Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Sénégal : discrédité, le pouvoir réprime

Les mobilisations populaires ne faiblissent pas contre la volonté du président Macky Sall de rester au pouvoir en éliminant son rival Ousmane Sonko. Elles font face à une violente répression, mais sont une opportunité pour la gauche sénégalaise.

Tiré d’Afrique en lutte.

Ousmane Sonko, le principal opposant de Macky Sall, vient d’écoper d’une peine de deux ans de prison ferme à l’issue de son procès à Dakar. Une sentence qui a déclenché de nombreuses manifestations spontanées à travers tout le pays. Pendant 72 heures, les manifestantEs ont subi une répression féroce.

Le sang et la peur

Le bilan s’élève à 23 morts, dont trois enfants, soit par asphyxie à cause de l’utilisation massive de gaz lacrymogène, soit par balles.

De nombreuses images montrent des civils armés de fusils et cagoulés se trouvant parmi les forces de l’ordre, même si la préfecture de police a tenté, lors d’une conférence de presse, de les faire passer pour des manifestantEs.

La Croix-Rouge a informé avoir donné des soins à 357 blesséEs dont des femmes enceintes. L’organisation de la société civile « Y’en a marre » dénonce les centaines d’arrestations et les mauvais traitements que certains ont subis lors de leur détention.

La police a utilisé des manifestants arrêtés pour s’en servir de bouclier humain contre les jets de pierres, n’hésitant pas à prendre un gamin comme le montre une vidéo d’al-Jazeera massivement relayée sur les réseaux sociaux.

À l’image des dictatures, le pouvoir sénégalais a coupé internet pour tenter d’affaiblir la mobilisation.

Un pouvoir qui s’accroche

En 2021, Ousmane Sonko a été accusé par une jeune employée d’un salon de massage de viols répétés et de menaces de mort. Sonko a réfuté ces accusations. Lors de son procès par contumace, l’opposant a été acquitté pour ces accusations mais en revanche a été condamné pour corruption de la jeunesse à deux ans de prison ferme, entraînant une inéligibilité.

Ce délit que beaucoup de Sénégalais ont découvert, est passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison. Il s’agit de punir le contrevenant qui se livre à la débauche d’un jeune de moins de 21 ans. Au moment des faits la jeune masseuse avait vingt ans.

Pour la grande majorité, il s’agit d’une manœuvre du pouvoir pour empêcher Sonko de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. D’autant que Macky Sall est coutumier du fait. Il a recouru à la justice pour écarter ses principaux rivaux Karim Wade puis Khalifa Sall.

Autre source de tension et pas des moindres, la volonté manifeste de Macky Sall de briguer un troisième mandat en exploitant le changement de Constitution. Alors qu’il s’était engagé à n’en faire que deux.

Aux yeux de la population, le président de la République est prêt à tout, y compris à mettre le pays à feu et à sang pour se maintenir au pouvoir.

Alternance ou alternative

Alors que les conditions de vie empirent pour la majorité des SénégalaisES, que les jeunes ont comme seule perspective de risquer leur vie dans une émigration périlleuse, la corruption de l’élite au pouvoir devient insupportable. C’est la critique de ces turpitudes qui fait la force de Sonko. Cet ancien inspecteur des impôts a été radié de l’administration pour avoir dénoncé les fraudes fiscales de cette élite.

Si la très grande partie de la gauche sénégalaise soutient depuis le début Ousmane Sonko, elle ne doit pas pour autant délaisser ses valeurs. En effet Sonko ne remet nullement en cause le système, son programme vise à favoriser le patronat sénégalais dans la compétition internationale. Un nationalisme qui n’est nullement articulé à une émancipation sociale.

En 2000, la gauche sénégalaise avait soutenu Abdoulaye Wade qui se réclamait du libéralisme pour mettre fin à des décennies d’un pouvoir inféodé à la France. Son gouvernement autoritaire laissera en mémoire une corruption à grande échelle. De cet épisode, la gauche est sortie affaiblie.

Être dans la mobilisation contre le pouvoir affairiste de Macky Sall est bien évidemment du rôle de la gauche mais elle doit aussi faire entendre sa voix, celle des travailleurEs et des paysanEs. Ne pas oublier les leçons du passé, c’est avoir le souci de construire ses propres organisations car, dans les futures batailles pour défendre les classes populaires, la gauche ne pourra compter que sur ses propres forces.

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