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Canada

Le projet de réforme électorale à Ottawa : une occasion pour la démocratie ?

(tiré de Canadian Dimension) - 9 avril 2014

Traduction, Alexandra Cyr

Le gouvernement Harper est en train de prouver à ses détracteurs et critiques que les choses peuvent toujours être pires. Peu importe combien d’outrages il porte à la démocratie pour ensuite s’excuser fermement devant les Canadiens et Canadiennes, il réussit toujours à s’organiser pour aller un peu plus loin. C’est le cas avec le répugnant et honteux projet de loi anti démocratique intitulé Loi pour des élections justes. Une vraie farce !

Ceux et celles à qui notre démocratie demande d’examiner ces intentions législatives, ont décrit le projet comme une menace au droit de vote et un véritable assaut contre la démocratie. Mais, comme d’habitude il semble que le gouvernement va persister dans sa démarche peu importe ce qu’en disent les critiques.

Si cela arrive, il faut que les vraiEs démocrates qui lui sont passionnément opposés, planifient très bientôt leur deuxième phase de campagne. Il faut saisir l’opportunité, non visible à ce moment de la crise, de mobiliser massivement ceux et celles que vise M. Harper et son ouvrier de première main, M. Pierre Poilièvre, dans une campagne de légitimation.

Suppression du droit de vote à l’Américaine,

Toute cette opération d’attaque à la démocratie et d’irrespect pour les droits des citoyenNEs est une gifle copiée depuis ce qui se fait à cet égard aux États-Unis. Il n’y a pas que le contenu de ce projet de loi qui soit si clairement une attaque au droit de vote. C’est aussi le fait qu’il soit porté par le plus arrogant, méprisant et répugnant des attaquants de Stephen Harper. Les moindres excuses d’un tel élu sont suffisantes pour éliminer la démocratie. Nous nageons ici en plein rejet idéologique de la science et des preuves comme si le débat lui-même avait été évacué de la Chambre des Communes.

Cela dépasse l’hyper partisannerie. Cela ressemble plus au féodalisme et à la monarchie de droit divin qui stipule que le roi n’est soumis à aucune autorité sur terre que son droit de régner découle directement de la volonté divine. Donc le roi n’est pas redevable à la volonté de son peuple, de l’aristocratie ou de quelque autre instance comme par exemple la science.

Pas besoin de creuser bien loin pour découvrir le scandale de ce projet de loi, même les médias dominants en ont fait leurs manchettes. Ils se sont pourtant adapté au fonctionnement normal de ce gouvernement : il ne répond jamais aux questions, ne prend jamais en compte un argument venant de ceux et celles qui ne pensent pas tout-à-fait comme lui, il ne parle jamais aux grands médias nationaux, garde toujours un visage impassible quand il ment, triche, intimide, calomnie et transgresse les règles si elles ne l’amène pas en prison. Ce niveau de dédain pour la démocratie est tellement devenu coutumier qu’il ne fait plus la nouvelle.

Mais le projet de loi sur les élections justes est un pas de trop et à réveillé les médias. L’indignation a également été tirée de son long sommeil.

Tout le système politique a réagit comme s’il ne fallait que donner une leçon d’éthique politique aux Conservateurs. Quelques unEs des expertEs les plus en vue ont pensé que les évidences seraient magiquement suffisantes. Vous ne me croyez pas ? En voici quelques unEs de plus : l’ancien directeur d’Élections Canada, M. J.P. Kingsley une bonne douzaine d’universitaires et quelques directeurs d’élection provinciaux ; personne ne réagit vraiment. Comme si tous les arguments basés sur la science et les connaissances ne faisaient que renforcer les bases religieuses de ce gouvernement dont M. Poilièvre se fait le chantre en titre. Plus les critiques se sont faites sérieuses, plus les commentateurs-trices étaient des gens respectés, plus le gouvernement devenait enthousiaste à propos de sa démarche. Après tout cela, alors que personne ou presque ne soutenait ce projet de loi, ses caractéristiques et objectifs, M. Poilièvre l’a déclaré non pas simplement « juste » mais, « excellent ». Depuis sa présentation ce ministre moralisateur (ce qui doit être un compliment dans la cour royale) a répondu aux questions avec les exacts mêmes discours.

Bien sur, dans la cruelle conjoncture politique actuelle, ce mépris de toute critique fonctionne parce il n’y a aucun moyen pour obliger qui que ce soit à répondre aux questions. Cela laisse sur la table toutes les critiques à l’égard de ce projet de loi, y compris les plus sévères, sans aucune chance qu’elles puissent mener à quelque réfutation que ce soit.

Que l’ont nie à plus ou moins 500,000 électeurs-trices leur droit constitutionnel de vote, ce qui est souligné par les experts, n’est même pas pris en compte ; l’argument n’est même pas réfuté. Le gouvernement ne prend pas non plus la peine de réfuter celui qui souligne vigoureusement, preuves à l’appui, qu’il n’y a pas de fraude électorale au Canada, sauf par le Parti conservateur…C-23 empêcherait quelqu’unE de voter grâce à unE répondantE possédant sa propre carte d’identité valide et qui atteste de l’identité de cette personne. Cela affecterait en priorité les jeunes, surtout étudiantEs qui se déplacent plus facilement, les membres des Premières nations et les personnes âgées.

En 2007, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a contesté devant les tribunaux les lois sur l’identification des électeurs-trices et à, en partie, gagné sa cause. Les Cours ont jugé que ces lois étaient, à leur face même, une violation de la section 3 de la Charte des Droits et Libertés. Mais malgré cela, le jugement stipule qu’il s’agit « d’une limite raisonnable aux droits et se justifie ». Un des arguments que la cour invoque pour ce jugement, est justement que par ailleurs, la possibilité d’utiliser unE répondantE allait pallier à l’impossibilité de présenter une carte d’identité valide. Si la nouvelle loi allait retirer cette possibilité la « limite raisonnable » n’existerait plus. La semaine dernière l’Association des libertés civiles de Colombie Britannique en a appelé du jugement de la cour d’appel de la province devant la Cour suprême du Canada.

C’est un peu ironique, mais ces temps-ci, ceux et celles qui défendent les droits démocratiques sont mieux serviEs par les cours. La Cour suprême notamment a montré qu’elle pouvait faire vite quand ces droits sont en cause.

Une crise bénéfique ?

Quoiqu’il arrive, les militantEs pour la démocratie devraient envisager la crise autour de cette loi inique comme un moment utile. C’est exactement ce que les Afro-AméricainEs et les Latinos des États-Unis ont fait dans des circonstances semblables. Un Centre pour l’inclusion sociale a publié un rapport à ce sujet, c’est-à-dire l’obligation de détenir une carte d’identité valide pour voter. L’impact de ces règlements serait énorme : la moitié des électeurs-trices de couleur et âgéEs de 65 ans et plus et unE Latino sur trois auraient toutes les misères du monde à s’y conformer. Cela se passe dans 33 États américains.

Toutefois, dans certains cas cette machination pour exclure des électeurs-trices n’a pas réussi parce que de telles attaques envers des segments bien identifiés de la population a galvanisé les troupes qui se sont mobilisées et sont allé voter contre. Le gouvernement de la Floride a réduit la période de vote anticipé. Les Églises afro-américaine ont organisé des marathons de deux jours sous le thème de : « les âmes aux bureaux de vote ». Le jour même du vote qui s’est transformé en soirée de vote, (…) alors qu’il fallait encore, à onze heures du soir, 270 votes pour gagner la Présidence, les Afro-AméricainEs de comtés de Miami-Dade et Broward, qui votent majoritairement pour les Démocrates, sont restés dans les files d’attente et ont voté en nombre record comparativement à 2008.

En Caroline du nord et au Texas la même chose s’est produite : les gens que le parti Républicain visait par les lois sur l’identification pour voter se sont présentés en masse pour exercer leur droit.

Les énormes efforts que fait le gouvernement Harper pour retirer le droit de vote aux jeunes, aux itinérantEs, aux membres des Premières nations qui en général ne votent pas beaucoup, devraient et peuvent être contrés par la mobilisation de ces populations. Les organisations étudiantes, les groupes de lutte contre la pauvreté le mouvement Iddle No More et les associations de personnes âgées sont toutes indiquées pour prendre en mains cette lutte. Des groupes comme Democracy Watch et peut-être le NPD devraient les aider et les soutenir. Beaucoup dans ces populations ne trouvent plus de bonnes raisons pour aller voter ; ce geste ne change rien dans leur vie. Mais qui veut se faire dire ce qu’il doit et ne pas faire surtout quand il s’agit de ses droits. Pour les personnes visées par le retrait du droit de vote par le gouvernement Harper, la prochaine élection en 2015 pourrait bien ne porter que sur la démocratie.

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