Il faut mentionner ici que les scènes d’ouverture et de fermeture se comparent à quelques nuances près. Entre les deux, la réalisatrice nous entraîne dans une remontée du temps riche en disputes et en confrontations dans cette résidence londonienne au confort moelleux où une fête entre amiEs (quatre couples, sept personnes et une autre qui doit arriver un peu plus tard) dégénère assez rapidement en règlement de comptes. Le résumé du film tient en peu de mots : une femme prénommée Janet vient d’être nommée ministre de la Santé. Pour célébrer l’événement, qui n’est quand même pas anodin, elle réunit, avec son conjoint (Bill de son prénom), quelques amiEs proches. La réunion qui se voulait festive se met rapidement à déraper.
Sans rien dévoiler des nombreux rebondissements contenus dans ce film trop bref (il dure moins d’une heure quinze minutes), nous nous retrouvons devant diverses combinaisons de couples reliés par des histoires proches ou (et) éloignées. Et c’est ici qu’intervient une question majeure pour apprécier cette proposition cinématographique : jusqu’à quel point la reconfiguration des relations de couple a-t-elle supprimé les rapports hiérarchiques (dominant / dominé) en son sein ?
Nous le savons pour l’avoir constaté par nous-mêmes ou pour l’avoir lu, il y a eu, au cours des soixante dernières années, des bouleversements majeurs et significatifs dans la structure des couples. Le modèle homme / femme, mari pourvoyeur et géniteur / mère reproductrice et potiche, rapports exclusifs, etc. a volé en éclats. Soit, mais qu’en est-il des rapports fondamentaux observables dans le couple ? Ont-ils eux aussi été révolutionnés et pulvérisés au profit de rapports plus égalitaires ou sommes-nous toujours en présence de relations hiérarchiques et inégalitaires ? Le fait de renoncer à sa carrière au profit de l’autre sexe, désavantagé jusqu’alors, entraîne-t-il un changement correspondant dans un moment de crise de jalousie ? Par qui a été remplacé le mâle macho dominant ? Qui peut s’autoriser une relation extra-conjugale, sans avoir à subir les foudres de l’autre ? Qui peut adresser à l’autre, devant tout le monde, des répliques cinglantes, cruelles et assassines ? Qu’en est-il maintenant de la dynamique relationnelle au sein d’un couple lesbien ? Comment réagir devant certains gestes qui ont été posés il y a plus de quarante ans ? Le couple finalement : changement de fond ou changement de forme ?
Avec The Party, la scénariste-réalisatrice Sally Potter nous présente une œuvre brillante. Les dialogues sont riches, soutenus et substantiels. Le jeu des actrices et des acteurs est crédible et convaincant. La musique colle à l’intrigue. Pour ce qui est de l’humour, il est tantôt caustique, tantôt sarcastique.
Ce film, qui se situe entre la comédie et le drame, met aux prises des intellectuels de la bourgeoisie professionnelle et urbaine qui se drapent dans leurs certitudes ronflantes, jusqu’à ce que leurs contradictions leur explosent en plein visage. Il y a même deux personnages qui vont réagir d’une manière très violente et complètement indigne de leur groupe social d’appartenance.
À voir, que vous soyez en confinement ou non !
Yvan Perrier
21 mai 2021
7h15
yvan_perrier@hotmail.com
Un message, un commentaire ?