Édition du 23 avril 2024

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Canada

Justin Trudeau dort pendant que l’Arctique fond en plein hiver

Le Premier ministre canadien devrait démissionner. En ce moment, on peut en rire tant il est étonnant de voir que le gouvernement Trudeau jouit encore d’une lune de miel exceptionnelle. Les Canadiens-nes sont encore heureux-euses du changement introduit par les « voies ensoleillées ». Pendant ce temps, les Américains-nes sont affolés-es par la perspective de vivre au moins les quatre prochaines années dans les fanges politiques et la honte.

Bill Henderson, Counter currents.org, 23 décembre 2016
Traduction : Alexandra Cyr

Mais, notre Premier ministre est un zombie. Son gouvernement a déjà fait beaucoup de torts et cela va durer. Il n’a pas fait le nécessaire face au danger le plus important que court le pays : les changements climatiques.

Ce gouvernement va détenir le pouvoir pendant encore quatre ans. Actuellement, peu de Canadiens-nes reconnaissent, se rendent compte ou sont suffisamment informés-es pour juger de la mauvaise politique qu’il a adoptée en trahissant nos engagements lors de la conférence de Paris (sur le climat). Cette politique tient dans le simple slogan : « Nous sommes de retour ». Justin Trudeau n’a pas pris les changements climatiques au sérieux, alors que l’Arctique fond en plein hiver. D’ici la fin de ces quatre ans, les changements précipités au niveau du climat avec leurs effets et les progrès de la science sur celui-ci révéleront la nullité de notre Premier ministre. Son gouvernement navigue à court terme et est centré sur ses propres intérêts et, en cela, il n’est pas différent de ceux de ces prédécesseurs, de Mulroney à Harper. Tous ont promis d’agir, mais n’ont à peu près rien fait, si ce n’est d’augmenter la production des énergies fossiles pour amener le Canada au cinquième rang des pays producteurs. La résignation et la disgrâce sont les seuls choix du gouvernement Trudeau et elles seront ses seuls legs.

Vous n’êtes pas d’accord ? Vous pensez que M. Trudeau et son gouvernement ont été des meneurs et ont fait beaucoup pour le climat ? Finalement, en cette ère post-Harper, vous croyez que nous sommes sur la bonne voie pour agir sur le climat ? Peut-être pensez-vous, avec perspicacité, qu’au cours de sa première année, ce gouvernement a normalement réussi dans une série d’enjeux importants pour les Canadiens-nes, au premier chef en économie, qu’il a un bon départ en matière de réduction de gaz à effet de serre et que nous pourrons respecter les engagements pris à la conférence de Paris ?

D’abord et avant tout, est-ce que vous mesurez l’importance des actions à prendre en regard du climat en ce moment ? Que le climat est très important, encore plus que l’économie ? Il me semble évident que J. Trudeau gouverne selon l’humeur de la population. Sa perception des dangers reliés aux changements climatiques et de ce qu’il faut faire pour en minimiser les effets maintenant est paralysée par la négation de la situation. Au Canada, comme partout en Occident, ces éléments doivent faire partie intégrante de la politique et de l’économie, en être leur clé de voute. Peut-être que les Canadiens-nes peuvent lire sur leurs téléphones intelligents que le climat est une catastrophe en développement, mais que les effets des changements climatiques peuvent être atténués tout simplement en modifiant quelque peu notre riche mode de vie. Mais nous sommes si ancrés-es dans les dettes liées à la surconsommation que nous voulons le moins de taxes possibles sur le carbone.

Les Canadiens-nes doivent savoir que, pour se protéger des effets dangereux de ces changements climatiques, la réduction des émissions de GES doit être de 100 % en 2030. Tous les pays développés doivent réduire la production d’énergies fossiles de manière globale et non seulement se concentrer sur les émissions locales comme ils le faisaient au moment de Kyoto, mais ce n’est pas possible ni politiquement ni économiquement. Le « Cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique » est donc un échec en puissance qui ne fait que nous faire perdre un temps précieux. Il faut étudier la science du climat, réfléchir à ce qui arrive dans un monde soumis au réchauffement planétaire qui file à toute vitesse et à notre incapacité historique à en amoindrir les effets correctement pour voir que ce « Cadre » n’est qu’un moyen d’augmenter les dégâts. Comme ses prédécesseurs, Messieurs Mulroney, Chrétien, Martin et Harper, J. Trudeau nous promet d’agir pour atteindre une cible plus réaliste, celle de S. Harper, soit 30 % de réduction en 2030, à partir de la situation de 2005. Il n’arrivera même pas à atteindre ce malheureux objectif.
Mais, plus les problèmes liés au climat augmentent, plus la science les comprend, plus notre chère société s’enfonce dans le déni. Comment vous le démontrer plus clairement ?

Récemment, John Holdren, conseiller en chef du Président Obama sur les questions de climat et de science, a été interviewé par Elizabeth Kolbert sur Yale 350. M. Holdren est superbement bien informé, mais comme tous-tes les autres au gouvernement, il est dans le déni total.

E.K. : Vous avez déclaré que l’objectif d’empêcher toute interférence humaine dans le système climatique est perdu. Déjà nous en sommes témoins. Mais la question demeure : pouvons-nous éviter la catastrophe ? Où se trouve la limite entre le dangereux et le catastrophique ?

J.H. : J’ai comparé la présente situation climatique à celle d’une voiture roulant avec de mauvais freins, dans la brume, pour se rendre au bord d’un précipice.
Les investissements dans les énergies sont énormes. Dans le système global des énergies, les remplacer coûterait probablement 25 mille milliards de dollars peut-être même 30. C’est un niveau d’investissements qui se fait généralement sur une période de 30 ou 40 ans. C’est la durée de vie moyenne des installations dans ce genre d’industrie, soit les raffineries, les oléoducs, les usines et les puits de forage. Vous ne pouvez pas changer 25 mille milliards de dollars d’investissements du jour au lendemain. Nous avons donc une énorme masse d’inertie stockée dans ce système. Ce sont les freins défaillants de notre voiture. Nous ne savons pas où se trouvent les points de non-retour qui peuvent nous mener à la catastrophe ; c’est la brume dans laquelle nous avançons. Et nous ne comprenons qu’une petite partie de la manière dont tous les éléments peuvent interagir.

E.K. : Est-ce que cela ne nous suggère pas que nous n’avons pas 30 ans pour corriger la situation ?

J.H. : Je ne suis pas en train de dire qu’on est dans la bonne direction en continuant comme si tout était normal, était comme avant. Nous ne sommes pas dans la normale. Nous avançons plus vite pour corriger la situation. Nous fermons des centrales au charbon. La Chine ferme de ces centrales à une vitesse qui était inimaginable il y a seulement quelques années. On le voit dans les données sur le climat, les données sur les émissions (de gaz à effet de serre). Nous ne faisons pas comme si de rien n’était. Mais quoi que nous fassions, nous ne pouvons pas changer la situation du jour au lendemain.

Tout au long de cette entrevue, J. Holdren répète : « Nous allons encore utiliser des énergies fossiles pour un bon moment ». Les Albertains- es entendent ce mantra constamment. Le climat doit s’ajuster à la rigidité de la politique et de l’économie, données qui ne doivent pas changer, demeurer réalistes et ne pas être mis au défi. Nous sommes déjà profondément enfoncés-es dans de dangereux changements climatiques, peut-être même à un point de non-retour catastrophique. Nos efforts d’amoindrissements des effets doivent s’inscrire dans la politique du possible, dans notre système politique et économique qui n’admet que l’augmentation des changements définis par les lois du marché.

Et si on laissait ces énergies dans le sol ? Réponse de M. Holdren : « Pour répondre à cette question, il faut considérer les aspects du court et du long terme. À court terme, on ne peut les laisser dans le sol. Les États-Unis et le monde dépendent encore à 80 % et plus des énergies fossiles pour les besoins de base. Comme je l’ai déjà dit, les capitaux investis dans ce système énergétique ne peuvent être déplacés en un tour de main. À quelqu’un-e qui dit de laisser tout cela dans le sol, dans le sens de le faire tout de suite, je réponds que ça n’est pas faisable. Mais si cela veut dire laisser dans le sol ce que nous ne devrions pas brûler pour maintenir le climat dans des niveaux acceptables, c’est différent. Il y a des études sérieuses qui montrent que si on brûle toutes les énergies fossiles qui existent, la banquise du Groenland et de l’Arctique fondrait et provoquerait une hausse des mers de 60 à 70 mètres. Je suis d’accord pour qu’on laisse ces énergies dans le sol à long terme. Nous devrons en laisser beaucoup dans le sol sinon, comment les brûler et remettre ensuite le CO2 dans le sol ?

Ce n’est donc pas pour aujourd’hui. Pas la moindre indication que des règles pourraient être introduites pour diminuer immédiatement la production, tout en continuant d’utiliser une partie de ces énergies pour un certain temps puisque ça ne serait pas possible (d’arrêter d’un seul coup). Ce qui nous empêche d’arrêter d’utiliser des énergies fossiles, c’est le cadre économique et politique dans lequel nous vivons où celles-ci sont les clés de voute de tout le système. Ce n’est pas possible parce que le rêve américain n’est pas négociable, parce que (la protection) du mille feuille d’investissements qui s’étend dans le futur est sacro-sainte et que ceux et celles qui détiennent le pouvoir dans le monde en ce moment refusent même de considérer la possibilité de laisser ces énergies dans le sol. Je dirais même qu’indirectement nous sommes aussi responsables parce que nous sommes si dépendants-es de la poursuite de l’expansion économique.

Nous sommes dans la négation.

Nous avons profondément intégré que nous sommes devant des changements climatiques dangereux et, en même temps, nous avons aussi intégré l’idée que nous pouvons éviter la catastrophe. Nous en concluons que nous pouvons nous fier au calendrier d’actions d’amoindrissement d’ici 2050. Nous refusons d’examiner notre luxueux mode de vie et l’empreinte écologique qu’il laisse. De même, nous refusons de considérer le niveau de réduction des émissions de GES qu’il serait possible d’introduire si nous étions vraiment sérieux-ses à propos du climat et de nos responsabilités envers les générations à venir. Nous refusons de voir les changements climatiques comme une possible urgence qui imposerait des gestes urgents parce qu’ils ne peuvent avoir lieu dans le système politico-économique dans lequel nous vivons.
Nous sommes dans le déni.
Il n’existe pas de possibilités effectives d’amoindrissement des changements climatiques sans le leadership américain. Toute la rhétorique du Président Obama, au long de son administration, n’a donné que 5 à 7 % de diminution des GES (aux États-Unis) et cela a été possible grâce au remplacement du charbon par le gaz naturel (pour produire l’électricité), à la récession économique et à la délocalisation des entreprises grandes productrices de GES. L’administration Obama a cherché à étendre autant que possible la production des énergies fossiles partout où c’est possible, sauf pour les forages en Arctique en toute fin de mandat avec des contraintes peu convaincantes. Nous sommes profondément enfoncés-es dans les dangereux changements climatiques et nous nous demandons si nous pouvons éviter la catastrophe…
James Hansen n’a donné qu’un D à l’administration Obama pour sa gestion des changements climatiques.

M. Obama va bientôt partir, mais le Premier ministre Trudeau sera toujours là quand la réalité nous obligera à sortir de la négation. Il faudra bien qu’il nous explique pourquoi lui et son gouvernement n’ont pas agi dans l’intérêt de la population canadienne, et ce, quand ils détenaient un certain leadership en matière de changements climatiques et un fort mandat de l’électorat canadien. Pour M. Trudeau, la question du climat est un enjeu parmi d’autres et, comme ses prédécesseurs, il ne fait que reporter le problème plutôt que d’introduire les mesures nécessaires comme imposer une baisse de la production du pétrole issu des sables bitumineux et refuser l’installation de nouvelles usines de liquéfaction du gaz naturel en Colombie-Britannique. Les leaders dans la lutte contre les changements climatiques ne construisent pas d’oléoducs. Si vous prétendez être sérieux devant le monde entier réuni à la Conférence de Paris en ce qui concerne le climat, que vous promettez d’avoir du leadership et qu’ensuite vous échouez parce que vous avez besoin des revenus et des emplois générés par l’exploitation extensive des énergies fossiles, vous devriez démissionner avec toute la disgrâce que cela comporte.

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