Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Espoir et solidarité, regard sur le congrès de Québec Solidaire de 2023

Les injustices sociales pullulent. La guerre, le racisme, l’insécurité alimentaire, le manque de solidarité sociale, l’effondrement de nos services publics, la difficulté pour toutes et tous à se loger décemment, le manque d’action face à la crise climatique, les enjeux d’accessibilité aux services et ressources, l’appauvrissement de la population, la précarité, les enjeux démographiques, et j’en passe.
Le climat pré-congrès était fébrile. Les membres portaient en elles et eux une multitude de préoccupations qui, dans le contexte actuel pouvaient prendre une ampleur considérable. Au final, plus de 800 membres ont répondu présent.e lors du congrès en présentiel à Gatineau, ce qui a représenté pour plusieurs temps et argent, en plus du casse-tête qui peut accompagner cette absence de la maison (Qui gardera les enfants ? Serons-nous en mesure de prendre deux jours de congé ou plus pour faire la route jusqu’au congrès ? etc.) Malgré les quelques places encore disponibles dans la salle, l’importance de ce congrès se faisait bien sentir et l’énergie des militantes et militants était au rendez-vous.

La conférence d’ouverture à propos de la transition énergétique, à laquelle participaient Adrienne Jérôme, de la communauté anishnabe de Lac-Simon, la professeure en géographie Cynthia Morinville et Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal a permis d’entrer doucement et tranquillement dans cet enjeu épineux, notamment au travers du discours de Mme Jérôme (portant sur « les bouleversements » liés à la transition énergétique, pour reprendre les mots de cette sage dame), dont le rythme apaisant, évoquait celui des vagues caressant le sable, nous permettait une pause, un souffle avant cette fin de semaine qui s’annonçait chargée. Plusieurs autres représentant.e.s de communautés autochtones ont également été bien visibles lors du congrès, que ce soit lors d’ateliers, de prises de parole ou de conférences. La volonté de tisser des liens et de faire de la politique “avec” et non “pour” les peuples autochtones semblent continuer à faire son chemin au sein du parti.

Le panel animé par Haroun Bouazzi permettait finalement de mettre en valeur les conclusions de sa tournée sur l’avenir énergétique du Québec et de mettre la table pour les différentes propositions qui allaient être discutées le lendemain. Notons en particulier la sensibilité des délégué.e.s du congrès face aux inégalités régionales et financières qui peuvent être créées par certaines pistes de la transition. Bien sûr on ne souhaite pas, par l’élimination de la TVQ sur l’achat et la réparation des produits usagés, encourager la croissance du parc automobile. Les délégué.e.s du congrès ont toutefois convenu que l’amendement visant à exclure les véhicules usagés de cette proposition risquait de nuire de façon démesurée aux personnes à faible revenu et à leur capacité de se déplacer. Cela n’empêche en rien Québec Solidaire de miser en priorité sur les projets de transport collectif, enjeux par ailleurs soulevés lors du débat des candidates et très bien abordé par Christine Labrie.

Le congrès a par ailleurs été un moment d’échange sur des propositions qui touchent une grande partie de la population québécoise. Pour n’en nommer que quelques-unes, les membres ont pu se pencher sur la mise en place d’un programme d’alimentation scolaire universel dans les écoles primaires et secondaires publiques du Québec, le plafonnement des marges de profits des grandes chaînes d’alimentation, ou encore la possibilité d’augmenter le salaire minimum à 20$ de l’heure afin de pallier à l’inflation et au coût de la vie.

La ligne d’arrivée

“Mais pourquoi ne parle-t-on pas de l’élection de la co-porte-parole féminine” vous demanderez-vous. Nous y arrivons.

C’est qu’il nous faut comprendre le contexte pour comprendre le choix des membres. Il faut comprendre comment les candidates ont rejoint le cœur des militantes et militants dans leurs préoccupations locales, régionales et, pourquoi pas, mondiales.

Alors que les trois candidates ont chacune fait une brillante campagne, l’une d’entre elles semble avoir répondu davantage aux attentes des solidaires. Il est vrai qu’Émilise n’a remporté la victoire que par quelques voix. Bien que nous pourrions débattre du pourcentage par lequel elle l’a obtenu (ou encore de l’absence d’une partie de son électorat potentiel engendré par les obstacles à la participation pour se rendre à Gatineau), nous aborderons plutôt ce pourquoi Émilise semble être la candidate toute désignée pour ce rôle. Par où commencer ? Chacune des candidates a fait une campagne à son image. Ruba Ghazal a su inspirer les troupes par sa combativité, son expérience politique et son désir de s’aventurer dans des thèmes comme la culture, la langue et l’identité pour aborder de front le discours souverainiste que Québec Solidaire souhaite renouveler. Christine Labrie a quant à elle fait campagne sur la réactualisation du discours politique dans Québec Solidaire. Elle a mis de l’avant son efficacité et sa compréhension des enjeux bureaucratiques, lesquels pourraient permettre d’aller chercher un électorat peut-être plus libéral. Lors du débat final des candidates le 25 novembre au matin, Christine a été fidèle à elle-même et a tenu sa ligne directrice. Elle a misé sur l’importance à ses yeux de montrer à la population que Québec Solidaire a la capacité de bien administrer le Québec. Elle a su répondre de façon claire et concise à plusieurs questions posées, ajoutant à l’occasion une petite touche d’humour. De son côté, Ruba ne semblait pas avoir toute l’étendue de sa flamme habituelle. Elle a cependant réitéré plusieurs éléments fondamentaux de sa plateforme en répondant avec un vocabulaire s’adressant à un public plus large. Elle est revenue sur l’intérêt d’un nationalisme pour toutes et tous et sur l’importance d’élargir le vote vers une population vieillissante et vers les banlieues. Enfin, les trois candidates ont discuté brièvement de leur vision pour la prochaine campagne électorale de 2026, laquelle devrait s’inspirer de la campagne à succès de 2018.

C’est toutefois l’authenticité et la fougue d’Émilise, la candidate de la « rue[ralité] » qui auront su convaincre les solidaires que sa voix saurait nous porter plus loin. Son énergie et son aplomb sur scène n’auront pas manqué de rappeler la façon dont elle a mené son combat pour la santé de la population en se levant contre la multinationale Glencore (dans le dossier de la fonderie Horne). À entendre les réactions dans la salle, ce moment aura sans doute permis de convaincre les indécis qu’il pouvait encore y avoir à ce moment.

Il est vrai que Christine et Ruba auraient peut-être été des candidates possédant une vision se ralliant un peu plus à celle de Gabriel Nadeau-Dubois. Le pragmatisme de Ruba et les forces administratives de Christine ont plu à plusieurs et ces qualités auraient sans nul doute été utiles en tant que co-porte-parole féminine. Mais au final, c’est la complémentarité du duo GND - ÉLT que les membres ont semblé souhaiter pour le mandat à venir. Ce duo s’inscrit dans la poursuite de la tradition d’un balancier représentant les urnes et la rue. Le côté extra-parlementaire permet de poursuivre l’intention initiale des fondateurs de Québec Solidaire d’accorder une importance égale à ce qui se passe au parlement qu’à ce qui se passe dans les rangs militants (et moins militants).

Lors du discours de Gabriel Nadeau-Dubois dédié à sa collègue et ex co-porte-parole féminine Manon Massé, ce dernier a verbalisé que Manon était là pour l’aider à se “grounder”. C’est sa différence, son approche plus expérientielle et son empathie qui, nous croyons, ont aidé Manon à tenir ce rôle. En ce sens, Émilise possède les mêmes cartes dans sa manche et, souhaitons-le, réussira à incarner un rôle de leader empathique et de femme du peuple, digne du legs de sa prédécesseure.

Qui plus est, l’authenticité rayonnante d’Émilise ranime non seulement la flamme militante, mais aussi la solidarité des membres. Émilise ne fait pas que nommer qu’elle est à l’écoute, elle le démontre. Elle dévoile sa compréhension des enjeux qui affectent les individus dans leur quotidien. Elle l’exprime avec brio à l’aide d’exemples concrets qui réfèrent à des êtres humains réels avec des difficultés réelles avec lesquels elle a pris le temps de discuter. Trop souvent en politique, les réponses semblent toutes faites, planifiées pour “fitter” dans le cadre prévu, pas celles d’Émilise. En s’exprimant, elle nous communique son sentiment sincère de faire partie de ce tout rassembleur. Elle ne fait pas simplement être à l’écoute des préoccupations des gens, elle le vit elle aussi. Émilise fait partie du peuple et ça se sent. C’est probablement pour cela que lorsqu’elle parle, on a le sentiment le plus profond qu’elle fera tout en son pouvoir pour incarner les valeurs solidaires.

Laure Frappier-L. avec la délégation de Qs Rimouski.

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