Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Succès du séminaire de renforcement des capacités des femmes de la Coordination des Luttes Féministes du CADTM Afrique à Yaoundé

La Coordination des Luttes Féministes du CADTM Afrique en partenariat avec la Plateforme d’Information et d’Action sur la Dette (PFIAD) a organisé un séminaire de renforcement des capacités des femmes de la Coordination et des membres de la société civile camerounaise représentant diverses associations de femmes, de jeunes, pour le développement durable ainsi que des syndicalistes et des journalistes.

Tiré de l’Infolettre du CADtM
https://www.cadtm.org/Succes-du-seminaire-de-renforcement-des-capacites-des-femmes-de-la-Coordination
21 février par CADTM Afrique , Sarah Coppé , Coordination des Luttes Féministes du CADTM Afrique

38 participantes venant du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Niger, de la République Démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Gabon, du Togo, du Sénégal et de la Belgique se sont réunies à Yaoundé au Cameroun du 12 au 16 février 2024 pour échanger autour du thème central : « Femmes, leadership féminin, dettes, changements climatiques et extractivisme : enjeux et perspectives ».


Introduction

Après l’accueil, la présentation et le recueil des attentes de toutes les participantes, ce fut l’occasion de rappeler qu’en plus d’avoir pour objectif le renforcement des capacités, ce séminaire veut également dessiner les lignes directrices des actions à venir de la Coordination des Luttes Féministes du CADTM Afrique ainsi que son plan opérationnel. Les textes fondateurs du CADTM ont été présentés en mettant en exergue le fonctionnement et les parties spécifiques à la Coordination des Luttes Féministes.

Lors de cette première journée, les participantes ont chacune partagé la situation économique, politique, sociale et environnementale de leurs pays en mettant en avant les spécificités liées aux femmes ainsi que les différentes luttes et mouvements féministes qui ont eu lieu. Force est d’affirmer que les problématiques se ressemblent et que si les contextes en changent les détails, les systèmes et moyens d’oppression sont les mêmes. Malgré ce constat affligeant, c’est la solidarité et la détermination à s’unir pour changer les choses que les participantes ont emportées avec elles en fin de journée.


Axe 1 : Femmes, leadership féminin et Dette

La deuxième journée s’est déroulée autour de 4 présentations :

 Femmes et Leadership féminin
Ce premier atelier est revenu sur les point qui font d’une personne un.e leadeur.euse. Chacune a pu se questionner sur ses forces et faiblesses afin de garder ses forces en tête et de travailler sur les points à améliorer. L’écoute, l’analyse et l’action sont les points que nous retiendrons.

 Dette et problématique du Financement des projets de Développement en Afrique : cas spécifique de l’autonomisation des femmes

Cet atelier fut l’occasion de revenir sur des concepts clés du CADTM tels que la dette illégitime, la dette odieuse ou insoutenable, ainsi que l’autonomisation des femmes repris dans les ODD (objectifs de développement durable). Les mesures d’austérité́ mises en place pour le remboursement de la dette publique touchent en premier lieu les secteurs considérés comme « non productifs » : ceux de la santé, de l’enseignement, etc., et donc touchent spécifiquement les femmes, en tant que travailleuses majoritaires et usagères principales.

Un des objectifs du CADTM est d’expliquer l’endettement au niveau local et pas seulement macro pour que chacune puisse comprendre les implications sur leur quotidien et ainsi, faire des connexions pour améliorer leur cadre de vie. En effet, la question de la dette est transversale à la question de la santé, de l’eau, de l’extractivisme, etc.

Quant aux programmes de développement, il ne tiennent pas compte des réalités des personnes, et ne sont pas du tout adaptés aux femmes en région rurale. Les échanges sont clairs, selon les participantes, la problématique est transversale, le problème n’est pas seulement du côté financier mais aussi social. Il faut donner aux femmes rurales la capacité d’avoir confiance en elles au travers d’accompagnement et de formations.

 Le microcrédit dans le système dette en Afrique : Pratiques et dérives

Cette présentation a permis de comparer la définition des Instituts de Microfinance (IMF) et les impacts dans la réalité quotidienne des femmes, usagères majoritaires des microcrédits. Cet outil déconnecté de la réalité, s’avère être au profit des institutions de microcrédit et non un outil de lutte contre la pauvreté, bien au contraire. Ses impacts sur les femmes sont nombreux : surendettement, soucis social, divorce, prostitution, suicide, etc. Des conditionnalités d’accès au taux appliquée ainsi qu’au manque d’accompagnement et de formation, rien ne sert les populations pauvres et marginalisées, et cela concerne particulièrement les femmes. De plus, depuis la loi 2012 sur les Services Financiers Décentralisés (SFD) en Afrique de l’Ouest, les alternatives de financement local telle que la tontine traditionnelle ne sont plus autorisées, ce qui laisse les femmes avec pour seule option les institutions de microcrédit.

 La Banque Africaine de Développement, un instrument au service de la finance du système capitaliste en Afrique, quels impacts sur la paupérisation des femmes : cas des financements des mégas projets en faveur de l’élite bourgeoise locale

Les actionnaires de la BAD représentent 54 pays africains et 27 pays non régionaux. Malgré son nom qui nous fait croire que les états africains soient souverains dans la prise de décisions, les 27 membres non régionaux ont le droit de refuser ou d’accepter de financer les projets, les modifier, approuver des politiques et des procédures, augmenter le capital de la banque. De plus, le droit de vote se fait en fonction du montant d’argent versé par un pays.

Quel type de développement la BAD prétend-elle soutenir ? Des projets censé viser la création d’emplois, améliorer l’accès aux services de base, fournir des soins de santé et une éducation de qualité.

Mais quelle est la réalité ? Quels projets ont réellement abouti ? Ceux-ci n’améliorent pas les conditions de vie dans les pays et au contraire, appauvris les terres et les populations.

« La BAD a abandonné sa mission pour nous enfoncer dans le sous-développement, la BAD n’emprunte pas pour aider les pays africains mais pour s’enrichir. Pas besoin d’aller prendre des experts, vous êtes les experts de votre communauté à vous. Avec les outils actuels vous pouvez réaliser les impacts des gros projets dans votre localité et vous savez ce dont vous avez besoin pour y améliorer les conditions de vie ». sont les mots partagés lors de cet atelier. Renforcer les capacités des participantes permet de remettre les décisions entre les mains des populations en les sensibilisant et en leur donnant les outils clés pour leur propre développement.

Cette première journée s’est terminée sur le partage d’expérience des manifestations des politiques d’endettement et sur les conditions de vie des femmes par pays. Les programmes d’ajustement structurel, les projets non aboutis, les fausses solutions imposées par les Institutions financières internationales ont dans chaque pays des conséquences directes sur les populations : licenciement, privatisation des entreprises, augmentation des dépenses privées (augmentation du coût de la vie) et diminution des dépenses publiques (accès aux soins de santé et à l’éducation), tant de facteur impactant les conditions de vie des populations et particulièrement des personnes à charge de la famille, généralement les femmes.


Axe 2 : Changement Climatique

La troisième journée s’est déroulée autour de 2 axes : changement climatique et extractivisme. Pour le premier, l’atelier s’intitulait :

 Crise climatique et paupérisation : quand les femmes en Afrique paient le plus lourd tribut

L’occasion de revenir sur la définition de la crise climatique qui engendre d’autres crises sociales, économiques et agricoles ainsi que le concept de paupérisation, l’appauvrissement continuel de celleux qui ne peuvent suivre cette perpétuelle augmentation du coût de la vie. Bien que les populations du Sud Global ne participent qu’à une infime partie des causes du changement climatiques, elles subissent les conséquences les plus directes : diminution de la biodiversité, appauvrissement des sols, dérèglement du cycle saisonnier et des cultures, dégradation des écosystèmes, augmentation des maladies cancérigènes, crise migratoire, crise économique mondiale, désertification, érosion côtière, etc.

Alors que les femmes jouent un rôle clé dans la production alimentaire mondiale (50-80%), elles sont détentrices de moins de 10% des terres

Plus de 60% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté sont des femmes, en région urbaine 40% des ménages les plus pauvres ont une femme pour cheffe de famille et alors que les femmes jouent un rôle clé dans la production alimentaire mondiale (50-80%), elles sont détentrices de moins de 10% des terres. De plus, traditionnellement, elles sont responsable d’amener la nourriture à la maison et dépendent des ressources naturelles locales pour garantir les moyens de subsistance.

Ainsi, les femmes en tant que public plus précaire subissent les effets du changement climatique plus directement et plus intensément. Leurs voix et celles des populations rurales doivent urgemment être prises en compte dans les décisions concernant les ressources et les initiatives liées aux changement climatique.

Pour rappel, les 1% les plus riches sont responsables de la production d’émission à hauteur de 2x plus que 50% de la population mondiale et le Nord Global est responsable de 92% du changement climatique contre 8% pour le Sud Global. Le CADTM ainsi que Debt for Climate demandent la suppression totale et inconditionnelle de la dette des pays des Suds comme un point de départ pour que les pays du Nord Global paient leur dette climatique.

Axe 3 : Extractivisme


 Les industries extractives et désastres écologiques, quelle incidence sur la vie des femmes dans les zones minières en Afrique ?

En République démocratique du Congo, depuis la libéralisation du secteur minier à travers l’adoption du code minier de 2002, plusieurs multinationales ont afflué dans les principales régions minières du pays, riche en minerais de cuivre et cobalt, éléments nécessaires à la fabrication des batteries et voitures électriques pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Aux alentours, se sont installées des exploitations artisanales où travaillent beaucoup de femmes et d’enfants. Dans les deux cas, le situation des femmes y est inhumaine et les violations des droits humains nombreux : droits civils et sociaux absents des sites, pauvreté extrêmes, violations des droits à la santé y compris reproductive, manque d’accès à l’eau potable, à l’alimentation et à l’éducation, insécurité, et cette situation déjà insoutenable est augmentée par les discriminations basée sur le genre. Parmi les femmes interrogées, 73% subissent des violences sexuelles tandis que les autres d’abstiennent de répondre.

Au cours des partages d’expériences, cette situation se révèle semblable à toutes les zones minières en Afrique. L’extractivisme entraine d’innombrables désastres écologiques et sur la vie des femmes :
Expropriation de champs, évictions des logements, pollution de l’environnement (air, eau et sol) avec de graves impactes sur la santé sans indemnisation ni réparation équitable.

L’impunité, la corruption, la faiblesse et la complicité des États sont tant de facteur dont tirent profit les entreprises minières pour continuer à violer les droits des femmes sans être tenus responsables de leurs actes. L’ITIE (initiative pour la transparence des industries extractives) travaille pour que la norme de travail dans ces industries comprenne des règles tels que la RSE, le respect du principe d’égalité, la prise en compte des normes internationales de comportement, le respect des droits humains.

 Luttes féministes et réparations ciblant les industries extractives et l’exploitation forestière : cas du Mali, Cameroun et Gabon

Perte des activités génératrices de revenus, indemnisations insuffisantes et tardives, perte de la pharmacopée et des produits forestiers, accroissement du conflit homme faune, aggravation des fléaux sociaux (consommation des stupéfiants, prostitution des jeunes filles, vol, etc.), exposition aux risques climatiques (sécheresses, inondations), … les impacts des industries extractives et de l’exploitation forestière sur les conditions de vies des populations ne se comptent plus. Face à ce constat, des associations telles que la GDA au Cameroun, la CAD au Mali ou Brainforest au Gabon s’organisent pour informer les communautés sur les sauvegardes des projets extractivistes. Lors des réunions d’information, les femmes sont rarement prises en compte. Ces associations ont ainsi vu la nécessité de réunir les femmes entres elles pour qu’elles puissent porter leur voix et faire entendre leur droit de dire non, de se lever et de s’assembler.

 Les enjeux et les défis du droit de dire non à l’exploitation destructrice des ressources naturelles

Cet atelier remet au centre la problématique : les entreprises d’exploitation des ressources naturelles visent directement les intérêts du marché international plutôt que ceux de la population. Les exploitations industrielles ou minières partagent les caractéristiques d’une entreprise coloniale en ce qu’elles veulent dominer les territoires et populations au profit des pays développés.

Il est grand temps de remettre en question la pensée dominante selon laquelle le « vrai » développement s’organise autour de l’exploitation à grande échelle des ressources naturelles et d’une main d’œuvre bon marché ou non rémunérée.
Les projets de développement doivent être un choix venant de la population, les communautés peuvent avoir leurs propres alternatives au développement, elles doivent exprimer leur points de vue et apporter leur propre vision du développement en utilisant leur propre processus de prise de décision.

Le droit de dire NON des populations revient à revendiquer leur souveraineté en matière de développement afin de donner ou de refuser leur consentement à des projets de grande envergure. C’est un acte profondément politique car il remet en cause les systèmes de pouvoir et affirme le droit des communautés à définir leurs propre intérêts et avenir.

Axe 4 : Enjeux et perspectives des luttes féministes


 A l’heure du bilan des conférences internationales de la femme, pourquoi les femmes en Afrique continuent de subir ?
 La Coordination des Luttes Féministes du CADTM, Womin et FJS (Foundation for a Just Society) : trois organisations, un combat unique pour l’émancipation des femmes.

Dans tous les pays, une politique de genre existe mais ces politiques genre ne sont pas appliquées. Les discours politiques doivent être traduit en discours d’action locale mais ce n’est toujours pas le cas.

Pour cause, les institutions qui adoptent ces texte pour les droits femmes sont les mêmes qui implantent les projets qui détruisent les conditions de vie des femmes et qui les exproprient de leur terre. Les politiques et programmes de développement ne sont d’une part pas matérialisables en action et d’autre part, ne permettent pas l’autonomie des communautés et des minorités car ils ne prennent pas en compte l’avis de celles qui vivent ces préoccupations au quotidien.

C’est pourquoi, la Coordination des Luttes Féministes du CADTM, Womin et FJS partagent un objectif commun : que les femmes urbaines et rurales prennent leur destin en main pour qu’elles construisent elles-mêmes leur développement et celui de leur famille. C’est un combat contre les politiques qui ne descendent pas à la base. C’est un combat pour l’émancipation des femmes.

 Identification des enjeux de la Coordination des Luttes Féministes
 Réflexion sur le plan stratégique, élaboration de la feuille de route, mise en œuvre des recommandations du séminaire

Les rencontres et partages avec les actrices de terrain ont permis à la Coordination d’élaborer un plan stratégique d’action. Chacune des participantes a pu valoriser ses connaissances et apprentissages lors de la réalisation de la feuille de route, de l’analyse SWOT, des orientations stratégiques et des axes d’interventions pour la suite des actions de la Coordinations des Luttes Féministes du CADTM Afrique.

Outre la richesse des présentations, ce sont les partages d’expériences et les débats qui ont suivi qui ont réellement fait en sorte que chacune puisse s’approprier les informations afin d’en faire un outil pratique dans leurs vies quotidiennes et professionnelles.

Ce séminaire s’est clôturé sur les voix des femmes scandant des cris de luttes pour la solidarité : « So-so-so solidarité, avec les femmes du monde entier », pour l’engagement, « Toutes les femmes engagées pour lutter », pour la justice « Justice pour toustes, justice sociale ».

Enfin, ce séminaire a été l’occasion d’alimenter la croyance en la possibilité de se rassembler entre femmes pour partager les problématiques spécifiques qui les entourent et organiser ensemble un moyen de sortie. La lutte continue.

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