Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Être prêt pour de longues batailles

Les astres s’alignent pour François Legault et son projet austéritaire. La pandémie lui a donné un bon coup de main. Les mesures d’urgence hâtivement concoctées et erratiques ont donné l’impression que le gouvernement s’occupait du monde, alors qu’en réalité, il gérait mal une mauvaise situation héritée des gouvernements précédents (PLQ et PQ) où la santé est devenue un big business. Pendant que les personnes âgées tombaient en masse, Legault et consorts n’avaient pas un mot à dire sur ce qui visiblement était le résultat du virage austérité amorcé par Lucien « Lucide » Bouchard dans les années 1990 et amplifié par la suite par les terribles années de gouverne libérale. Les médias complaisants et la faiblesse de l’opposition se sont combinées pour faire apparaître Legault comme le bon père de la nation et cela lui donne un avantage certain.

On entre alors dans la phase deux. Legault, encore là en lien avec ses prédécesseurs, entend « restructurer » le secteur public, ce qui veut dire enlever les obstacles qui subsistent pour accélérer les réformes néolibérales. Avec la « nouvelle gestion publique », on doit mettre les institutions, écoles, hôpitaux et tout le reste, au pas. Ce qui implique d’affaiblir et de diviser les syndicats. Déjà amochés par les réformes Barette, les organisations syndicales sont mises au pied du mur, avec un discours menaçant et humiliant, quitte à faire quelques « gagnants », un terme qu’on doit mettre entre guillemets tellement les gains de la FAE notamment sont modestes en regard des besoins. Comme on ne touche pas à la fiscalité et qu’on laisse le 1 % empocher la mise, on n’a qu’à dire « qu’il n’y a plus d’argent ».

Entretemps, on continue de discourir sur l’environnement tout en allant gaiement de l’avant vers l’extractivisme, la destruction des milieux naturels et la protection des gros pollueurs notamment dans le pétrole et le gaz. Encore là, toujours fidèles au poste, les médias complaisants s’alignent sur une approche qu’ils qualifient de « réaliste ».

Quelle sera la phase 3 ? Legault va tenter de « liquider » une fois pour toutes la question nationale, avec son faux autonomisme et des mesures étriquées pour « protéger le français » tout en sachant très bien qu’il n’a ni les moyens ni la volonté de défendre les droits du peuple québécois. On entend déjà les péquistes plus ou moins honteux se rallier à Legault contre le méchant fédéral, ce que Duplessis avait réussi à faire pendant des décennies. Dans cette stratégie, les ennemis deviennent les immigrants et les immigrantes, surtout celles qui sont voilées. Et non le capitalisme prédateur qui structure l’État canadien agissant comme allié-subalterne de l’impérialisme américain.

De ce côté, le reste est du bavardage. Que faire comme dirait l’autre ?

La pandémie nous a ramené en arrière, si ce n’est que pour distiller la peur et saboter nos campagnes de mobilisation. Cela va prendre du temps pour reconstruire, mais il faut commencer hier. Il me semble que l’opportunité se présente en septembre avec la journée mondiale sur le climat. Cela sera plus difficile qu’en 2019, mais des écologistes allumés sont en mesure de rallier du monde autour d’une approche qui établit explicitement le lien entre crise climatique et capitalisme prédateur.

Sur le plan syndical, des camarades directement impliqués tentent de déjouer le discours de la division en commençant par mobiliser ceux et celles qui sont les grands laissés pour compte, notamment dans la santé.

Reste un autre immense enjeu. Devant la loi 21 dont l’essentiel a été validé par le jugement de la cour supérieure, on ne peut pas capituler, car à la base, cette législation vise à recréer le climat de haine et de peur de l’« autre » qu’on avait à l’époque contre les méchants « juifs communistes ». Ce sont évidemment les immigrants et les immigrantes, et en particulier ceux de confession musulmane, qui sont directement visés. Mais comme avant, les objectifs sont beaucoup plus profonds, en creusant les divisions entre les diverses couches du peuple. Le nationalisme de droite, frileux, xénophobe, se cache mal derrière la « laïcité » telle que proclamée par la CAQ et le PQ. Devant cela, il faudra se tenir droit, s’opposer aux congédiements, au harcèlement et à la stigmatisation. Il faudra le faire 100 fois, 1000 fois, à petite et à grande échelle, beaucoup dans la rue, également devant les tribunaux.

Avons-nous les « outils » pour tout faire cela ?

Depuis plus de 20 ans, le Québec populaire et progressiste s’est embarqué dans la grande marche proposée par les féministes du « pain et des roses » (1995 et 2000). Il a bifurqué sur le chemin de l’altermondialisme avec le Sommet des peuples des Amériques (2001). Il est monté au front dans les grandes mobilisations anti-guerre (2003) et parallèlement, les résistances syndicales qui ont réussi à bloquer la « réingénierie » libérale. Il s’est dynamisé sous l’impact des étudiant-es (2005 et surtout 2012) qui ont forcé la formidable coalition des Carrés rouges. Entretemps est né un nouveau véhicule politique, avec les 600 000 votes obtenus par Québec Solidaire (2018). Tout cela a été propulsé avec la convergence écologiste de septembre 2019. Le chemin parcouru est impressionnant.

En même temps, il faut être conscient de ses limites et de ses contradictions. La grande convergence, ou la convergence des convergences, nécessaire pour affronter un adversaire redoutable (le gouvernement de la CAQ), hésite, trébuche, s’enfarge. Parfois, l’audace n’est pas au rendez-vous sachant qu’il est facile de se faire tasser dans le coin par les mercenaires médiatiques qui sont habiles à mettre le doigt sur le bobo, comme on l’au vu derniers jours avec les débats sur la résistance contre le racisme. Il ne s’agit pas de tomber dans la rectitude politique, ni de glisser dans la tendance vers des approches communautaristes. La discrimination est une partie prenante du capitalisme, ce n’est pas un « comportement » ou une posture « morale ». On ne lutte pas l’un sans lutter contre l’autre.

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