Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Enfance

Contre le travail des enfants

Le Québec a connu au cours des dernières années, un renouveau nataliste. Le taux de fécondité des femmes en 2011 était de 1,69 enfant. Tout le monde le reconnaîtra cet accroissement s’explique en partie par des politiques natalistes importantes : service de garde à 7 $, congés parentaux et crédit d’impôt. Mais ma mère disait : « Il ne faut pas juste mettre des enfants au monde, il faut aussi les élever ». Et là nous abordons tout le contexte social et environnemental de la société québécoise. Le contexte de crise économique et les difficultés que vivent les personnes en situation de pauvreté sont des facteurs importants. Cee ne sont pas tous les enfants qui vivent dans une famille unie capable d’assurer leurs survie, leurs besoins, leur éducation et leurs loisirs.

Il ne faut donc pas voir la situation des enfants avec des lunettes roses et moralisatrices. Il faut voir le sort réel qu’on fait aux enfants ici et ailleurs : agressions, harcèlement sexuel, famine, maladie etc.
Nous avons, dans cet article, abordé le travail des enfants.

Pas nouveau le travail des enfants

Tout le début du processus d’industrialisation en Angleterre a profité du travail des enfants que ce soit dans les mines, dans les industries, dans les filatures. Les enfants étaient de la main d’oeuvre utile et peu rémunéré ce qui permettait d’augmenter le taux de profit. L’Europe a bien sûr profité de l’exemple anglais tout comme les États-Unis.

« Au cours du XIXe siècle, l’importance du travail des enfants varie selon les secteurs et les périodes. Ainsi, si en Angleterre la part des enfants dans la main-d’œuvre de l’industrie cotonnière est de seulement 5 % en 1850, contre 13,3 % en 1834, elle remonte beaucoup à l’occasion des crises économiques (14 % en 1874)[15]. L’historien Howard Zinn précise qu’aux États-Unis en 1880, un enfant de moins de seize ans sur six travaille. » [1]

L’utilisation des enfants en industrie a aussi permis de couper les anciens liens familiaux et féodaux tout en créant des formes chaotiques de rapports sociaux. C’est aussi l’urbanisation complète de ces franges de paysans. La naissance du marxisme va attirer l’attention sur cette situation. Aussi, les luttes du mouvement syndical vont amener les premières règlementations sur la journée de travail et sur le travail des femmes et des enfants.

Des conventions à la pelle

Et ces nouvelles lois vont aussi prendre une envergure internationale et ce, dès le [ début du XXe siècle. On voit donc que le sort des enfants fait l’objet d’un intérêt soutenu.

« En 1924, le 1septembre, est adoptée par la Société des Nations, une déclaration des droits de l’enfant, dites Déclaration de Genève. C’est le premier texte international adopté. Elle ne comporte que 5 articles mais reconnaît pour la première fois des droits spécifiques pour les enfants[1]
Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947 est créé le Fond des Nations unies des secours d’urgence à l’enfance, l’UNICEF qui se consacre d’abord aux enfants européens puis aux enfants des pays en voie de développement.

En 1948, La Déclaration universelle des droits de l’homme est adoptée le 10 décembre qui reconnaît que « la maternité et l’enfance ont droit à une aide spéciale ».

Le 20 novembre 1959, l’assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration des droits de l’enfant. Ce texte définit 10 principes et incite « les parents, les hommes et les femmes à titre individuel, les organisations bénévoles, les autorités locales et les gouvernements nationaux à reconnaître » les droits de l’enfant. Ce texte n’a aucune valeur contraignante.

Dans les années qui suivent, plusieurs textes internationaux vont être signés : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (protection contre l’exploitation économique, droit à l’éducation et à la santé) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (droit à un nom et à une nationalité) en 1966, une déclaration sur la protection des femmes et des enfants en périodes d’urgence et de conflits armées.
L’année 1979 est proclamée par les Nations unies « Année internationale de l’enfant ». Elle marque une prise de conscience et permet, à l’initiative de la Pologne, la constitution d’un groupe de travail au sein de la Commission des Droits de l’homme chargé de rédiger une convention internationale.

Le 20 novembre 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est adoptée. Elle introduit notamment la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant ».

Le 11 juillet 1990, l’Organisation de l’unité africaine (qui deviendra l’Union africaine) adopte la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.
Le 17 juin 1999 est adoptée la Convention de Genève sur les pires formes de travail des enfants.

En mai 2000, le Protocole facultatif à la CIDE concernant la participation des mineurs aux conflits armés est ratifié (entrée en vigueur en 2002). Il interdit la participation de mineurs dans les conflits armés. [2]

La situation réelle

Mais malgré toutes ces conventions, le sort des enfants reste précaire. Il y aurait en 2010 selon l’Organisation Internationale du Travail 306 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans qui travaillent, certains sont régis par des conventions de travail. Mais qu’en est-il de la situation des autres enfants :
« Dans son Rapport global sur le travail des enfants, le BIT indique que le nombre mondial des enfants qui travaillent a reculé de 222 à 215 millions, soit une baisse de trois pour cent, au cours de la période 2004 à 2008, qui montre un « ralentissement du rythme de réduction à l’échelle globale ». En outre, le rapport souligne que la crise économique mondiale pourrait « freiner davantage » le progrès vers le but d’éliminer les pires formes de travail des enfants d’ici à 2016.

Le nouveau rapport du BIT, intitulé Intensifier la lutte contre le travail des enfants, présente de forme détaillée des estimations sur le travail des enfants. Les progrès ont été plus substantiels parmi les enfants âgés de 5 à 14 ans, une tranche d’âge où le nombre d’enfants au travail a baissé de 10 pour cent. Parmi les filles, le travail des enfants a considérablement diminué (de 15 pour cent). En revanche, il a augmenté parmi les garçons (de 8 millions ou 7 pour cent). Chiffre également alarmant, le nombre de jeunes gens âgés de 15 à 17 ans impliqués dans une activité économique a augmenté de 20 pour cent passant de 52 à 62 millions. » [3]

Le travail des enfants et la pauvreté extrême

Il est clair que si la situation ne s’améliore pas beaucoup durant une période économique jugée prospères (2004 et autres), la crise économique (2008) va accentuer la situation de pauvreté. Les capitalistes vont être à la recherche de taux de profit facile. La surexploitation des enfants permet d’avoir une main d’œuvre docile, flexible, habile dans les petits travaux souvent la continuité des travaux domestiques , travaux souvent invisibles, gratuits et non reconnus. Le processus de mondialisation a permis de généraliser l’exploitation de la main d’œuvre au niveau mondial en créant des zones franches hors d’atteinte des États et libre d’impôts et de lois du travail. Ces zones étant transférables d’une région à l’autre comme du Mexique vers l’Asie.

« En proportion, le plus fort taux d’enfants soumis à des formes de travail à abolir se trouve en Afrique : un enfant sur quatre y est soumis, contre un peu plus d’un enfant sur sept en Asie, un enfant sur dix en Amérique latine et un peu plus d’un enfant sur quatorze dans les autres régions du monde. La hiérarchie est la même pour les pires formes de travail : les enfants d’Afrique sont en proportion les plus touchés, suivis de ceux d’Asie et d’Amérique latine. » (Bénédicte Manier, Le travail des enfants dans le monde, La Découverte « Repères », 2011, p. 47)

Cette répartition régionale nous permet de voir que le travail des enfants augmente avec l’augmentation de la pauvreté. C’est 20 à 25 % du revenu familial que des enfants travailleurs peuvent contribuer au revenu familial (Bénédicte Manier, Le travail des enfants dans le monde, La Découverte « Repères », 2011, p. 87). En état de pauvreté extrême cela compte beaucoup surtout face à l’augmentation généralisé du prix des aliments. Ce sont les ménages qui sont mis en péril.

« Les prix de l’alimentation continuent à augmenter dans le monde. L’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 15 % entre octobre 2010 et janvier 2011, et n’est que 3 % en dessous de son pic de 2008", a indiqué l’institution dans un communiqué » [4]

Mais le fait de travailler signifie aussi pour les enfants qu’ils et elles ne vont pas à l’école donc vont reproduire à très court terme le cycle de la pauvreté.
Le travail des enfants est aussi toléré par les États qui, ainsi, peuvent maintenir les salaires bas et attirer des investisseurs reconnaissants.
« Il ne s’agit donc pas d’un phénomène archaïque, isolé du reste du marché du travail : avec 60 % des enfants actifs présents dans l’agriculture, 25,6 % dans les services et 7 % dans l’industrie, il constitue bien un rouage de l’économie et contribue à la richesse des pays concernés, même si c’est de manière marginale et si aucun indicateur n’est actuellement susceptible de le mesurer.

Ce qui revient aussi à dire qu’en dépit des chartes éthiques et autres engagements des fabricants et des distributeurs, le consommateur mondial achète tous les jours des produits où des mains d’enfants sont intervenues à un stade ou un autre de la fabrication (cacao, thé, sucre, fruits, tabac, coton…). [5]

La traite et la prostitution des enfants

Par exemple la traite des enfants et la prostitution sert bien l’industrie touristiques en Asie. Après l’industrie d’armement (parlons aussi des enfants soldats), la prostitution demeure la deuxième industrie la plus florissante.

« La tendance est à la prostitution d’enfants de plus en plus jeunes ainsi qu’à leur utilisation dans la pornographie. Que la prostitution d’enfants de douze ou quatorze ans soit légale ou non n’interfère en rien dans les problèmes éthiques soulevés par cette marchandisation sexuelle. L’industrie de la prostitution enfantine exploite 400 000 enfants en Inde, 100 000 aux Philippines, entre 200 000 et 300 000 en Thaïlande, 100 000 à Taiwan, entre 244 000 et 325 000 aux États-Unis. En Chine populaire, il y a entre 200 000 et 500 000 enfants prostitués. Entre 500 000 et 2 millions d’enfants sont prostitués au Brésil. Quelque 35 % des personnes prostituées du Cambodge ont moins de 17 ans et 60 % des Albanaises qui sont prostituées en Europe sont mineures . Certaines études estiment qu’au cours d’une année, un enfant prostitué vend ses « services sexuels » à 2 000 hommes (Robinson, 1998). Un rapport du Conseil de l’Europe estimait, en 1996, que 100 000 enfants de l’Europe de l’Est se prostituaient à l’Ouest. À l’occasion du IIe Congrès contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, qui a eu lieu à Yokohama, au Japon, l’Unicef (2001) évaluait à plus d’un million le nombre d’enfants — des fillettes principalement — prostitués par l’industrie sexuelle. En 2004, les chiffres tournent autour de deux millions d’enfants. Aujourd’hui, au moins un million d’enfants sont prostitués en Asie du Sud-Est seulement ; les pays les plus touchés sont l’Inde, la Thaïlande, Taiwan et les Philippines. » [6]

Comme ces chiffres datent de la période économique prospère et pré-crise.

Il faut actuellement rajuster ces chiffres car :

« Entre un million et deux millions de mineurs rejoignent chaque année, dans le monde entier, les rangs des victimes du tourisme sexuel, c’est-à-dire de la prostitution organisée. » [7]

La guerre est aussi lieu de déplacement de population surtout les femmes et les enfants. Et cela ouvre la porte au recrutement forcé des enfants soldats :
« Actuellement, il y aurait environ 300 000 enfants soldats dans le monde, impliqués dans une trentaine de conflits ; un tiers d’entre eux se trouvent en Afrique subsaharienne et dans les conflits réguliers en République démocratique du Congo, en Colombie (où entre 11 et 14 000 enfants feraient partie des forces paramilitaires) et en Birmanie (où 20 % de l’armée serait composée de mineurs d’après Human Rights Watch[48]). La plupart d’entre eux ont entre 14 et 18 ans mais on compte aussi des enfants d’à peine 8 ou 9 ans qui s’engagent volontairement dans des milices et autres groupes paramilitaires[49]. Si l’image la plus courante est celle de l’enfant-combattant fusil à la main, les enfants-soldats sont utilisés pour de nombreuses tâches : espionnage et reconnaissance, pose de mines, entraînements des soldats adultes mais aussi tâches ménagères, portage du matériel ou cuisine. Les filles sont de plus exposées aux abus sexuels. » [8]

Le travail des enfants dans les pays industrialisés

Le travail des enfants se répartie majoritairement dans les pays pauvres et émergents. Mais dans les pays industrialisés, le phénomène existe aussi.
« Mais les pays développés — ainsi que les « économies de transition » — sont également concernés : 3 % des enfants de 10 à 14 ans sont économiquement actifs dans les pays industrialisés[2] ce qui ne se limite pas aux petits « jobs » mais inclut également le travail au noir ou certaines des pires formes de travail (prostitution et trafics). Officiellement, l’Italie compte à elle seule 320 000 enfants au travail de 6 à 13 ans, nombre qui augmente de 50 % pendant la période estivale, tandis qu’en Grande-Bretagne, le Trades Union Congress estime que deux millions d’enfants travaillent régulièrement et de plus en plus souvent pour suppléer au revenu familial. Les États-Unis compteraient 5,5 millions de jeunes actifs durant l’été dont 800 000 dans l’agriculture[27]. En Europe de l’Est, 4 % des 10 – 14 ans sont actifs[2], un million en Russie et près de 100 000 en Bulgarie. » [9]

Le 12 juin Journée mondiale contre le travail des enfants

Nous voulons dénoncer le travail des enfants. Le 12 juin c’est la journée mondiale contre le travail des enfants. Cette année la thématique c’est « Non au travail des enfants dans le travail domestique ».

Nous avons pensé offrir des outils pour les personnes intéressées par le sujet qui veulent conscientiser leur milieu à cette problématique.
Voici une affiche intéressante pour graphiquement illustrer les chiffres
 [10] et un questionnaire pour jauger vos connaissances
 [11]

Ne laissons pas la situation des enfants passer sous le silence des capitalistes internationaux verreux et profiteurs.

Chloé Matte Gagné

Sur le même thème : Enfance

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...