Monsieur le Président, excellences, distingués délégués,

La délégation haïtienne est très honorée de prendre la parole dans le cadre de cette réunion commémorative de l’abolition de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves autour du thème : combattre l’héritage raciste de l’esclavage par l’éducation transformatrice. Ma délégation souscrit à la déclaration faite le Représentant permanent de la Barbade à l’ONU au nom de la communauté des Caraïbes (CARICOM).

Cette commémoration demeure fondamentale pour Haïti qui a montré au monde entier le chemin de l’émancipation du système esclavagiste. Par sa révolution, Haïti a donné un sens à la notion de la liberté, d’égalité et de la dignité de la personne humaine qui constitue le socle et la dimension ontologique des droits de l’homme. Cette rencontre nous permet, d’une part, d’honorer la mémoire des millions de personnes qui ont souffert et qui sont mortes sous le joug de l’esclavage et, d’autre part, de célébrer la lutte menée par les révolutionnaires haïtiens pour saper les fondements du système esclavagiste et ceux qui ont suivi cette voie.
Monsieur le président,Haïti, comme tous les pays du monde, a un passé, un présent et, bien sûr, un avenir. Aujourd’hui, cette commémoration nous donne l’occasion de faire un retour sur le passé d’Haïti. Je dirais, sa glorieuse histoire. Pour beaucoup d’entre vous, le nom d’Haïti renvoie peut-être ou surement à l’image de la pauvreté, de crises politiques chroniques, de catastrophes naturelles ou des clichées misérabilistes, mille fois répétés dans les médias occidentaux qui ne s’intéressent à Haïti que dans ces circonstances difficiles, quand tout va mal dans le pays.

Comme le rappellent les intervenants qui m’ont précédé, l’esclavage est un système qui a profondément marqué l’histoire de notre monde. Pendant plus de quatre siècles, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été arrachés de leur terre natale, vendus comme du bétail et forcés de travailler dans des conditions inhumaines. Ils ont subi les pires sévices, séparés de leur famille et de leur culture, et ont été privés de tout droit et de toute liberté. Il est évident que la Réduction en esclavage reste et demeure l’un de crimes les plus graves de l’histoire de l’humanité.

Il est important de rappeler que le système esclavagiste était fondé sur des idéologies racistes et criminelles véhiculées par des philosophes du siècle des Lumières qui ont affirmé haut et fort, la thèse de la supériorité de la race blanche sur les autres races humaines, notamment la race noire.

Cette conviction inhumaine a servi de fondement ou d’instrument de légitimation de l’esclavage comme étant une institution sacrée qui a même reçu la bénédiction de l’Église catholique. Une telle monstruosité légitimée par le code noir qui a fait de l’esclave un bien meuble a malheureusement duré des siècles.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, distingués déléguésLa révolution haïtienne a été une lutte acharnée contre la domination coloniale française. Les esclaves ont mené une guerre de libération qui a duré plus de dix ans, avec des milliers de morts de chaque côté. Cette lutte a finalement abouti à l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, et a montré au monde que les esclaves pouvaient se libérer de leur propre chef. Cette Révolution a eu une portée historique majeure, à la fois pour Haïti et pour le monde entier. Elle a été la première révolte d’esclaves réussie de l’histoire moderne, aboutissant à la création d’un État indépendant dirigé par des anciens esclaves africains.

Ainsi, la Révolution haïtienne constitue un tournant majeur dans la lutte contre la servitude. Elle est la seule au monde à être à la fois antiségrégationniste, antiesclavagiste et anticolonialiste.

Les esclaves ont montré que les opprimés peuvent vaincre leurs oppresseurs. Cette victoire haïtienne a inspiré de nombreux mouvements de libération nationale et de lutte contre le colonialisme à travers le monde notamment, en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ils ont donc montré que les droits de l’homme ne doivent pas être subordonnés à la couleur de la peau.

Donc, la consécration d’Haïti comme première République noire du monde constitue une rupture épistémologique par rapport au cadre dominant de la suprématie de la race blanche. Elle a mis fin à tout un système d’exploitation fondée sur le racisme et la discrimination raciale pendant des siècles.

Le monde entier a une dette même morale envers Haïti d’avoir été ce que l’Abbé Grégoire appelle : « un phare élevé au milieu de la mer des Antilles vers lequel les maitres et les esclaves tournent leurs regards, les uns en rugissant, les autres en soupirant ».
Monsieur le président, Aujourd’hui, l’impact de l’esclavage est perceptible dans de nombreux pays, où les inégalités et les discriminations persistent. Mais nous ne devons pas oublier que ce sont les peuples opprimés eux-mêmes qui ont mené la lutte pour leur propre libération.
L’histoire nous montre des exemples inspirants de courage et de résilience, comme la révolution haïtienne, qui a été la première et seule révolution d’esclaves à réussir à abolir l’esclavage et à établir un État indépendant.

En conclusion, les séquelles du système esclavagiste sont encore présentes dans nos sociétés. Il nous reste beaucoup à faire pour éradiquer les inégalités économiques, sociales et politiques qui persistent encore pour les populations afro-descendantes.

Haïti est très fière d’avoir été un leader dans la lutte contre l’esclavage et l’oppression. Elle réaffirme sa ferme volonté de continuer de jouer pleinement son rôle dans la construction d’un monde plus juste et plus équitable pour tous. Nous devons lutter ensemble contre toutes les formes de discrimination raciale, de racisme et d’oppression afin de créer un monde où chaque personne est respectée et valorisée, indépendamment de sa race, de sa religion et de son sexe.

Je vous remercie de votre précieuse attention.

Wisnique Parnier, Ministre Conseiller
Smith PRINVIL