Édition du 23 avril 2024

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Québec

Québec solidaire doit s’opposer à la filière batteries défendue par le gouvernement Legault

Le 29 septembre 2022, le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau Dubois, prenait la parole devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il identifiait deux secteurs clés de la transition écologique : la biomasse forestière résiduelle et la filière batterie. Pour ce qui est de ce dernier secteur, il promettait un investissement de 1,5 milliard $ dans un premier mandat d’un gouvernement de Québec solidaire. « Dans le contexte de l’électrification des transports, la production de batteries est au cœur de la solution ». [1]

Ce ralliement à la filière batterie était bien rapide et fort léger. Produire des batteries pour tenir compte du caractère intermittent des énergies éoliennes ou solaires est une chose. . Mais lorsque cette dernière a été présentée par les gouvernements du Canada et du Québec, comme un moyen essentiel pour replacer le Canada et le Québec dans la relance du secteur automobile, c’en est une autre. Donner la priorité à l’électrification des transports en commun et compter pour ce faire sur la production de trains, de tramways ou autres trolleybus, c’est comprendre, que l’électrification des transports publics ne passe pas d’abord par la production de batteries, mais par de tout autres technologies. Le transport de marchandises pourrait se faire par la généralisation du ferroutage qui ne repose en rien sur la filière batteries. L’électrification des transports (et même le développement d’une filière batteries) peut être confié à des entreprises publiques pour satisfaire les besoins identifiés démocratiquement sans que cela débouche sur la mainmise de grandes multinationales sur l’économie du Québec.

La filière batteries du gouvernement Legault, un projet extractiviste, productiviste, et antiécologique

L’électrification des transports mis de l’avant par le gouvernement Legault passe essentiellement par la transformation du parc automobile caractérisé par les voitures thermiques à un parc automobile de voitures dont la motorisation serait électrifiée.

Cette politique accompagne le tournant des grands de l’automobile (américains, européens ou japonais) vers la production de voitures électriques et s’inscrit dans le cadre d’une compétition avec les entreprises chinoises en ce qui concerne tant l’exploitation et le contrôle des minerais stratégiques que la production de voitures électriques. La production chinoise de voitures électriques, petites et peu coûteuses, représente pour les entreprises de l’automobile un danger important. Ce tournant va d’ailleurs signifier qu’une partie importante du parc des voitures thermiques risque d’être exportée vers les pays du Sud et nous faire entrer dans une période où le parc automobile sera encore plus gigantesque au niveau planétaire.

Cela est d’autant plus catastrophique, que la voiture électrique n’est pas écologique. [2] Sa production est plus polluante. Elle mobilise plus de minéraux (acier, cuivre, lithium…) et va créer les conditions d’un extractivisme exacerbé qui va causer d’énormes pollutions minières.

Et la nature de ce parc automobile est laissée aux choix des grandes entreprises de ce secteur. C’est ainsi qu’on voit une électrification de grosses voitures, lourdes, gourmandes en énergie, qui nécessitera la production de batteries imposantes. Ces grosses voitures électriques mobilisent encore plus de métaux que les voitures thermiques. Ces voitures embarquent une technologie numérique imposante non seulement pour une conduite assistée, mais pour faire de ces voitures des lieux d’utilisation de toutes les technologies offertes par les GAFAM. Ces entreprises du numérique sont d’ailleurs en train de mettre au point un nouveau champ de voitures électriques, celle des voitures sans conducteur.

Sans compter qu’une mobilité qui continue de reposer sur l’autoélectrique est antiécologique surtout si on considère tous les investissements que ce type de mobilité implique dans les infrastructures routières, dans l’augmentation de l’exploitation des richesses minières, et en termes de notre dépendance face aux choix des multinationales de l’automobile,

Un projet de classe favorisant l’accumulation du capital et qui repose sur un aveuglement face aux limites planétaires

La production de ces batteries est confiée à de grandes entreprises multinationales que les gouvernements Legault (et Trudeau) subventionnent grassement, pour les attirer au pays. [3] Le gouvernement Legault ne se contente pas seulement de les arroser de milliards de dollars, mais on leur promet de leur fournir de l’énergie à très faible coût pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements. Legault soutient le développement des énergies éoliennes et prévoit la construction de grands barrages hydroélectriques. Plus grave encore, le ministre Fitzgibbon s’attaque au monopole d’Hydro-Québec sur la production d’énergie. Il prépare une loi qui permettrait la production privée de l’énergie pour répondre aux besoins de ces entreprises. Plus, déjà, Michael Sabia, le président d’Hydro-Québec, est en train de préparer le terrain pour une relance de la production de l’énergie nucléaire…

Pour répondre aux besoins des entreprises de la filière batteries, nous avons vu une course des entreprises minières et des spéculateurs pour se donner des droits d’exploration minière (les claims)s dans nombre de régions du Québec. [4] Cela s’est fait sans respect des terres agricoles, des régions touristiques et sans respecter les normes environnementales. La loi des Mines accorde la préséance aux volontés d’exploration des minières sur les plans d’aménagement des villes et des MRC. C’est un pillage des ressources minières du Québec avec toutes les conséquences environnementales désastreuses qui en découleront qui se prépare. Et cela avec l’aveuglement volontaire du gouvernement du Québec et de son ministère de l’Environnement qui se donne mission d’accompagner les entreprises dans la construction de l’acceptabilité sociale de leur prédation. C’est ainsi que ce ministère accorde des passe-droits à des dizaines d’entreprises et leur permet de ne pas se soumettre aux normes environnementales au détriment de la santé de la population.

La façon dont le gouvernement de la CAQ a voulu tout bousculer pour imposer le projet de Northvolt est exemplaire à cet égard. Cette entreprise, l’investissement privé le plus important dans l’histoire du Québec selon le premier ministre, a été d’emblée exemptée d’une analyse du BAPE. Les informations au sujet des impacts environnementaux de cette entreprise sont livrées au compte-gouttes dans des textes caviardés. Les journalistes qui posent des questions essentielles sur le sujet sont attaqués par le ministre Fitzgibbon. [5]

Dans le modèle de croissance verte du gouvernement Legault, il n’y a aucune mesure visant la diminution de l’exploitation des ressources minières et une réduction des dépenses en énergie. Il n’y pas de politique de réelle protection de l’environnement. Au contraire, c’est la course à la croissance, à la production de toujours plus d’énergie, à l’exploitation de toujours plus de minerais stratégiques. Il s’agit de faire du Québec une zone d’investissement profitable pour les entreprises multinationales. Le message du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie est clair : venez au Québec, vous allez pouvoir gagner de l’argent, beaucoup d’argent. Nous allons créer, pour vous, les conditions d’un taux de profit inespéré. Les mesures environnementales ne vous gêneront pas, on s’en occupe. Voilà le modèle de développement que veut nous imposer le gouvernement de la CAQ.

Québec solidaire doit rejeter le modèle extractiviste et productiviste que veut nous imposer la CAQ.

Jusqu’ici, Québec solidaire n’a pas voulu s’attaquer frontalement au modèle économique que veut nous imposer le gouvernement Legault. Québec solidaire s’est contenté d’exiger plus de transparence. Il exige une évaluation environnementale sur le projet Northvolt. Ce sont là des exigences essentielles. Demander un BAPE sur les grands projets de toute la filière batterie par le biais de pétitions , c’est poser l’importance pour le Québec de faire un choix éclairé à cette époque d’urgence climatique. [6] Le gouvernement Legault qui s’entête à refuser la tenue d’un BAPE sur Northvolt, a choisi également d’ignorer la proposition de Québec solidaire.

Mais, comme parti politique écologiste, Québec solidaire doit élargir ses horizons et dénoncer le gaspillage des ressources et de l’énergie à la base du projet de filière batteries du gouvernement Legault.

Au tournant vers la production de masse de voitures électriques coûteuses et massives, il faut opposer le développement du transport public électrifié et gratuit et la diminution de la production et de l’utilisation des voitures individuelles. Il faut opposer au transport lourd de marchandises par camions, à essence ou électrique, le transport des marchandises par trains. Il faut diminuer les investissements des infrastructures routières et l’expansion des villes faites aux mépris de la protection des terres agricoles. Il faut pour favoriser le transport actif, élargir les zones piétonnes et développer les pistes cyclables. La sobriété et la décroissance dans l’utilisation de l’énergie et des ressources, doit être au centre des politiques de Québec solidaire.

Il ne faut pas confier aux multinationales nos choix économiques et environnementaux. Seule une véritable démocratie où la majorité populaire peut faire les choix économiques et écologiques nécessaires à la satisfaction des besoins sociaux peut assurer la protection de la nature. Cette démocratie passe par une rupture radicale avec le pouvoir d’une minorité possédante. La nationalisation des ressources naturelles, minières et forestières, et la défense du contrôle public de la production de l’énergie sont les conditions de la planification démocratique d’une nécessaire bifurcation écologique. Ce sont là des orientations incontournables qu’un parti de gauche comme Québec solidaire doit défendre dans cette période de crise climatique et environnementale.

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[1Communiqué de Québec solidaire, 29 septembre 2022

[6Voir le projet de loi déposée par Alejandra Zaga Mendez « qui ferait en sorte de déclencher un processus d’études du BAPE dès le dépôt d’une pétition d’au moins 15 000 signatures pour un projet « d’envergure régionale » et de 40 000 signatures pour un projet d’« envergure nationale ».- François Carabin, Des pétitions pour enclencher des évaluations environnementales ? Le Devoir, 2 février 2024

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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