Édition du 23 avril 2024

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Justice

Affaire Normandeau : une justice digne d’Haïti

Je dois vous avouer écrire ce texte sur le coup de la colère et de l’indignation.

Le 9 janvier dernier, une émission de la populaire série Enquête à Radio-Canada m’avait interpellé. Cette émission dénonçait le climat de complète impunité qui règne au sein des milieux politiques et autres classes influentes près du pouvoir haïtien. On y pointait l’incapacité pour le système judiciaire d’en arriver à la moindre condamnation face aux multiples scandales de corruption qui ont frappé, depuis plusieurs décennies, ce petit pays des Caraïbes, en raison du manque de volonté des dirigeants du système, de son opacité, et de la corruption institutionnalisée dans ce pays. Je me souviens de m’être dit, plus ou moins sérieusement, en regardant ce reportage à l’époque que « bref, c’est un peu comme le système de justice du Québec ».

Au moment d’écrire ces lignes, je viens d’apprendre la décision de la fin des procédures judiciaires dans les dossiers de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et de leurs coaccusés. Comme par hasard, cette nouvelle est annoncée un vendredi. Je suis indigné. Indigné oui, mais nullement surpris. Pour vous dire vrai, il y a déjà un certain temps que je ne crois plus du tout au système de justice, québécois ou canadien. Il m’apparaît évident, tout comme en Haïti, que certains de nos concitoyens sont désormais considérés comme des intouchables par notre système de justice.

Quand cette classe d’intouchables ne bénéficie pas d’un arrêt Jordan - qui semble avoir été inventé spécifiquement pour que les procès en lien avec la commission Charbonneau n’aient jamais lieux - ils sont tout simplement acquittés par la cour. Ou bien c’est le DPCP qui s’en charge, leur retirant une à une toutes les charges d’accusation qui pesaient contre eux jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Ou encore ils plaident finalement coupable à des accusations réduites et reçoivent des sentences bonbon. Bref, rien pour donner confiance au citoyens que nous sommes tous égaux devant la Loi. Nous ne le sommes pas. Il semble clairement y avoir une Loi pour les intouchables et une autre pour le reste des citoyens.

On se souvient hélas encore de la commission Bastarache sur la nomination des juges, où on apprenait que les juges étaient nommés à l’aide d’un système de post-it en fonction de leur allégeance politique. Difficile de croire ensuite à la probité du système judiciaire. Difficile de croire que ces décisions d’acquittements ou de non-lieux des juges se font sur la base du droit, et non du copinage. Notre système judiciaire donne l’impression d’être corrompu de la moelle épinière jusqu’aux ongles d’orteils.

Malheureusement, le système policier ne semble guère mieux. Comprenez-moi bien, je crois qu’il y a un tas de policiers qui font un excellent travail au Québec, des policiers qui se battent pour faire remonter tous ces scandales de corruption que l’on entrevoit. Mais ils se buttent à un mur. Le problème c’est que, de plus en plus, on fait face à ce qui me semble être un système de police politique au Québec. À chaque fois qu’un gouvernement change, on voit les dirigeants des grandes organisations policières qui changent aussi. Et on sent que ces dirigeants sont là uniquement pour mettre un couvercle sur la marmite quand des enquêtes de leurs propres policiers deviennent gênantes pour le pouvoir.

Le meilleur exemple est l’UPAC et son enquête Mâchurer, cette enquête sur Jean Charest et Marc Bibeau qui a commencé en 2014 et n’est toujours pas terminée aujourd’hui. Et sincèrement,tout le monde sait qu’elle ne débouchera jamais. Pourquoi ? De deux choses l’une : soit on a choisi tous les policiers les plus incompétents pour faire cette enquête, soit il y a un blocage au niveau des dirigeants de l’UPAC. Je privilégie cette dernière option. Je n’ai plus aucune confiance envers cette unité de police corrompue et discréditée.

Je n’ai plus confiance ni en notre système policier, ni en notre système judiciaire, pour que les citoyens du Québec obtiennent justice un jour. Je trouve que le sujet de l’impartialité et de l’indépendance de notre système judiciaire mériterait plus d’indignation de notre part, en tant que citoyens. C’est un sujet de la plus haute importance, si nous ne voulons pas réellement que notre système judiciaire ressemble à celui d’Haïti un jour…
Le tout en attendant la fin des procédures contre Jean Charest bien évidemment.

Carl Lévesque, j’ai été quatre fois candidat de Qs dans la circonscription de Marie-Victorin. J’ai aussi déjà fait le tour du monde pendant un peu plus d’un an et j’ai été bénévole dans un camp de réfugiés syriens. Je suis aussi chroniqueur politique et environnement à la radio du fm 103.3

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