Édition du 7 mai 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

La dette n’est pas neutre du point de vue du genre

tire de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Samedi 14 janvier 2017

Compte-rendu de l’atelier « Face au capitalisme et au patriarcat : quelles luttes et stratégies des femmes ? »

Christine s’est ainsi intéressée à la situation européenne et a montré à quel point la dette est un obstacle colossal à l’égalité hommes-femmes.

Christine Vanden Daelen : .

En effet, les mesures macro-économiques qui lui sont associées sont sexuées. Partout, elles imposent les pires régressions sociales aux populations les plus fragilisées, les plus pauvres, et donc majoritairement aux femmes (les femmes composent 70% de la population considérée comme pauvre). Elles leur font payer les effets d’une crise profonde dont ils et elles ne sont en rien responsables. Au nom de l’austérité, on assiste à des privatisations, des libéralisations, des coupes dans la sécurité sociale… qui attaquent les droits des femmes, accentuent leur pauvreté et sapent les acquis féministes. Ainsi, lutter pour l’émancipation des femmes implique nécessairement de lutter contre la dette.
La dette a des impacts spécifiques sur les femmes :

Elle détruit leur emploi rémunéré : partout le chômage des femmes augmente. Cet impact sexuellement différencié de la crise sur l’emploi est révélateur de la prégnance d’une segmentation professionnelle qui confine les femmes dans des ghettos d’emplois féminins souvent précaires. Le chômage moyen des femmes est de 9,7 % en Europe. Dans les pays les plus touchés par la dette, la situation est encore plus critique. Ainsi, en Grèce le taux de chômage des jeunes femmes atteint 55,9 %. Par ailleurs, les taux de chômage ne prennent pas en compte les temps partiels (qui sont à 80 % occupés par des femmes).
La dette diminue les revenus des femmes : le système dette détruit le fonctionnariat or deux tiers des emplois publics sont occupés par des femmes. Dans les pays où il y avait une différence d’accès à la retraite entre les sexes, l’âge de la pension pour les femmes est constamment retardé. Les retraitées européennes deviennent l’un des groupes les plus exposés au risque de pauvreté. De plus, l’écart salarial, qui est de 22 % en moyenne en Belgique, augmente partout en Europe.

La dette démantèle l’État social, la protection sociale. Ces coupes affectent particulièrement les femmes dans la mesure où, parce qu’elles assument encore majoritairement le rôle de responsables principales de la famille et sont plus précaires financièrement, elles sont plus dépendantes des allocations sociales que les hommes. Par ailleurs, les politiques d’égalité hommes-femmes sont désormais présentées comme un luxe réservé uniquement aux périodes de croissance économique. Notons aussi que le déclin des services publics oblige les femmes à réduire, voire à supprimer, leur temps de travail rémunéré et ainsi à perdre leur autonomie financière.
Face à ces attaques contre l’État social, les femmes - via une augmentation de leur travail non rémunéré et invisible - doivent prendre en charge les tâches de soin et d’éducation délaissées par la fonction publique. Deux domaines sont particulièrement concernés : la santé et l’éducation. En tant que travailleuses majoritaires dans ces deux secteurs (deux tiers des effectifs de l’éducation, de la santé et des services sociaux sont féminins en Europe), elles sont les premières touchées par les pertes massives d’emplois et leurs conditions de travail se dégradent.

Notons enfin que l’austérité démantèle le droit du travail et les droits syndicaux : le travail flexible et précaire des femmes devient partout la norme plutôt que l’exception. On assiste à l’introduction dans le secteur formel de pratiques habituellement liées au secteur informel et qualifiées de « modèle féminin » susceptibles d’augmenter la compétitivité des entreprises. Les travailleuses européennes ont en outre à faire face à une augmentation des procédures illégales à leur égard, en particulier lorsqu’elles sont enceintes ou après un congé de maternité.

Tous ces mécanismes entraînent une usure généralisée des femmes. Or, alors qu’elles en supportent les pires conséquences, les femmes n’ont à payer aucune dette de quelque nature soit-elle. Ce sont elles les véritables créancières tant au niveau national qu’international. Elles sont titulaires d’une énorme dette sociale. Sans leur travail gratuit de production, de reproduction et de soins aux personnes, nos sociétés péricliteraient tout simplement. Il n’est dès lors nullement un euphémisme de déclarer que l’illégitimité de la dette publique est encore plus criante lorsqu’on est une femme !

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