Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Selon Daniel Levy, seuls les États-Unis peuvent mettre suffisamment de pression sur Israël pour qu’il mette fin à l’attaque contre Gaza et arriver à une trêve

M. Levy est un ancien négociateur de paix pour Israël.

"Cela illustre d’abord la naïveté (américaine). Il y a eu la normalisation avec les Émirats arabes unis dans le passé. Ça n’a fait qu’encourager les extrémistes israéliens.nes. Couches après couches, on tente de faire croire qu’il pourrait y avoir des leaders technocrates palestiniens.nes, assignés.es par les Occidentaux, capables de diriger la partie palestinienne sans avoir aucune crédibilité auprès de leur propre peuple. L’administration (Biden) a pris des mesures limitées contre les colons israéliens alors que le problème est bien au-delà. Le problème c’est la structure étatique de la colonisation."

Democracy Now, 7 février 2024
Traduction et organisation de texte, Alexandra Cyr

Nermeen Shaikh (DN) : Le Hamas a présenté un plan de cessez-le-feu détaillé afin mettre fin à l’attaque d’Israël sur Gaza. Ce plan est en réponse à une proposition présentée il y a 15 jours par les États-Unis, Israël, le Qatar et l’Égypte. La contreproposition du Hamas présentée mardi soir prévoit trois phases de 45 jours chacune.

Durant la première phase le Hamas libérerait toutes les femmes, les hommes de moins de 19 ans et les personnes malades qu’il détient en otage. En contrepartie il demande la libération des Palestiniennes et des enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Il demande aussi qu’Israël se retire des parties peuplées de Gaza, cesse ses opérations aériennes, permette à plus d’aide humanitaire de pénétrer (dans le territoire) et permette aux Palestiniens.nes de retourner chez eux et chez elles, y compris dans la partie nord de l’enclave.

La seconde phase serait négociée durant la première et devrait comprendre la libération des otages encore détenus.es composés principalement de militaires en échange de plus de prisonniers.ères palestiniens.nes. Israël devrait aussi se retirer complètement de Gaza.

Au cours de la troisième phase, les deux parties complèteraient les échanges d’otages contre prisonniers.ères.

Mardi, commentant cette contreproposition, le Président Biden la qualifiée de « un peu exagérée ».

(…)

N.S. : Le Secrétaire d’État américain est arrivé en Israël après avoir eu des rencontres en Égypte et au Qatar. Il va rencontrer le Premier ministre B. Nétanyahou, le Président Herzog et d’autres personnes pour discuter de la réponse du Hamas à l’entente proposée. Il va aussi rencontrer le Président de l’Autorité palestinienne M. Mahmoud Abbas plus tard aujourd’hui.

L’assaut de Gaza par Israël entre dans son cinquième mois pendant que les négociations se poursuivent. Plus de 27,500 Palestiniens.nes ont été tués.es et presque 67,000 blessés.es depuis le 7 octobre. La vaste majorité de la population a été chassée de chez elle, la plus grande partie du territoire a été détruite et un quart des habitants.es font face à la famine.

Pour poursuivre à propos des négociations de cessez-le-feu, nous rejoignons Daniel Levy, président du US/Middle East Project. Il est un ancien négociateur de paix sous les gouvernements des Premiers ministres Ehud Barak et Yitzhak Rabin. Soyez le bienvenu sur Democracy Now. Pouvez-vous commencer par nous faire part de votre opinion sur les négociations, sur leur processus jusqu’à maintenant et nous dire ce que vous pensez de ce que sera la réponse d’Israël à la contreproposition du Hamas ?

Daniel Levy : Donc, nous avons maintenant une position détaillée qui a été rendue publique. C’est à cela que vous référez. Je pense que le plus important à dire à ce sujet, est que ce que le Hamas a dit : nous ne pouvons pas passer de la phase un à la deux ou la trois sans qu’il y ait une entente préalable pour arriver à un cessez-le-feu à la fin.

La contreproposition non détaillée d’Israël est connue mais nous n’avons pas de détails. Nous avons entendu le Premier ministre Nétanyahou dire clairement qu’il n’acceptera pas de cessez-le-feu permanent, qu’il ne retirera pas ses troupes de Gaza et aussi qu’il est dubitatif à propos des échanges de prisonniers.ères israéliens.nes, que ça sera soumis à discussion. Cela laisse entendre que les parties sont encore éloignées l’une de l’autre ; c’est un jeu de blâme, à ne pas se voir attribuer le blâme. Et il y a aussi le jeu de savoir ce qu’on pourrait retirer de plus avec ces négociations.

Nermeen, je pense que cela repose sur trois facteurs : 1- l’état des forces sur le champ de bataille. La guerre ne se passe pas comme Israël l’anticipait, comme il l’espérait, comme les va-t-en guerre les plus ardents.es (le pensaient) comme les prétentions l’avait annoncé. Oui, Israël est à l’action à Gaza. Nous avons vu la terrible destruction. Nous avons suivi tout cela, le nombre de morts, de morts civiles, d’enfants, les maladies et la famine maintenant. Mais nous ne voyons pas la résilience du Hamas faiblir. Donc, sur le champ de bataille c’est pour ainsi dire l’impasse.

2- Les pressions internes. Celle des familles israéliennes. Et il y en a à l’intérieur du cabinet de guerre, certains.es ont déclaré qu’il fallait changer de cap.

3- Voici où nous arrivons à la visite d’A. Blinken. C’est la dynamique de pressions de l’extérieur qui constitue le troisième facteur. Nous avons l’Afrique du sud qui a porté plainte (contre Israël) à la Cour internationale de justice. C’est très significatif. Ce que nous n’avons pas, c’est un Secrétaire d’État américain suffisamment puissant pour se servir de son influence et imposer des éléments dissuasifs, un prix à payer par Israël, pour la poursuite de sa politique. Donc, nous sommes bloqués. Au lieu de cela, curieusement peut-être avons- nous presque une tentative d’aller jusqu’au bout et de lier un plan d’après-guerre au cessez-le-feu. Peut-être serait-ce une bonne chose, n’est-ce–pas ? Tout ça n’a pas commencé le 7 octobre, il y a quatre mois. Il y a des causes fondamentales qu’il faut absolument prendre en compte pour que les Palestiniens.nes ou les Israéliens.nes puissent vivre en sécurité à l’avenir. Mais A. Blinken semble se présenter avec sa pensée magique à la table de négociation. Tom Friedman et David Ignatius l’ont partiellement démontré dans leurs articles. Je pense que cela va causer plus de problèmes. Peut-être pourrons-nous en parler plus tard.

Amy Goodman : Daniel Levy, pouvez-vous nous parler du rôle du Qatar et de celui de l’Égypte dans ces négociations ? En ce moment, A. Blinken rencontre B. Nétayahou. Comme négociateur, vous connaissez la signification de cet exercice, idéalement, que devrait dire A. Blinken à B. Nétayahou ? Il répète à satiété qu’il a le cœur brisé et l’estomac noué devant les pertes de vies à Gaza mais il continue de fournir des armes à Israël. À deux reprises, il a pris des moyens détournés auprès du Congrès pour s’assurer que les munitions lui soient livrées. Donc, qu’importe ce qu’il ressent ou dit de ses sentiments, il est clair que les États-Unis soutiennent Nétanyahou.

D.N. : Amy, c’est capital ; on a entendu le Président (BIDEN), dire que la position du Hamas est un peu exagérée. Peut-on penser que la livraison (à Israël) de bombes de 2,000 livres par les États-Unis, après tout ce dont nous avons été témoin, est un peu exagéré ? On peut aussi considérer que quand un cas de génocide est plausible devant la CIJ et que les mesures provisoires ne sont pas appliquées, c’est aussi un peu exagéré.

L’implication du Qatar et de l’Égypte est nécessaire parce que Israël et le Hamas ne négocient pas directement. Donc il faut des médiateurs de la région qui parlent au Hamas. Ils peuvent forcer la main au Hamas. Si le Hamas pense qu’il devra faire trop de concession plus tard, il résistera. Vous avez posé la bonne question : Est-ce que les États-Unis vont faire pression sur Israël ? Il semble bien en ce moment, qu’au lieu d’arriver en disant : « il y aura un coût si vous continuez ainsi », le Secrétaire Blinken dise : « Vous savez quoi ? Je vais vous récompenser. Savez-vous ce que j’ai dans ma petite poche ? J’ai la promesse de la normalisation (de vos rapports) avec l’Arabie saoudite ». Bon, les Saoudiens, dans un communiqué publié ce soir, contredisent des déclarations du porte-parole du Conseil national de sécurité américain, M. John Kiby. Cela a eu l’effet d’une douche froide. Mais A. Blinken pense qu’il pourra encore arriver à présenter une entente en fin de compte.

Je pense que cela illustre d’abord la naïveté (américaine). Il y a eu la normalisation avec les Émirats arabes unis dans le passé. Ça n’a fait qu’encourager les extrémistes israéliens.nes. Couches après couches, on tente de faire croire qu’il pourrait y avoir des leaders technocrates palestiniens.nes, assignés.es par les Occidentaux, capables de diriger la partie palestinienne sans avoir aucune crédibilité auprès de leur propre peuple. L’administration (Biden) a pris des mesures limitées contre les colons israéliens alors que le problème est bien au-delà. Le problème c’est la structure étatique de la colonisation.

Il semble que l’administration (Biden) fasse des efforts pour dire : «  Nous pouvons arrêter le nettoyage ethnique. Nous pouvons arrêter les déplacements (forcés) ». Mais, et c’est un problème majeur je pense, ce qu’on offre aux Palestiniens.nes ce n’est pas un État. Personne ne dit : « Israël va se retirer (de Gaza, des territoires occupés). L’armée va se retirer. Il y aura la reconnaissance d’un État viable qui existera vraiment avec Jérusalem comme capitale. À ce moment-là, nous pourrons nous occuper (du sort) des réfugiés.es et d’autres choses  ». Le reste c’est du bla-bla présenté en échange de la normalisation (des rapports israéliens) avec l’Arabie saoudite.

Qu’en est-il exactement, Amy ? Cette démarche est une tentative de retranchement, de fixation de bantoustans et de l’usage de la division comme arme de violence pour installer un futur apartheid. Je pense qu’il est vraiment pernicieux de proposer cela aux Palestiniens.nes, c’est-à-dire : vous avez le nettoyage ethnique ou l’apartheid. Ce qui n’est pas sur la table (de négociation), c’est la justice ou une paix véritable. Et pour être tout-à-fait honnête, si l’administration américaine veut faire un accord avec les Saoudiens afin d’exporter plus d’armes, peut-être pour que certaines entreprises réussissent à avoir leur part dans le programme civil d’énergie ou pour introduire un changement géopolitique qui ralentirait la lente chute du dollar, qu’elle ne prétende pas que c’est un pas vers la paix, vers la fin des horreurs à Gaza. C’est une manœuvre géopolitique, pas un moyen d’empêcher un génocide.

A.G. : Quel sera le rôle du Qatar et de l’Égypte dans tout ça. Comment pensez-vous que ça va se passer au beau milieu des négociations qui s’annoncent. (Hier, 7 février, le Premier ministre Nétanyahou a annoncé qu’il rejetait la proposition du Hamas. N.d.t.). Le Secrétaire Blinken n’emploie pas le terme « cesses-le-feu » mais parle de pause. La menace d’une invasion terrestre de Rafah pour des centaines de milliers de Palestiniens.nes qui ont dû s’y réfugier ? Environ deux millions de Palestiniens.nes sont là, à la pointe de Gaza à la frontière égyptienne.

D.L. : Comme vous le dites, les Palestiniens.nes ont été obligés.es de se déplacer d’un endroit à l’autre et à chaque fois qu’on leur en assigne un dit sécuritaire, ont les bombardent. Ce fut le cas à Khan Younes et ce sera le cas à Rafah demain.

Le Qatar peut … (il a réussi) lors de la première pause, nous avons vu des libérations. Penser que les otages, dont malheureusement le nombre diminue, puissent être libérés.es sans négociations relève de la pensée magique.. Il y a place à la négociation. Mais le Qatar et l’Égypte ne peuvent travailler qu’avec ce qu’Israël leur donne. S’ils se retrouvent avec quelque chose qui n’est pas à la hauteur, ils ne réussiront pas. (N’oublions pas) que la partie israélienne est divisée et qu’il s’y trouve un manque de volonté de prendre de dures décisions.

Quelque chose d’autre préoccupe l’Égypte. C’est le plan israélien de déplacer massivement les Gazaouis sur son territoire. Les conditions sont terribles là. La prise de la frontière de Gaza avec l’Égypte par Israël, ne fera qu’exacerber ces préoccupations. Dans une déclaration publique, elle assure qu’elle ne permettrait jamais cela.

Il y a donc le rôle de médiation. Peut-être que B. Nétanyahou pense que quelques otages pourraient être libérés.es étant donné les pressions (à cet effet) sans rien concéder sur le reste. Peut-être qu’il espère l’ouverture de la première phase. Je ne pense pas que cela puisse arriver à si bas prix. Les Américains semblent espérer pouvoir introduire une division entre B. Nétayahou et les ministres Smotrich et Ben-Gvir et qu’ainsi B. Nétayahou, mis devant une occasion, par exemple un accord avec l’Arabie Saoudite, ne pourrait plus résister aux pressions publiques. Je pense que cela fait partie de la naïveté américaine, de son incapacité à apprendre les leçons de l’histoire. Je pense que B.Nétanyahou se retournera pour dire : « Je peux avoir un meilleur accord, peut-être pas maintenant, peut-être pas avec l’actuel Président (américain). J’ai arraché les accords d’Abraham en ne donnant rien. Cette fois je vais gagner quelque chose ».

Donc, à quoi cela nous mène-t-il ? Cela nous mène à savoir si cette administration, l’actuel Président Biden, veut faire en sorte qu’Israël fasse des choix difficiles, en y mettant suffisamment de pression à la table de négociation. Sinon, nous allons être à la merci de la dynamique sur le champ de bataille qui ne va pas très bien et de la pression interne sur le gouvernement israélien. Le risque d’escalade dans la région qui s’est élevé durant les dernières semaines, est bien présent. Il semble que les États-Unis soient d’accord pour prendre le risque supplémentaire d’être captifs d’autres guerres au Proche Orient parce qu’ils refusent de regarder dans le blanc des yeux un leader israélien dont la propre survie politique est en cause, (peut-être est-ce le cas du Président américain aussi) qui insiste pour maintenir le régime d’apartheid.

N.S. : Daniel Levy, je veux revenir à un commentaire que vous avez fait à propos de l’Arabie saoudite, de la normalisation de ses rapports avec Israël comme principal incitatif offert (dans ces négociations). Mais des doutes ont été soulevés, dont les Saoudiens sont au courant, j’en suis sûre, à l’effet que le Congrès américain n’était pas prêt à accepter cette entente même si elle va de l’avant tout comme avec le support technique à l’Arabie saoudite pour le développement de l’industrie nucléaire. On a aussi rapporté que B. Nétanyahou ne considérait pas la normalisation avec l’Arabie saoudite et le soutien des États-Unis essentiels à sa survie. Croyez-vous que ce soit vrai ? Car il semble bien que le premier objectif de B. Nétanyahou, pour des raisons que nous avons présentées dans nos émissions, soit de se maintenir au pouvoir, non ?

D.L. : Le Premier ministre Nétanyahou est un leader qui porte l’héritage du 7 octobre sur ses épaules. (…). Il fait face à des accusations criminelles devant les tribunaux. Donc, il se livre à des calculs pour savoir comment avancer. En ce moment même, il est plus important pour lui de maintenir sa coalition que d’entreprendre les démarches de normalisation avec l’Arabie saoudite. Il le veut mais pas à n’importe quel prix. Comme il l’a dit, il peut se tourner vers le public israélien et lui dire : « Ne craignez rien, les Américains veulent que je cède plus qu’Israël ne le veut. L’opposition parlementaire est prête à céder, pas moi. Je vais avoir un meilleur accord ». C’est donc sa position. Il ne se sent pas encore coincé.

Pour ce qui est de l’Arabie saoudite, pourquoi ne pas dire, si vous êtes dans sa position : « Voyons ce que nous pouvons avoir de plus des Américains. Voyons ce qu’ils mettront de plus sur la table. Et si c’est assez, peut-être y a-t-il des circonstances qui feront que nous serons d’accord. Sinon, au moins nous aurons eu une offre américaine que nous pourrons utiliser dans le futur et voir jusqu’où cela pourra aller ». Donc, il y a Israël plutôt habile à faire jouer la carte de l’administration (américaine) et de même pour l’Arabie saoudite. Je ne me réjouis pas à dire cela, mais (nous avons) un très faible, très inefficace gouvernement qui se tire dans le pied à Washington.

A.G. : Daniel Levy, je veux retourner à quelque chose que vous avez dit. Vous avez fait référence au gouvernement israélien comme à un régime d’apartheid. Vous avez aussi parlé de bantoustan. C’est très significatif venant d’un ancien négociateur de paix dans les gouvernements d’Ehud Barak et d’Yitzhak Rabin. Rappelons aux auditeurs.trices, que ce dernier a été assassiné par un extrémiste Juif. Expliquez-nous ce que veut dire « bantoustan » et dites-nous comment vous voyez les choses se dérouler (…).

D.L. : (…) J’imagine, et mon évaluation serait la suivante : (Aux États-Unis), cette communauté de gens, une communauté plutôt importante, qui considère de la plus grande importance que le résultat des élections ne renvoie pas D. Trump au pouvoir verra qu’il est critique que tout soit fait pour que l’alternative à D. Trump soit un Président soutenu par la plus large coalition possible pour lequel elle puisse voter, surtout ceux et celles qui ont déjà voté pour lui. J’espère donc que ces autres groupes qui ont autant d’intérêt à ce que D. Trump ne réussisse pas, feront suffisamment pression sur l’administration pour qu’elle change de politique quand à l’aide accordée, à l’encouragement et à l’armement (de la partie) que le plus haut tribunal dans le monde, la CIJ, a désignée auteur de plausibles actes de génocide. Au lieu de s’attaquer aux gens du Michigan et d’ailleurs qui déclarent : « Je ne peux pas. Je ne peux pas voter pour ce candidat ». Les Américains détiennent la clé.

Avec mon expérience de négociateur, j’examine la réalité de l’apartheid et l’offre de bantoustans. Il y a eu une option (de solution) à deux États. C’était une offre incroyablement positive pour Israël. Non pas le plan de partage des Nations Unies voté en 1947 qui permettait à l’État juif d’exister. Il lui donnait 53 ou 54% du territoire. Aujourd’hui il en détient 78%. Il a été voté virtuellement sans aucun des États décolonisés. Pas d’Africains, d’Asiatiques, pas de Sud global comme nous pourrions le dire, présents aux Nations Unies pour la création de l’État juif. (…) C’est sur cette base que les négociations pour la solution des deux États s’est constituée.

Plutôt que de prendre cela à bras le corps et se dire : « Bonté divine, comment allons-nous franchir l’espace qui nous mènera à un accord remarquable », plutôt que de faire cela, alors que le leadership palestinien, le PLO, était prêt à accepter la proposition, la position de négociation israélienne a toujours été, à travers le temps, de vider de sa substance l’État palestinien : non seulement ne rien prévoir pour les réfugiés.es, ne rien prévoir en matière de vérité et de réconciliation, demander que toutes les revendications s’arrêtent, que (les Palestiniens.nes) désarment, que des ilots de colonies soient installés sur le territoire et que le sort de Jérusalem, le statut des passages aux frontières etc. etc. soient laissés au hasard. Les ilots de colonies n’ont fait que s’agrandir à chaque révision de la carte.

Nous voilà donc un quart de siècle après la date butoir pour terminer ces négociations qui, dans les faits, légalement, visiblement, (donne un résultat qui) ressemble aux bantoustans qui existaient sous le régime d’apartheid (en Afrique du sud, n.d.t.). Comparaison n’est pas raison, mais les rapports sérieux des organisations qui défendent les droits humains ont largement prouvé que la définition légale de l’apartheid (s’appliquait ici).

Il y a une différence entre Joe Biden et Bibi Nétanyahou (dans ces circonstances). Le propos de Nétanyahou est : « Je ne leur donne pas un État, je leur donne des bantoustans ». J. Biden dit : « Pour l’amour du ciel appelez ça un État ». Nous savons tous et toutes que ce n’est pas un État parce que la partition a créé ces petits ilots palestiniens à gouvernance limitée dont le contrôle est exercé par le régime israélien qui assure que les Palestiniens.nes ne peuvent avoir de droits égaux, de sécurité et d’avenir. Ce sera toujours un contrat pour l’insécurité et l’explosion que cela affectent les Israéliens ou les Palestiniens. Je pense que de tenter de sortir de la crise en cours en reprenant cette démarche hyper restrictive est criminel.

N.S. : Daniel Levy, il ne nous reste qu’une minute, pouvez-vous nous parler de la signification de ce que vous avez mentionné plus tôt soit, la division dans le cabinet de guerre israélien même si ce n’est pas très important et de l’opposition populaire à la poursuite de la guerre qui augmente. Jusqu’à quel point cela pourrait influer sur les négociations et sur ce qu’Israël est prêt à concéder ?

D.L. : C’est très important Nermeen. D’abord il y a un camp en Israël qui est contre l’apartheid, contre l’occupation. Ces Juifs israéliens, ces Juives israéliennes, envisagent un avenir différent parce qu’en fin de compte ils et elles veulent avoir un endroit où avoir un avenir, un foyer mais pas aux dépends des Palestiniens.nes.

Il y a un autre camp, un camp différent ; une aile parlementaire et une population importante qui était contre Nétanayhou, qui protestaient durement avant le 7 octobre. Ce groupe persiste à ne pas faire confiance à Nétanyahou, est convaincu que la libération des otages devrait être prioritaire. Et qui est aussi convaincu que l’objectif de décimer complètement le Hamas est irréalisable, comme l’a exprimé un des ministres, M. Gadi Eisenkot qui a perdu un fils à la guerre. Il ne l’a pas dit ainsi, mais je vais le faire : Israël devrait faire cesser ces pertes.

Il y a donc une importante pression interne. Mais, malheureusement, ce n’est pas encore suffisant pour mettre fin à cette guerre et la pression extérieure que nous devrions avoir de la part des États-Unis, ne s’y ajoute pas.

N.S. : Merci Daniel Levy (…)

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Daniel Levy

Daniel Levy est président du projet États-Unis/Moyen-Orient et ancien négociateur israélien avec les Palestiniens à Taba sous le premier ministre Ehud Barak et à Oslo sous le premier ministre Yitzhak Rabin.

Nermeen Shaikh

Journaliste à Democracy Now.

Prior to joining Democracy Now !, Nermeen worked in various non-profit organizations including the Sustainable Development Policy Institute in Islamabad, the International Institute for Environment and Development in London, and the Asia Society in New York. She also worked briefly at Al Jazeera English in Washington, DC. She has an M.Phil. in politics from Cambridge University, and is the author of The Present as History : Critical Perspectives on Global Power published by Columbia University Press. She currently serves on the editorial board of the Rome-based journal Development.

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