Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Analyse politique

L'antagonisme fédéralisme indépendance : bientôt un nouveau rebond ?

On peut se poser la question au vu des événements des dernières semaines. Tout d’abord le chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) a étoffé son discours et a remis la question du statut du Québec (en fait celle de la souveraineté) à l’ordre du jours au cours de son vigoureux discours d’il y a trois semaines. Il a même promis de tenir un troisième référendum sur la souveraineté si le parti qu’il dirige accédait au pouvoir. Mais surtout, ce qui inspire le plus les cadres et responsables, c’est qu’il connaît une remontée que même les observateurs les plus perspicaces et les indépendantistes les plus enthousiastes ne pouvaient prévoir voici à peine quelques années encore.
Par ailleurs, la tranquille assurance (que certains qualifieraient d’arrogance) des libéraux fédéraux commence à s’en trouver fissurée. On ne se rend pas toujours assez compte que depuis l’échec du référendum d’octobre 1995, le point du vue trudeauiste sur le Canada a triomphé. Même si Justin Trudeau n’a conquis le pouvoir qu’en 2015, il a consolidé encore davantage les vues de son défunt père dans la capitale fédérale. Pierre Élliott Trudeau (PET) a laissé un héritage intellectuel anti-nationaliste québécois qui a marqué à divers degrés l’ensemble de la classe politique à Ottawa, sauf le Bloc québécois bien entendu et ce, en dépit de la vaine et modeste tentative des conservateurs de Brian Mulroney (fin de la décennie 1980 et début de la suivante) de "réintégrer dans l’honneur et l’enthousiasme" le Québec au sein de ce qui est erronément nommé la "Constitution" canadienne, en vigueur depuis 1982.
Un exemple caricatural : le proclamation à tout vent de Justin Trudeau que le Canada est un "État post-national". Il rejoint et prolonge ainsi l’idéologie multiculturaliste de son père pour qui le Canada était pour l’essentiel formé d’un ensemble de minorités, dont la plus importante sur le plan numérique est celle des "Canadiens-français". Cette position intransigeante niait la théorie des deux nations sur laquelle s’appuyait le mouvement souverainiste.
Lors d’un débat durant les années 1970, à Trudeau qui défendait bec et ongles son opinion, le syndicaliste Michel Chartrand avait répondu, cinglant :
"Ici, c’est un pays, pas une aérogare".
Les premiers ministres québécois qui se sont succédé, depuis Lucien Bouchard (1996-2001) et Bernard Landry (2001-2003), ont tous adopté une attitude "low profile" sur la question des revendications constitutionnelles du Québec, sauf Pauline Marois (septembre 2012-avril 2014), mais son bref passage à la tête du gouvernement ne lui a guère permis de laisser une empreinte profonde sur cette dimension de notre existence collective. Paul Saint-Pierre Plamondon partait donc de loin et de creux lorsqu’il a pris la direction du PQ le 9 octobre 2020 avec un ferme discours souverainiste.. Au scrutin de 2022, bien des analystes politiques donnaient le parti fondé par René Lévesque pour moribond. Or, de 9% d’intentions de vote au déclenchement de la campagne électorale, le Parti québécois a presque rejoint Québec solidaire en terminant la course électorale à 14%. Au dernier sondage en date, il a grimpé à 34%, Québec solidaire devant se contenter de 18%.
Pour la première fois depuis belle lurette, le multiculturalisme "canadian" et sa version canadienne-française sont attaqués de front et on recommence à parler sans complexe de la nation québécoise et de son droit à l’autodétermination.
Pour les jeunes d’aujourd’hui qui n’étaient pas nés en 1995, il s’agit d’une découverte. Se rallieront-ils à l’indépendance comme ce fut le cas pour une bonne partie de leurs aînés ? Ça reste à voir, mais le mouvement indépendantiste paraît relancé.
Québec solidaire, lui, affiche sa souveraineté plus qu’avant afin de ne pas abandonner le terrain souverainiste au Parti québécois. Mais outre que les motifs initiaux de sa fondation en 2006 sont d’ordre socio-économiques (lutter contre le rétrolibéralisme) plus que nationalistes, en termes d’intentions de vote le Parti québécois devance nettement le parti de la gauche sociale depuis 2023. Il poursuit sa remontée. La formation de Paul Saint-Pierre Plamondon a pris du galon alors que son rival solidaire piétine et peine à élargir sa base électorale. Il partage aussi avec les libéraux quelques éléments du multiculturalisme. Son opposition à la loi 21 en constitue la plus éloquente démonstration.
Il faut souligner toutefois qu’indépendantisme ne rime pas avec xénophobie. Les membres de ce courant reconnaissent qu’il existe deux nations (trois avec les Amérindiens et Amérindiennes). Les nouveaux venus (les néo-Québécois) sont invités à s’intégrer à la nation québécoise, même s’ils peuvent conserver certaines de leurs moeurs et croyances, ce qui n’a rien de commun avec le multiculturalisme à la Trudeau. L’intégration complète à la société d’accueil se fait en général à la seconde génération dont les membres sont nés ici ou sont arrivés très jeunes chez nous.
Le "trudeauisme" est une imposture que la moindre étude sociologique réduit en miettes.
Parlera-t-on bientôt d’un "régime post-libéral" à Ottawa ?

Jean-François Delisle

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