Le viol est pire. Mais la prostitution est proche de l’extrémité du continuum du viol. Ce n’est pas un viol puisqu’il y a un « consentement » superficiel… À première vue, la femme prostituée est d’accord. Mais en y regardant de plus près, vous pouvez voir que les circonstances de la vie l’y ont contrainte… C’est comme quelqu’un sautant d’un immeuble en feu, il est possible de dire qu’il a fait le choix de sauter, mais il est aussi possible de voir qu’il n’avait pas d’autre choix. » (Farley et coll., 2011)

Si une femme dans la prostitution est physiquement ou mentalement contrainte par un proxénète souteneur, elle est une esclave, sans liberté. Toutefois, des facteurs encore moins visibles contribuent à son manque de liberté. Par exemple, plus elle est à la rue financièrement et plus sa vie a été limitée par l’inégalité raciste ou par les agressions sexuelles, moins de liberté a-t-elle dans la prostitution et plus sont limitées ses possibilités pour s’en échapper. La faim et le manque d’éducation ou de formation professionnelle peut obliger une femme à se prostituer et il devient alors difficile, voire impossible, pour elle d’en sortir. Aux États-Unis, des femmes « échangent » des actes sexuels contre des hamburgers (2012) ou de l’argent juste pour acheter de l’essence (2011).

Le fétichisme de l’objectivation qui caractérise les acheteurs de sexe et les acheteurs d’esclaves se constate dans leur obsession de la description des détails des « produits » qu’ils achètent. Les vendeurs et les acheteurs d’esclaves cataloguaient la couleur de la peau avec des détails de fanatiques. Les acheteurs de sexe cataloguent également les informations sur les femmes qu’ils achètent, critiquant, classant et vantant le sexe qu’ils ont acheté sur des pages web d’acheteurs. La publicité en ligne facilite la traite, jusqu’à 80% des entreprises de l’industrie opérant maintenant en ligne.

Les propriétaires de plantations mimaient parfois des conventions romantiques, leur permettant d’oublier temporairement qu’ils possédaient des esclaves. De même, certains acheteurs de sexe cherchent aujourd’hui ce qu’ils décrivent comme une girlfriend experience dans laquelle les femmes prostituées sont payées pour simuler une relation amoureuse. Leur performance doit tromper l’acheteur de sexe.

Au centre de l’expérience de la prostitution et de l’esclavage se trouvent la dégradation et l’humiliation. Selon Harriet Jacobs, une ancienne esclave, les non-esclaves avaient peu de compréhension de la profondeur de la dégradation vécue par les esclavages. De même, Claude Jaget décrit l’expérience traumatisante d’être sélectionnée à partir d’une file dans une maison de passes :

« Je tremblais de l’intérieur… C’était horrible, ils vous détaillaient de haut en bas. Ce moment, lorsque vous sentiez leur regard sur vous, vous évaluant, vous jugeant… Et ces hommes, ces gros porcs qui ne valaient pas la moitié de la pire d’entre nous, blaguant, faisant des commentaires. Ils vous faisaient tourner dans toutes les directions, parce que bien sûr, une vue de face n’était pas assez pour eux. Ça me rendait furieuse, mais en même temps, j’étais prise de panique, je n’osais rien dire. Je n’avais pas peur physiquement, mais ma confiance était ébranlée. Je me sentais vraiment rabaissée… J’étais la chose qu’ils venaient littéralement acheter. Ils m’avaient évaluée comme s’ils évaluaient des bovins lors d’une exposition, et c’est révoltant, c’est écœurant, c’est terrible pour les femmes. Vous ne pouvez pas l’imaginer si vous ne l’avez pas vécu vous-même. »

Les survivantes de la prostitution disent que l’expérience est profondément dégradante et que c’est comme si l’on devient « quelque chose lui permettant de se vider, agissant comme une sorte de toilette humaine ». Dans la langue de l’époque, une femme esclave a expliqué, « il n’est pas permis à une femme esclave de se respecter elle-même ». Ayant refusé de permettre une agression sexuelle par son propriétaire, une esclave de 16 ans du milieu du continent fut envoyée dans un état du sud où elle dû travailler jusqu’à la mort. Une jeune femme a dit en 2007 qu’elle estimait que la prostitution la rapprochait de la mort parce que son proxénète la forçait à travailler sept jours par semaine, servant des dizaines d’hommes chaque jour. Une femme dans un bordel légal du Nevada a dit, « Personne ne retire du plaisir à être vendue. C’est comme si vous signiez un contrat pour être violée ». Une autre femme a décrit la prostitution légale aux Pays-Bas comme de « l’esclavage volontaire ».

Résumant les dégâts psychologiques de la prostitution, la description faite par une survivante n’est pas sans rappeler celle faite par Orlando Patterson de la mort sociale causée par l’esclavage : « C’est dommageable intérieurement. Vous devenez dans votre propre esprit ce que ces gens font et disent de vous. Vous vous demandez comment vous avez pu laisser cela vous arriver et pourquoi ces gens veulent vous le faire ? »

Lorsque les femmes dans la prostitution commencent à accepter ce rôle et s’identifient à leur proxénète, la violence physique n’est plus nécessaire pour les contrôler. La prostitution se transforme en un mode de vie normal, quoique regrettable, plutôt que de la violence calculée. Toutefois, le contrôle coercitif employé par les proxénètes provoque des sentiments de terreur, de détresse et de dépendance chez les femmes prostituées. Une victime de la traite au Royaume-Uni a expliqué, « Parfois je ne vois pas de raison de faire quoi que ce soit. Ça me semble inutile. Lorsqu’une personne vous a contrôlée et a pris toutes les décisions pour vous depuis si longtemps, vous n’êtes plus en mesure de le faire vous-même ». Cette même dynamique existait dans l’esclavage, comme les historiens l’ont souligné après avoir remarqué le désespoir dans les yeux des esclaves sur le point d’être vendus.

Les défis auxquels le mouvement pour l’abolition de l’esclavage en 1840 a fait face résonnent dans le mouvement moderne pour l’abolition de la prostitution. Les acheteurs et les vendeurs d’esclaves, comme les acheteurs et les souteneurs de femmes prostituées, sont parfois décrits comme des « rois » ou s’engageant dans une forme légère ou non violente d’esclavage ou de prostitution. Pourtant, l’emblème de l’esclavage et de la prostitution est que les esclaves ou les prostituées sont soumis à la domination et à au choix arbitraire d’une autre personne, peu importe de quelle façon cette domination est exercée. Ces deux institutions se produisent dans un spectre de mesures coercitives, qu’elle ait été fouettée une fois ou cent fois, par exemple, ou qu’on lui ait offert de la nourriture de bonne ou de mauvaise qualité. Les systèmes de l’esclavage et de la prostitution sont pourris à la base. L’amélioration de la nourriture ou des soins médicaux offerts aux esclaves pendant leur voyage transatlantique n’a pas modifié la « bestialité » de l’esclavage, comme l’a nommé Patterson. De même, offrir des préservatifs est présenté comme une solution miracle aux problèmes de santé des femmes dans la prostitution et la légalisation de l’institution de la prostitution est proposée comme une solution à la « stigmatisation ». Les deux échouent à rendre compte de la brutalité fondamentale de la prostitution. 

La législation

Une bataille est menée par ceux qui font la promotion de la prostitution comme un travail raisonnable pour les femmes pauvres contre celles d’entre nous qui considèrent la prostitution comme une institution si intrinsèquement injuste, discriminatoire et violente qu’elle ne peut être améliorée, seulement abolie. En 1996, Friedman a décrit la prostitution comme de l’esclavage sexuel et en 1993, Bishop l’a décrite comme de l’anéantissement sexuel, et ce, dans des articles publiés dans le magazine néolibéral The Nation. Ces points de vue ont considérablement changé depuis. Aujourd’hui, les néolibéraux, y compris les Verts, ont redéfini la prostitution comme « travail du sexe ». Avec ce seul mot de travail, le sexisme et la violence physique et psychologique de la prostitution sont rendus invisibles.

Au 18e siècle, des règlementations ont été proposées afin d’améliorer les conditions de l’esclavage. L’argument était qu’une loi réglementaire serait mieux que rien du tout. Malgré l’opposition des abolitionnistes, qui craignaient que ces lois concèderaient que le commerce des esclaves était juste mais avait seulement été utilisé de façon abusive, la loi proposait de limiter le nombre d’esclaves en fonction du poids du navire, d’exiger que tous les navires aient un médecin à leur bord, et d’enregistrer la mort de tous les membres de l’équipage et des esclaves. Il existe un débat similaire aujourd’hui concernant la légalisation ou la réglementation de la prostitution. L’idée que la prostitution légale est plus sûre que la prostitution illégale est largement répandue, même si la preuve des dégâts et méfaits de la prostitution légale est largement démontrée dans divers documents juridiques en Australie, aux Pays-Bas et au Nevada.

Frank de Wolf, un membre du parti travailliste au conseil de la ville d’Amsterdam et un chercheur sur le VIH, a déclaré, « Dans le passé, nous regardions la prostitution légale comme une question de libération des femmes ; maintenant elle est considérée comme une exploitation des femmes qui doit être enrayée ».

Partout où la prostitution prend de l’ampleur, il en va de même du trafic sexuel. Si vous étiez un proxénète, où commercialiseriez-vous votre « produit » ? Pas en Suède, où il y a une loi contre l’achat et la vente de personnes pour du sexe. Vous auriez plutôt intérêt à prostituer des femmes dans les pays qui offrent un cadre juridique accueillant aux proxénètes : les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Australie et partout où la prostitution est légalement tolérée. En revanche, la Suède possède une loi féministe contre la prostitution dans laquelle les acheteurs de femmes, les proxénètes et les trafiquants sont criminalisés, tandis que les personnes prostituées ne le sont pas. Le trafic a considérablement diminué depuis l’adoption de cette loi. La justification sous-tendant la loi suédoise est que la prostitution est une institution sociale néfaste puisqu’elle exploite toujours les personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées.

Nous ne pouvons permettre que l’argent d’un proxénète ou d’un prostitueur serve à couvrir le harcèlement sexuel, le viol et la violence inhérents à la prostitution. Les mêmes phénomènes d’oppression décriés par les néolibéraux comme preuves de l’injustice de l’esclavage sont pourtant défendus dans la prostitution : déséquilibre de pouvoir flagrant, objectivation, exploitation sexuelle et du travail (oui, il est parfois attendu des femmes dans la prostitution qu’elles nettoient et cuisinent), contrainte, absence de liberté. Si nous faisons abstraction des preuves des inégalités structurelles de sexe, de « race » et de classe de la prostitution et si nous ignorons les énoncés clairs des femmes nous disant qu’elles souhaitent y échapper, nous nous retrouvons dans un pays imaginaire postmoderne où la théorie néolibérale déconnectée de la réalité matérielle considère la prostitution comme une question de choix sexuel et les droits des travailleuses ou le trafic sexuel comme un problème d’immigration. La prostitution est le commerce international de l’exploitation sexuelle. Décrivant l’orientation stratégique vers les acheteurs, un détective suédois a dit, « la traite est une entreprise, nous tentons de détruire le marché ». Oui.

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Melissa Farley
Paru sur Logos
http://logosjournal.com/2013/farley/
https://ressourcesprostitution.wordpress.com/2018/01/19/prostitution-liberalisme-et-esclavage/

Melissa Farley

Psychologue américaine et féministe anti-prostitution qui a étudié les effets de la prostitution et la violence sexuelle. Elle a mis sur pied l’organisation Prostitution Research and Education.

https://en.wikipedia.org/wiki/Prostitution_Research_and_Education_(organization)

https://en.wikipedia.org/wiki/Melissa_Farley

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