Édition du 30 avril 2024

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États-Unis

Comment la droite a gagné la bataille des idées aux États-Unis

Le discours de droite et d’extrême droite venant des candidats républicains dans la campagne à l’investiture actuelle découle en bonne partie de la montée fulgurante du Tea Party depuis 2010. Né d’une vague populiste de droite aux racines profondes dans l’histoire et la culture de ce pays, exprimant d’emblée un discours raciste contre Obama, le Tea Party s’est très vite organisé à travers le pays comme le porte-étendard des « vraies » valeurs américaines. Rappelons-nous que le nom de Tea Party fait référence au « Boston Tea Party » de la révolution américaine, lorsque des Américains s’étaient soulevés contre la domination britannique pour regagner, disait-on à l’époque, la liberté économique (« No taxation without representation »). Aujourd’hui, le Tea Party se veut l’étincelle d’une deuxième révolution américaine.

Comme tout mouvement populiste, le Tea Party cible une classe politique dysfonctionnelle, l’oligarchie de Wall Street. Il prend la défense des victimes de la crise, mais n’attaque jamais le système capitaliste. Le problème, dit-il, ce sont les libéraux de gauche, les minorités qui prennent trop de place et tous ceux et celles dans la classe politique qui se sont éloignée des « valeurs » américaines. Pour cette droite populiste, l’Amérique a abandonné l’individualisme (qui est pour eux la colonne vertébrale du pays). Il est tombé dans le « piège » d’un état collectiviste, notamment dans le domaine de la santé (Obama Care, Medicare, Medicaid). Retournons, disent-il, à notre esprit d’entrepreneuriat, au capitalisme pour tous. Mettons fin à l’état interventionniste qui mène à la « servitude » (comme le disait Friedrich Hayek, l’ancêtre du néolibéralisme). Fermons les portes à l’immigration qui fait de nous un pays où l’homme blanc est minoritaire, et imposons notre direction sur le monde. 

« Make America Great Again » nous dit Donald Trump, celui qui domine les sondages dans l’actuelle campagne à l’investiture du côté républicain. 

Entre-temps, Ben Carson (un autre candidat à l’investiture) veut plus d’armes à feu en circulation pour empêcher la montée d’un « Adolphe Hitler ». Carly Fiorina dénonce le socialisme d’Obama, tandis Ted Cruz, Marco Rubio et d’autres veulent bannir l’école publique, éliminer la discrimination positive dans les universités, empêcher le libre-choix à l’avortement, et inscrire dans la constitution que le seul « vrai » mariage est entre un homme et une femme.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le Tea Party ne tombe pas du ciel. Dans les années 1980, le nouveau président Ronald Reagan a ouvert la porte aux fondamentalistes religieux et aux néoconservateurs, et alors ceux-ci ont bien compris que c’était l’occasion d’entreprendre une vaste bataille des idées pour changer les mentalités. Trente ans de lutte ont mené à la domination de ces idées dans les écoles, les universités, les médias, et ailleurs, même lorsque des présidents démocrates ont été élus (comme Clinton et Obama). Autrement, cette droite s’est érigée une base populaire. Ainsi, les membres du Tea Party sont issus de la classe ouvrière et des couches inférieures de la classe moyenne. Ces « perdants » du système accusent les politiciens, particulièrement les démocrates, pour leur déchéance.
 
Aujourd’hui à l’intérieur du Parti Républicain, le Tea Party a une influence énorme. Les sénateurs Marco Rubio (Floride), Ted Cruz (Texas), Rand Paul (Kentucky), tous candidats à l’investiture républicaine, sont très présents sur la scène politique et dans les médias. Également, le Tea Party contrôle la Chambre des Représentants où leur préféré, Paul Ryan, a réussi à prendre la place du président de la chambre, John Beinner, considéré comme un « modéré ». Cela ne s’arrête pas là : le Tea Party contrôle plusieurs législatures comme en Alabama et au Mississippi où il reprend la bannière raciste en essayant de changer la règlementation sur le droit de votre de manière à empêcher les Noirs et les Latinos de voter.

Chose certaine, il n’est pas exagéré que dans une large mesure, cette droite s’est maintenant imposée comme un interlocuteur fondamental sur l’échiquier politique américain. Va-t-elle continuer dans son élan ? Va-t-elle régresser ? Est-ce que les secteurs progressistes vont finalement reprendre l’initiative ?

Tout le monde se pose à peu près les mêmes questions.

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