Édition du 7 mai 2024

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Politique québécoise

Forum populaire sur la grève sociale

Allocution de Jean Poirier président du syndicat des employés d’Aveos (AIMTA-FTQ)

Samedi le 26 mai dernier avait lieu un intéressant débat au cabaret du Mile-End organisé par le SETUE sous le format d’un Forum populaire sur la Grève sociale. Le comité organisateur appelait à un moment de réflexion sur notre apport à la grève sociale. Parmi les principaux invité-e-s notons Alain Duguay du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) Montréal, Jean Poirier, président général du syndicat des machinistes représentant les employés d’Aveos,d’ Air Canada et d’ Air Transat, , Serge Gélinas secrétaire-trésorier des employés d’Air Canada, et Adrienne Gibson permanente syndicale de l’AFPC et responsable de la négociation des employé-e-s de l’Université McGill membres du syndicat MUNACA.

Les présentations ainsi que les discussions qui ont suivi ont permis de mettre en lien différentes négociations qui ont joué un rôle clé et de tenter de tirer des leçons pour l’unification des luttes. Le collectif d’organisation avait produit un cahier de discussion qui reprenait différents textes publiés par divers personnes et organismes. Le dernier éditorial de Presse-toi à gauche en faisait partie.

Nous publions un compte-rendu de l’allocution de Jean Poirier Poirier président général du syndicat des machinistes (AIMTA-FTQ)

En 2003 Air Canada s’est placé sous la protection de la faillite. Robert Milton le président d’Air Canada a alors demandé des concessions aux employés, soit un gel des salaires pendant plus de dix ans et le nivellement des avantages sociaux au niveau du code canadien du travail c’est-à-dire au minimum. Ce qu’il n’avait pas vendu aux employés c’était son plan de démantèlement. Ce qu’il y avait dans son plan c’était la vente des unités d’entreprise, pas sauver Air Canada. C’était de prendre les centres de révision et d’entretien d’Air Canada qui valaient au-dessus de $800 millions, qui ont été vendus, de prendre une compagnie comme Jazz Aviation vendue plus de 1 milliard et le système Aéroplan vendu plusieurs milliards de dollars. En 8 ans les actionnaires de Ace aviation, maison mère créée par Robert Milton, se sont mis plus de 5,8 milliards de dollars dans les poches. Est-ce que cet argent a été retourné afin de sauver la compagnie Air Canada ? Est – ce que c’ était pour sauver les emplois ? Ou aux employés pour améliorer les conditions de travail ? Non. Le plan était de démanteler la compagnie et d’ enrichir les actionnaires.

Le syndicat n’avait rien vu venir en 2003 parce que les services techniques d’AC appartenaient à AC. C’est lorsque la vente été effectuée en 2007 que le syndicat s’est réveillé et a vraiment réalisé que la direction d’Air Canada voulait délocaliser notre travail. Puis on a eu Charam Bourouri de Nortel , le nouveau président d’AC services techniques. Il ne pouvait même pas voyager aux EU parce qu’accusé de fraude chez Nortel. Il a dit : "préparez-vous parce qu’on achète les installations au El Salvador et votre révision générale au niveau des avions va s’en aller là-bas". On a donc décidé de nous battre à partir de ce moment. Pendant des années jusqu’en 2010 on s’est battu devant les tribunaux. Au niveau du Conseil canadien des relations industrielles(CCRI) et au niveau de la cour supérieur pour ainsi empêcher le transfert des employés. Il ne faut pas oublier que malgré le fait que la maintenance avait été vendue en 2007 ces employés sont restés employés d’Air Canada jusqu’en 2011.

Jusqu’à temps que Élizabeth McPherson (présidente du CCRI) aie rendu un jugement qui a dit OK on transferre les employés dans une nouvelle unité d’entreprises et ne seront plus des employés d’ Air Canada mais bien d’ AVEOS . Donc, la compagnie a été vendue en 2007 mais les employés ne sont pas devenus des employés d’Avéos avant 2011. On a travaillé au niveau fédéral avec les partis d’opposition, le BLOC le NPD et les Libéraux afin de faire appliquer une loi dont le gouvernement fédéral est responsable. Il faut se battre au niveau politique, il faut aller chercher des alliés il faut que ça crie. Les étudiant crie présentement et c’est excellent, c,’est la façon de ce faire entendre.

En juillet 2011 donc, lorsque les employés ont été transférés à AVEOS, on savait que les dés étaient pipés. Huit mois plus tard on mettait la clé dans la porte, le but de ça c’était de délocaliser les emplois qui étaient censés être l’avenir du Québec. On a mis plus de 2600 employés dehors. Par deux occasions nous sommes allé devant le comité des transport pour faire respecter une loi fédérale, une loi sous le sceau de la reine, qui dit clairement que les centres d’entretien et de révision qui appartenaient à Air Canada se devaient d’être maintenus dans 3 villes, Montréal, Winnipeg et Toronto. Aujourd’hui cette loi-là est bafouée.

On est allés devant le comité des transports, on a fait la preuve et le gouvernement conservateur qui est la police de cette loi-là se fout de nous. Autant la police doit arrêter des voleurs de banque, autant le gouvernement conservateur devrait dire qu’Air Canada est hors-la-loi. Mail il ne le fait pas. Aujourd’hui on voit que les conservateurs couchent avec une grande corporation, Air Canada et ils ont laissé partir des milliards de dollars au niveau des actionnaires, milliards qui se sont peut-être retrouvés en dehors du pays.

L’ancien premier ministre du Québec Pierre-marc Johnson était supposé faire avancer le Québec et se graisse présentement les poches avec un gars comme Robert Milton. Quand les employés ont été mis dehors on a changé notre stratégie. On s’est dit au lieu d’aller voir tout de suite le gouvernement fédéral qui est responsable de cette loi-là, on va faire bouger du monde. La journée où les emplois ont été perdus, on a débarqué à la mairie de Montréal. On est allés challenger monsieur Tremblay là-dessus. Il s’était allié avec les maires des 2 autres villes et a envoyé une lettre à Harper pour l’inciter à respecter sa loi. Ça faisait déjà plus d’un an qu’on travaillait au niveau provincial, le PQ et Nicolas Girard en particulier. On est allés chercher une motion unanime du gouvernement afin que le gouvernement intente des poursuites juridiques contre Air Canada et le gouvernement conservateur. Le gouvernement provincial est présentement en cour sur cette question contre Air Canada. Après ça on s’est adressé au gouvernement fédéral et il se fout royalement de nous et surtout du Québec. Par contre quand on voit des soulèvements des employés de Winnipeg et du reste du pays, on sait qu’ on doit continuer et que ceci pourra faire mal à ce gouvernement.

Il y a plus de 100 investisseurs prêts à acheter la maintenance, mais ils ont besoin de garanties de contrat avec Air Canada. Et AC n’est pas prêt à garantir les contrats travail. La compagnie préfère envoyer l’entretien à Air France, où les conditions de travail sont plus élevées. Elle est prête à payer plus cher pour la maintenance au lieu de faire rentrer les travailleurs ici. Air Canada ne semble pas prêt à suivre son plan avec le El Salvador peut-être à cause de la pression au Canada. Ceci par contre est juste une question de temps.

Alors il faut se mobiliser, peu importe qu’on soit FTQ ou CSN il faut être ensemble et aller se battre ensemble. Si on reste séparés, après Air Canada ce seront les employé-e-s de Postes Canada qui vont payer, ensuite ceux de la fonction publique, puis les étudiant-e-s. Il faut qu’on se batte ensemble.C’ est une question de survie entre la classe ouvrière et les riches actionnaires qui ne pense qu’ au profit à court terme au détriment du peuple.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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