Édition du 30 avril 2024

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Cultures, arts et sociétés

ACTA, une leçon à apprendre

Martin Schulz préside le Parlement européen. Figure du SPD et de la social-démocratie allemande, il se réjouit du « moment important pour la démocratie européenne » qu’a constitué le rejet d’ACTA. Article tiré du site de Médiapart (http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/100712/acta-une-lecon-apprendre).

Le rejet du traité International ACTA (Accord commercial international pour lutter contre la contrefaçon) par le Parlement européen est un moment important pour la démocratie européenne. Rarement un débat fut aussi intense sur un traité international, rarement tant de citoyens, dans l’Europe entière et au-delà, y ont pris part.

Le traité ACTA, qui vise à lutter contre la contrefaçon et à protéger la propriété intellectuelle à l’échelle internationale, a été négocié par un groupe de pays industrialisés selon une procédure qui a suscité des préoccupations et l’opposition dans la société civile de par son manque de transparence. Au Parlement européen, nous avons tenté de remédier à cette lacune. Au cours des quatre derniers mois, nous avons accueilli et organisé d’innombrables réunions, auditions, ateliers, discussions en ligne avec des représentants de la société civile et d’autres intervenants pour s’assurer que toutes les opinions puissent être entendues. En tant que président du Parlement européen, j’ai à plusieurs reprises eu l’occasion de débattre d’ACTA que ce soit face-à-face ou par écrans interposés.

La mobilisation de masse sur cette question a abouti à une pétition adressée au Parlement européen, signée par plus de 2,8 millions de citoyens. Leur engagement démontre que l’opinion publique européenne existe et qu’elle est active au-delà des frontières nationales. Personnellement, j’ai beaucoup appris de cet échange intense, transparent et respectueux des opinions de chacun. À l’ère d’Internet, un nombre croissant de citoyens se joignent au débat sur notre avenir commun et se rendent compte qu’ils peuvent influencer directement la politique. Cette communication est vitale pour une institution législative multinationale telle que le Parlement européen.

Le vote contre ACTA n’est pas un vote contre la protection de la propriété intellectuelle. Au contraire, le Parlement européen soutient énergiquement la lutte contre la contrefaçon qui porte préjudice aux entreprises européennes et constitue une menace pour les consommateurs et les emplois en Europe. Si la question était seulement de protéger les marchandises, les vêtements ou les médicaments, je suis certain qu’aucun de mes collègues ou moi-même n’aurions pu nous opposer à l’accord.

Mais la majorité des députés européens pensent que ACTA est la mauvaise solution pour lutter contre le piratage en ligne, sentiment partagé par de nombreux citoyens. La majorité au Parlement est d’avis qu’ACTA est trop vague, autorisant des abus et créant des inquiétudes quant à son impact sur la vie privée et les libertés civiles, sur l’innovation, la créativité et la libre circulation de l’information. La protection de la propriété intellectuelle pour les producteurs européens est cruciale. Nous espérons par conséquent, que la Commission européenne présentera de nouvelles propositions pour protéger la propriété intellectuelle.

Entretemps, quelles leçons pouvons-nous tirer d’ACTA ?

Premièrement, le Parlement européen a une longue tradition dans la défense des libertés individuelles et les droits fondamentaux, et les citoyens de l’Europe peuvent compter sur nous, élus européens, pour les défendre. Internet est et deviendra de plus en plus un terrain pour la défense et la réglementation des libertés civiles au XXIe siècle. ACTA n’est pas le première ni la dernière fois que l’UE est appelée à légiférer dans un domaine nouveau mais également fascinant. Nous devons prendre toutes les mesures possibles pour lutter contre la piraterie, mais cela ne devrait jamais être fait au détriment de ce qu’a apporté Internet, une des technologies les plus révolutionnaires de l’histoire : le Parlement européen désire que le réseau demeure libre et ouvert.

Deuxièmement, les citoyens européens veulent donner leur avis, participer et être impliqués dans les décisions qui concernent l’Europe. L’implication, l’ouverture, la transparence et les débats controversés sont cruciaux pour la vie démocratique de l’Union européenne. Le Parlement européen est le lieu où ces débats doivent avoir lieu et où la volonté des citoyens est représentée. Le Parlement européen est la force protectrice de la démocratie que chacun devrait prendre en compte.

Martin Schulz

préside le Parlement européen. Figure du SPD et de la social-démocratie allemande

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