Introduction
Le golfe Saint-Laurent constitue l’un des écosystèmes estuariens et marins les plus grands et les plus productifs au Canada et au monde. Il est semblable à une mer intérieure, isolé de l’Atlantique Nord, avec des apports d’eau douce abondants. Ces conditions s’avèrent particulièrement favorables au développement d’une communauté biologique et d’une structure trophique d’une diversité et d’une productivité élevée.
Grâce à ses ressources abondantes, le golfe Saint-Laurent a joué un rôle important dans l’histoire de ce pays en assurant l’implantation et l’existence d’importantes communautés humaines. Par la description qu’il fait de cet écosystème, l’EES2 constitue un témoignage de grande valeur concernant sa richesse et l’importance de le conserver. Afin de préserver ces acquis, il importe donc d’aborder la mise en oeuvre de projets pouvant affecter cet écosystème avec une très grande prudence. Pour ce faire, plusieurs des aspects de l’EES2 nécessitent une révision. C’est ce que le mémoire actuel tente de réaliser.
Commentaires concernant le processus de production et de consultation relatif à l’étude produite dans le cadre de l’EES
À notre avis, ce n’est pas à une firme privée, dans de ce cas-ci la firme de services-conseils Génivar, que la production et encore moins le processus de consultation (de concert avec le groupe Ageco) de la deuxième évaluation environnementale stratégique auraient dû être confiés.
De même, l’EES2 n’aurait pas dû être sous la responsabilité du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), dont la mission « favorise la création de la richesse par leur [les ressources] mise en valeur », mais bien être confiée au ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) et au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans le cadre du processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement.
Il est troublant de constater les différences fondamentales entre le processus retenu ici et celui de l’EES concernant les gaz de schiste, malgré le fait qu’il s’agisse fondamentalement de deux projets reliés à l’exploitation de combustibles fossiles. Dans le cas des gaz de schiste, à la suite des recommandations du BAPE, le MDDEP a entrepris une évaluation environnementale stratégique coordonnée par un comité de suivi composé d’experts.
Tout au long du processus, des consultations publiques menées par un tiers indépendant sont prévues. Une consultation publique sur le « plan de réalisation » de l’EES concernant les gaz de schiste (EES1), dans les faits ce sur quoi doit porter l’étude, vient de se terminer. Ce plan de réalisation inclut l’étude d’un scénario de non-développement. Rien de tel n’est mis en oeuvre pour l’EES2. Il est à noter également que la différence entre les budgets accordés pour les deux études est frappante…
Enfin, il est inacceptable que les vidéos des consultations et les transcriptions des témoignages n’aient pas été rendues publiques et disponibles aux fins de consultation. Cette publication aurait servi à une meilleure compréhension des enjeux et aurait alimenté un débat sain et démocratique concernant les enjeux de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe. Comment expliquer qu’une telle pratique se fasse pour le Plan Nord (consultations concernant le 50 % de protection) et pour les gaz de schiste, et non dans le cas des hydrocarbures dans le golfe Saint-Laurent ?
Sans porter aux nues le processus entourant l’EES1, lequel comporte des travers importants (une commission du BAPE sans étude préalable, qui finit par recommander une EES ; un comité de suivi dont au moins un membre est lié directement à l’industrie ; l’absence de moratoire quant à la fracturation hydraulique pendant la période d’examen…), il y a lieu de noter l’improvisation gouvernementale en cette matière et la nécessité de mieux encadrer ces exercices importants pour leur donner toute la transparence, l’accessibilité, la rigueur et l’indépendance requises.
Conclusion
Le présent mémoire se veut un complément et un appui aux commentaires déjà formulés lors de la consultation organisée à l’intention des groupes environnementaux nationaux dans le cadre de l’EES2.
Ce qui se dégage de l’analyse de Nature Québec, ce sont les lacunes importantes que contient l’étude soumise à la consultation. Ces lacunes de connaissance ne sont pas attribuables en soi à un problème lié aux auteurs ou aux professionnels y ayant oeuvré.
On se rend compte des limites des connaissances disponibles et de la recherche sur cet important écosystème, ce que soulignent à l’occasion les auteurs. Pour Nature Québec, ces lacunes importantes dans les connaissances et l’absence de simulation sur des scénarios x, y, z, de développement de l’industrie des hydrocarbures, incluant un scénario de non-développement, minent le fondement même de l’étude.
C’est pourquoi Nature Québec, qui est membre du comité d’orientation de Coalition Saint-Laurent recommande la prolongation du moratoire au-delà de 2012 dans la partie québécoise du golfe et demande son extension à tout le golfe Saint-Laurent, via une intervention du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux concernés. Nature Québec recommande également, de concert avec les membres de la Coalition, la création d’une commission d’examen par le gouvernement fédéral avec la collaboration des provinces riveraines, dans le but de faire une évaluation complète et intégrée de tous les impacts potentiels liés à une éventuelle exploitation des hydrocarbures dans le Saint-Laurent
Les recommandations
RECOMMANDATION 1
RÉVISION DU PROCESSUS D’ÉVALUATION
Nature Québec recommande au gouvernement du Québec de revoir le processus d’encadrement des évaluations environnementales stratégiques selon les plus hauts standards internationaux et de modifier en conséquence le règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement.
RECOMMANDATION 2
ZONE D’ÉTUDE
Nature Québec recommande de réviser la zone d’étude afin qu’elle couvre tout le golfe du Saint-Laurent.
RECOMMANDATION 3
AFFIRMATIONS CONCERNANT LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
Nature Québec recommande aux auteurs de reformuler les affirmations excessives sur les retombées économiques en approfondissant l’analyse et en tenant compte de nos commentaires.
RECOMMANDATION 4
AFFIRMATIONS CONCERNANT LES EFFETS CUMULATIFS ET SYNERGIQUES SUR LES MAMMIFÈRES MARINS ET LES RESSOURCES HALIEUTIQUES
Nature Québec recommande de reformuler ces affirmations en tenant compte des effets négatifs potentiels de l’effet récif.
RECOMMANDATIONS 5 ET 6
AFFIRMATIONS CONCERNANT LES EFFETS ENVIRONNEMENTAUX POTENTIELS ET LES MESURES DE GESTION POUR LES FORAGES EXPLORATOIRES ET L’EXPLOITATION DES HYDROCARBURES
Nature Québec recommande d’approfondir et de reformuler la section en tenant mieux compte de la contrainte hivernale.
Nature Québec recommande à l’auteur de l’étude de constater l’absence d’évaluation des risques et de préparation des parties à d’éventuels déversements pétroliers associés aux activités d’exploration et d’exploitation dans le golfe et d’en tirer les conclusions qui s’imposent relativement à la nécessaire prolongation du moratoire actuel tant que cette question n’aura pas été réglée.
RECOMMANDATION 7
ZONES DE SENSIBILITÉ
Nature Québec recommande de réviser les zones de sensibilité en tenant davantage compte des contraintes.
RECOMMANDATION 8
AIRES SENSIBLES ET DE CONTRAINTES
Nature Québec recommande, dans le cas où les aires de fraie ne feraient pas partie de cette liste, de les y inclure.
RECOMMANDATION 9
CONTRAINTES TOUCHANT LES OISEAUX
Nature Québec recommande de revoir l’ensemble des contraintes touchant les oiseaux et de les modifier en tenant compte de ses commentaires.
RECOMMANDATION 10
EFFETS CUMULATIFS ET SYNERGIQUES
Nature Québec recommande de présenter des analyses d’impacts économiques plus réalistes en tenant compte des impacts négatifs du projet.
RECOMMANDATION 11
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Nature Québec recommande de modifier ce commentaire « Le golfe du Saint-Laurent est dominé par des zones de sensibilité faible », incompréhensible à la lumière de la démonstration du contraire par l’ensemble du rapport.
RECOMMANDATION 12
VOCABULAIRE UTILISÉ
Nature Québec recommande de réviser ce vocabulaire en évitant d’utiliser l’expression « mise en valeur des hydrocarbures ».
RECOMMANDATION 13
MILIEU HUMAIN
Nature Québec recommande de corriger les données de chômage et d’emploi en tenant compte des données récentes.
RECOMMANDATION 14
PROFIL SOCIOSANITAIRE
Nature Québec recommande d’exclure cette section du rapport, compte-tenu de sa faiblesse et de la fausse prémisse qui lie une éventuelle richesse économique venant de la « mise en valeur des hydrocarbures » à un déterminant de santé publique, sans contrepartie advenant des problématiques de déversements ou de pénurie de ressources, et advenant une cessation brutale de l’exploitation.
RECOMMANDATION 15
PÊCHERIES, AQUACULTURE ET CHASSE AU PHOQUE
Nature Québec recommande de modifier la zone d’étude et d’adapter les statistiques économiques liées à l’exploitation des ressources naturelles à la nouvelle réalité.
RECOMMANDATION 16
DÉVERSEMENTS ACCIDENTELS
Étant donné qu’il est possible d’estimer le pourcentage d’occurrence et la sévérité des déversements accidentels, Nature Québec considère qu’une quantification des impacts sur les ressources marines devrait être réalisée.
RECOMMANDATION 17
LEVÉS SISMIQUES
Nature Québec considère qu’il faut viser autre chose qu’une protection uniquement durant ces périodes de fonctions biologiques essentielles (où se trouve la définition de cette expression ?) ou d’abondance maximale.
RECOMMANDATION 18
BILAN DES EFFETS ENVIRONNENTAUX POTENTIELS ET DES MESURES DE GESTION POUR LES LEVÉS SISMIQUES
Nature Québec recommande de réaliser une revue de littérature plus exhaustive de ce phénomène et d’en tenir compte dans les sections du rapport traitant de cette question.
RECOMMANDATION 19
DEMANDE DE MORATOIRE
Compte tenu des lacunes importantes au chapitre des connaissances soulevées par la présente étude, de la nécessité de poursuivre la recherche et les évaluations, du manque d’intégration des connaissances à l’ensemble du golfe et de l’absence de réflexion concernant un scénario de non-développement, Nature Québec demande aux auteurs de rapport de recommander l’extension du moratoire à la partie québécoise du golfe, et ce aussi longtemps qu’une évaluation globale et intégrée n’aura pas été réalisée à l’échelle du golfe.
Pour consulter le document itégral : http://www.naturequebec.org/pages/accueil.asp
