Édition du 30 avril 2024

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Le mouvement des femmes dans le monde

Fatima Ouassak : « Il faut rompre avec l’instrumentalisation raciste des causes féministes »

Demain (23 novembre 2019 NDLR), le collectif #NousToutes organise une journée nationale de mobilisation contre les violences faites aux femmes. On en parle avec Fatima Ouassak, féministe, porte-parole du Front de Mères et fondatrice du réseau Classe/Genre/Race, qui agit contre les discriminations que subissent les femmes issues de l’immigration post-coloniale. Elle est l’invitée de #LaMidinale.

Tiré de regards.fr

Sur l’association le Front de mères

« C’est un syndicat de parents des quartiers populaires qui s’est organisé contre les discriminations que subissent les enfants - en particulier dans l’institution scolaire. »

« Il y a une dimension féministe à partir du moment où ce sont les femmes qui s’occupent, pour l’essentiel, des enfants. »

« Il faut faire des mères un sujet politique puissant. »

« On n’a pas assez mobilisé la figure de la mère dans le combat féministe. »

Sur la politique de la ville

« La politique de la ville est résiduelle par rapport à la masse budgétaire du droit commun - qui est structurellement inégalitaire. »

« Le budget de la politique de la ville est ridicule. C’est une miette. »

« La politique de la ville est une politique coloniale de gestion des quartiers populaires, de contrôle social et d’assignation à résidence des populations. »

« La politique de la ville a aggravé la situation en stigmatisant ses populations. »

Sur les violences policières

« Depuis des décennies, systématiquement, lorsqu’il y a une association de lutte contre les violences policières - et en particulier les crimes policiers -, il y a des mécanismes d’inversion qui sont mis en place : les victimes deviennent les coupables. »

« Il y a aujourd’hui quatre plaintes qui ont été déposées contre Assa Traoré après que ses frères ont été placés en prison. »

Sur la marche #NousToutes

« Je n’ai pas appelé à cette marche parce que ça n’est pas une dynamique dans laquelle je me retrouve. »

« Une femme noire victime de violence ne va pas être traitée par la police comme une femme, mais comme un individu noir. »

« Les adolescents dans les quartiers populaires qui subissent des violences sexuelles de la part de la police - avec des palpations dégradantes : pourquoi ça n’est pas pris en charge par les organisations féministes ? »

« Il y a beaucoup de sujets qui ne sont pas pris en charge par les féministes majoritaires. »

« La question raciale est centrale pour le combat féministe. »

« Le féminisme majoritaire fera sa révolution réellement le jour où il décidera de rompre avec la culture du viol qui a son fondement dans le racisme et qui est structuré par le racisme. »

« Les mêmes qui vont marcher demain vont nous torpiller au niveau local lorsqu’on on va mener une lutte pour l’alternative végétarienne à la cantine par exemple (…). On est immédiatement taxé de communautariste ou d’islamiste. »

« Il faut rompre avec l’instrumentalisation raciste des causes féministes. »

Sur le foulard islamique

« Le débat politique et médiatique sur les violences faites aux femmes se focalise sur le foulard. »

« La question du foulard et des violences intra-familiales que subissent les femmes musulmanes sature complètement l’espace politique et médiatique. »

« Les femmes qui portent un foulard sont totalement, quasiment, interdites d’accès au marché du travail : c’est une question féministe centrale. »

« La fonction de la mobilisation de la question du foulard, c’est la justification des inégalités dans l’accès aux ressources : le travail, l’école, les études supérieures. »

Sur les violences sexuelles, les viols et les enfants

« La question essentielle, c’est la question du pouvoir - et notamment du pouvoir au niveau local sur les territoires : comment les femmes - les mères - reprennent du pouvoir et empêchent les violences qu’elles subissent ainsi que leurs enfants. »

« On parle beaucoup des féminicides et des violences conjugales (…) mais on ne dit pas assez que parmi les centaines de milliers de personnes qui sont victimes chaque année de violences physiques et sexuelles, il y a en majorité des enfants. »

« Quand on parle de culture du viol, on ne dit pas assez que c’est une culture du viol des enfants. »

« Il y a 135.000 fillettes qui sont violées chaque année et 35.000 garçons. »
« Une fillette sur cinq en France est victime d’agression sexuelle - et pour beaucoup avant onze ans (…). Il y a 0,4% de pédocriminels qui sont condamnés en France. »

Sur le mouvement #MeToo

« #MeToo était une très bonne chose et l’intervention d’Adèle Haenel aussi. Dans les milieux féministes, on a considéré que c’était une respiration. Là, pour le coup, on a un discours féministe, antisexiste et qui n’est pas du tout raciste. C’est nouveau dans la parole majoritaire. »

« Je suis pour l’auto-organisation là où l’on est. »

« Les organisations féministes en France ne sont pas puissantes, elle n’ont pas un bon rapport de forces politiques. Elles sont à la marge. »

« Sur la question des femmes descendantes de l’immigration post coloniale, il y a un problème de racisme par le fait qu’il est déterminant dans la culture du viol. »

Sur l’invisibilisation des femmes et leur rôle dans la société

« Ce qui me choque, ce n’est pas qu’il y ait peu de femmes non-blanches à la télévision, c’est que le cinéma français évolue vers un cinéma de plus en plus blanc et bourgeois. Et quand il y a des Noir-es et des Arabes dans les films – et notamment des femmes –, j’en suis à me dire qu’il vaudrait mieux qu’il-elles n’y soient pas : c’est de la pure décoration liée à des quotas dans des rôles stigmatisants. »

« L’important, c’est la représentativité au niveau local. »

« Il y a un décalage entre les organisations politiques nationales qui peuvent avoir un discours de décoration avec les minorités, et les mêmes organisations au niveau local qui mènent une guerre sans pitié – même sur des choses aussi anodines que l’alternative végétarienne – pour ne pas permettre aux femmes issues de l’immigration post-coloniale et des quartiers populaires d’accéder au pouvoir politique local. Mais même le fait de voir ces femmes s’organiser de manière autonome, ça provoque une guerre ! »

« Il y a un gros problème, lorsqu’on parle de grandes marches féministes ou anti-racistes, de déterritorialisation : les luttes sont souvent hors-sol. »

Sur la marche contre l’islamophobie

« Tout a été fait pour torpiller cette marche. »

« J’ai participé à beaucoup de marches dans ma vie : et il n’y a que ça des propos racistes, sexistes, homophobes ou antisémites dans des marches CGT ou de gauche ! Alors que là, dans la marche contre l’islamophobie, c’était nickel. »

« Ce sont des musulmans et des musulmanes qui ont organisé la marche : c’est une démarche autonome et c’est cela qu’on ne supporte pas. »

« La gauche, et notamment le PS et le PCF, a l’habitude de nous gérer, nous les populations des quartiers populaires. »

« A partir du moment où des personnes s’organisent en autonomie que ce soit des femmes, des personnes issues de l’immigration, des gens des quartiers populaires : il y a une remise en question d’un ordre établi par des notables et les classes moyennes supérieures. »

« Aujourd’hui, l’islamophobie tue. »

« L’attentat de Bayonne était politique, avec un discours politique de la part du terroriste qui a fait ça. »

« On vit dans un pays où l’islamophobie est prégnante et elle nous agresse, nous musulmans et musulmanes, au quotidien. »

« Avec la marche contre l’islamophobie, on a relevé le niveau de la France à l’étranger. C’est l’honneur de la France. »

« Il va y avoir des suites à la marche contre l’islamophobie. »

Sur la place des quartiers populaires dans les mobilisations du 5 décembre

« Je souhaite que la place des quartiers populaires soit la plus massive possible. »

« Le 5 décembre, la question sociale est centrale et dedans, il y a la question raciale et les inégalités de genres. »

« Le 5 décembre, il faut se positionner contre l’Etat Macron. »

« En tant que féministe et qu’anti-raciste, c’est contre l’Etat Macron qui casse les services publics, le système de solidarité, qui isole les gens qu’il faut se mobiliser ! Et avec une conscience de classe ! »

Pour visualiser la vidéo de l’entretien.

Fatima Ouassak

Féministe française, porte-parole du Front de Mères et fondatrice du réseau Classe/Genre/Race, qui agit contre les discriminations que subissent les femmes issues de l’immigration post-coloniale.

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