L’instauration d’un scrutin proportionnel mixte avec compensation, sur laquelle s’étaient également entendu les chefs du Parti québécois, de Québec solidaire et du Parti vert, ne pourrait donc se faire avant les élections de 2026 à condition qu’elle soit approuvée par un référendum entretemps. Compte tenu des expériences passées plusieurs croient qu’elle pourrait être reportée aux calendes grecques comme çà s’est produit à deux reprises au Québec depuis 35 ans.
Même s’il s’en défend bien, avec cette tactique dilatoire le premier ministre renie carrément l’engagement qu’il a pris comme chef de la CAQ, le 9 mai 2018 dans la perspective où son parti prendrait le pouvoir aux élections du 1er octobre suivant. Qu’on en juge par l’extrait suivant de l’entente multipartite : « Que les député-e-s de l’Assemblée nationale soient élu-e-s, à partir de la 43e législature, selon un mode de scrutin semblable à celui étudiée et avalisé par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) dans son avis de décembre 2007 ». C’est donc dire que les élections de 2022 devraient être régies par un scrutin mixte proportionnel avec compensation qui remplacerait le vétuste scrutin majoritaire uninominal à un tour que l’Angleterre a légué à sa colonie canadienne en 1791. Cela est on ne peut plus clair. Toute autre interprétation est mensongère.
On sait que la question de la réforme du mode de scrutin au Québec est dans le débat public québécois de façon continue depuis la fin des années 1960 alors que le chef du Parti québécois René Lévesque s’en est fait l’avocat. Deux tentatives sérieuses de réforme ont échoué depuis à cause de l’opposition des députés du parti au pouvoir. Soit en 1984 alors que le premier ministre Lévesque s’apprêtait à déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi instaurant un scrutin proportionnel régional. Puis en 2006 alors que le premier ministre Jean Charest a capitulé devant l’opposition des députés libéraux venant des régions qui s’opposaient à un scrutin proportionnel avec compensation semblable à celui dont on discute présentement. Après l’enterrement de 1984, même si le PQ a maintenu son engagement dans son programme, la question réforme du mode de scrutin n’est revenue sur l’agenda politique qu’en 1999, soit 15 ans plus tard. Et après l’échec de 2006, le hiatus a duré neuf ans, soit jusqu’en 2015 alors que le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) a réussi à relancer le dossier lors de rencontres avec des représentants des divers partis.
Espérons que le premier ministre Legault ne tentera pas de se dédouaner avec son caucus pour se faire excuser d’avoir renié engagement et qu’il se rappellera qu’« il est temps de passer de la parole aux actes » comme l’explique le texte de l’entente multipartite qu’il a signé en mai 2018. Espérons aussi que l’Histoire n’hoquetera pas une troisième fois.
Paul Cliche,
Auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel
Montréal, 12 septembre 2019
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