Édition du 30 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

Apartheid – le mot qui manque à Aluf Benne

Aluf Benne [rédacteur en chef du quotidien Ha’aretz] a bien analysé dans ce journal l’autre jour les cent premiers jours du premier minister Naftali Bennett. Contrairement à la secte « tout sauf Nentanyahu », qui ne cesse d’admirer le changement stylistique que Bennett a apporté (comment il complimente ses ministres et comment on n’entend pas les membres de sa famille), Benne a minimisé à juste titre l’importance du style, qu’on commente maintenant avec extase, et est allé droit au but : Bennett « galope doucement et résolument vers un État unique avec les millions de ressortissants palestiniens. »

19 septembre 2021 | traduit du journal Ha’arretz par David Mandel | Photo de Naftali Bennett

Mais ce n’est pas seulement « un État » que Bennett est en train d’établir. Il établit un État d’apartheid. Ce mot, apartheid, doit désormais apparaître dans tous les textes. L’apartheid sera le deuxième nom de l’État d’Israël, au moins à partir du moment où son Premier ministre a annoncé qu’il n’a aucun intérêt à un arrangement et que la conquête est à ses yeux éternelle.

Bennett doit être loué pour avoir dit la vérité : il a mis fin à la mascarade du processus de paix, qui n’était pas un processus et derrière lequel il n’y avait jamais eu l’intention d’atteindre la paix. Son prédécesseur murmurait autrefois "deux états", mais maintenant cela aussi est fini. C’est un développement positif.

Bennett a également annoncé qu’il ne rencontrerait pas Mahmoud Abbas : cela aussi est pour le mieux. Pourquoi une autre photo dans cette série d’opportunités photographiques, qui n’étaient jamais, mais jamais, destinées à conduire à un règlement juste. Ces opportunités sont uniquement destinées à plaire aux Américain.e.s et aux Européen.ne.s, afin qu’ils et elles permettent à Israël de continuer à établir l’occupation, à construire plus de colonies, et à purger ethniquement plus de territoires. Pourquoi ces récitations de deux pays, quand il n’y avait pas un seul Premier ministre israélien qui y croyait, si l’on peut dire « un seul État » sans irriter personne ?

C’est le point important que Benne a diagnostiqué : Bennett est le premier à le faire sans s’énerver. Le camp de la paix israélien et le monde embrassent le fondateur de l’apartheid, qui a l’intention de tuer doucement le rêve palestinien et le déclare également. Non pas que le rêve ne soit pas mort avant, mais maintenant même rêver n’est plus possible.

Il faut dire « apartheid », non pas pour la gloire du terme, mais comme poing dans le visage du monde qui embrasse Bennett. Un président américain et un président égyptien font tout leur possible pour embrasser ce « non-Netanyahu » qui s’est levé pour eux, et quelqu’un doit leur rappeler qui ils embrassent. Il y en a eu pas mal dans le monde, comme notre Yitzhak Rabin, qui a embrassé le Sud-Africain John Forester puis l’a regretté et peut-être même a eu honte. Maintenant, le monde embrasse Bennett, un homme aux manières agréables, humble et sain d’esprit, pragmatique et talentueux, sans voir ce qui se cache derrière l’homme qu’ils et elles embrassent.

Eh bien, chers Européens, chères européennes, Arabes et Américain.e.s, vous êtes enthousiasmé.e.s par un aparthediste juré. Ne faites pas d’erreur à ce sujet. En fait, il faut lui faire confiance quand il dit qu’il n’a pas l’intention d’autoriser un État palestinien. Mais quelle est votre conclusion, vous dans le monde qui embrassez Bennett ? Qu’au lieu d’un État palestinien, il a l’intention de leur donner deux États ? Ou la citoyenneté, l’égalité de droits, et « une personne une voix », dans un seul pays ? Selon vous, quelle est sa destination, sinon un État d’apartheid moderne ? Quel est son but final, sinon un apartheid moderne, une Afrique du Sud dans un format différent ?

Maintenant, le défi se trouve aux portes du monde. Chaque câlin à Bennett est un câlin à l’apartheid. Il est impossible de tout envelopper dans la bénédiction « nous nous sommes débarrassés de Netanyahu ». La fermeture des yeux et l’auto-tromperie doivent également prendre fin. Précisément en présence d’un homme honnête, humble et talentueux comme Bennett, il faut regarder droit devant et dire : sinon deux pays, alors un pays. Si ce n’est pas la démocratie, alors l’apartheid. Bennett a choisi l’apartheid. Il doit avoir un prix dans le monde.

Comme c’était excitant de le voir s’excuser auprès de la famille d’un soldat israélien. Comme c’était choquant et troublant de comprendre sa vision de cinq millions de personnes destinées à vivre pour toujours en tant que sous-humains. C’est l’homme que vous embrassez, Joe Biden, Angela Merkel et Abdel Fattah al-Sisi. Bonjour le monde ; êtes-vous réveillé ?

Gideon Levy

Journal Haaretz, Israël

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