Édition du 14 mai 2024

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Opinion

Nos médias et l’information spectacle

C'est ça que le monde veut ?

Pour justifier l’indigence des programmes radios, des émissions de télé ou des contenus des journaux, on nous sert souvent la phrase
passe-partout qui dédouane les producteurs et culpabilise le public :
"C’est ça que le monde veut !" L’argument paraît solide, après tout, on fait des sondages, on consulte des focus groups et on répète ce qui marche bien. On met sur les tablettes ce qui se vend bien, et le public en redemande !

De là à dire qu’on a les médias qu’on mérite, il n’y a qu’un pas, vite franchi.

Et pourtant...

Prenons un exemple simple, celui des salles de cinéma. Tout le monde
sait que le public aime les films d’action à l’américaine, d’ailleurs,
c’est ce qui fait les grands succès tous les étés, n’est-ce pas ?

Eh bien, justement, ce n’est pas si simple. Les grands distributeurs
obligent les salles à garder les films états-uniens un nombre x de
semaines, qu’ils marchent ou pas. S’ils marchent, on prolonge, mais
s’ils ne marchent pas, ils restent pendant le nombre minimum de
semaines obligatoires. Résultat : quand les gens vont au cinéma, s’il
n’y a rien d’autre que ça, ils vont aller voir ce qui est offert.

À l’inverse, les films québécois ou français n’ont pas le droit de
rester à l’affiche plus longtemps qu’un nombre x de semaines (ce nombre
étant plus petit que celui accordé aux films états-uniens). Résultat :
même quand ils marchent très fort, les films québécois ou français ne
durent pas longtemps. Voilà un cas très clair où ce n’est pas vraiment
le public qui décide malgré tout ce qu’on en dit.

Prenons maintenant les grandes surfaces, elles offrent certains
produits qu’elles mettent bien en évidence. Ce sont ceux-là qui se
vendent le mieux. On dit ensuite que les gens en veulent. C’est sûr, ce
sont les produits les plus facilement accessibles qui sont les plus
vendus, pas ceux qu’on cache dans les coins.

Pour en revenir aux médias, quand on dit que les lecteurs, les
auditeurs ou les spectateurs sont contents de ce qu’on leur offre, cela
ne veut pas dire qu’ils n’apprécieraient pas autre chose. Il ne faut
pas demander au public de faire une analyse pour laquelle sont payés
les journalistes et les producteurs.

Quand on nous dit : "Nous offrons le choix au public et il préfère
ceci plutôt que cela." Oui, mais comment voulez-vous que le public préfère des choix que vous ne lui offrez pas ? Les médias sont justement là pour l’éclairer et il faudrait que ce soit lui, le public, qui décide de
quelle information il a besoin ne sachant même pas si elle est
disponible ?

Quand Jean-Pierre Coallier a lancé sa radio de chansons uniquement en
français il y a nombre d’années, tout le monde lui disait que le public
n’en voulait pas. C’était manifestement faux ! Le public ne savait pas
qu’on pouvait lui offrir cela. Quand il en a eu la chance, il a
beaucoup apprécié.

Il en est de même des journaux. Les journalistes et les propriétaires
de médias ne doivent pas se dédouaner en prétextant que le public ne
demande pas autre chose. C’est aux médias à faire la recherche et
l’analyse nécessaires à savoir ce dont le public a besoin pour être
bien informé et non pour savoir si telle couleur lui plaît davantage
que telle autre ou si telle chronique est plus sexy avec telle vedette
qu’avec telle autre. Les médiateurs ont deux responsabilités, celles
d’informer et de former le public.

On a les médias qu’on mérite ? Pas sûr du tout !

Mots-clés : Opinion
Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
8200, rue Hochelaga App. 5
Montréal H1L 2L1
Répondeur ou télécopieur : (514) 723-0415
francis.lagace@gmail.com.
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