Édition du 7 mai 2024

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Question nationale

L'angle mort du Parti québécois : son arrêt de mort ?

On s’interroge pour s’en réjouir ou le déplorer sur l’avenir du Parti québécois et ses difficultés. Plusieurs analystes se demandent même s’il en a encore un. D’autres s’accrochent à l’espoir qu’il parvienne à rassembler ce qui reste de forces souverainistes et souhaitent sa convergence avec Québec solidaire, seule autre formation indépendantiste. Ils accusent d’ailleurs le petit parti gauchiste d’intransigeance opportuniste et lui en veulent de diviser le vote souverainiste.

Les responsables péquistes proclament par ailleurs qu’au cours du processus de refondation du parti, « tout sera sur la table », sauf l’option indépendantiste. Ça promet !

Le grand parti politique mis sur pied avant tout par René Lévesque et des réformateurs de la Révolution tranquilles n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut autrefois. Ses heures de gloire sont terminées.

Mais la division du vote « de gauche » (nationaliste et social-démocrate) qui s’illustre par l’existence de deux formations partisanes rivales traduit les difficultés de la gauche (ou plutôt « des gauches », tant sociales que culturelles) de réinventer une position rassembleuse, elle n’en n’est pas la cause.

Si Québec solidaire a vu le jour en 2006 sous l’impulsion de Françoise David et d’Amir Khadir, c’est à cause de la désillusion d’une bonne partie de la gauche sociale, déçue de la conversion (déjà ancienne à cette époque) des directions péquistes successives à ce qu’on a appelé le néolibéralisme, ce qui s’est traduit par des compressions budgétaires aussi massives qu’arbitraires et le soutien au « Québec Inc » alors en émergence bien plus qu’en raison des échecs référendaires de l’option souverainiste de mai 1980 et d’octobre 1995.

Au début, Québec solidaire était peut-être davantage socialiste qu’indépendantiste. Le parti bien que souverainiste, prônait en cas d’arrivée au pouvoir une assemblée constituante dite ouverte où citoyens et citoyennes tant d’allégeance souverainiste que fédéraliste se rassembleraient pour concocter une question à soumettre au peuple sur l’avenir national du Québec. Celle-ci ne devait donc pas porter nécessairement sur l’indépendance mais pouvait tout aussi bien proposer une forme ou une autre de fédéralisme renouvelé.

Ce fut la position officielle du parti jusqu’à la fusion avec ON, fusion qui dans le protocole d’entente oblige à un nouveau congrès sur la question nationale qui aura lieu fin 2019. Là devrait être discuté entre autre une assemblée dite fermée, c’est-à-dire ouverte aux seuls souverainistes. Cette modification résultait d’un changement partiel de garde, Gabriel Nadeau-Dubois un indépendantiste de stricte obédience ayant remplacé Françoise David comme coporte-parole du parti (l’autre demeurant Amir Khadir).

Québec solidaire se déplaçait donc davantage qu’avant dans la direction souverainiste sur l’axe nationaliste, enlevant ainsi une carte maîtresse au Parti québécois mais s’éloignant peut-être par le fait même de certains milieux plus socialistes qu’indépendantistes, tant francophones qu’anglophones. Il allait perdre quelques autres plumes plus tard sur la question des signes religieux, mais ceci est une autre histoire.

Depuis, la compétition entre Québec solidaire et le Parti québécois se fait surtout sur la question de la souveraineté, qui se veut de gauche dans le premier cas, plus « réaliste » dans le second. Mais ce n’est pas forcément ce qu’en attendent une majorité d’électeurs et d’électrices dont la lassitude à l’égard de ce débat est palpable.

« Tout remettre en question » pour le Parti québécois devrait concerner tout d’abord l’orientation rétrolibérale que les directions du parti ont pratiquée depuis plus de trente ans, en dépit de leur rhétorique fleurie faussement social-démocrate. Faute de quoi, le parti continuera à piétiner au profit de Québec solidaire. Les deux sont de force presque égale en termes de vote et ils se neutralisent mutuellement.

Après tout, la Coalition avenir Québec (la CAQ) dont le chef est un ancien ministre péquiste tout comme bien des cadres occupe fort bien le centre-droit économique et il se fait le héraut d’un nationalisme autonomiste qui convient à bon nombre d’électeurs et d’électrices. Le Parti québécois propose la même chose, mais assortie d’une aventure perçue comme risquée : l’indépendance.

Quant à Québec solidaire qui leur apparaît plus authentiquement souverainiste que le Parti québécois, il a tout intérêt à ne pas faire dépendre la réalisation de ses engagements électoraux de la seule accession du Québec à l’indépendance. Le rêve d’une société plus juste et plus égalitaire motive beaucoup de ses membres plus que celui de la souveraineté, sans pour autant qu’ils renient l’objectif d’une autonomie plus grande pour le Québec, avec toutes les nuances qu’on peut imaginer.

Une fusion est-elle envisageable entre les deux partis ? Y ont-ils intérêt ? En stricts termes électoraux, devant une CAQ bien en selle, sans doute. Mais les péquistes consentiront-ils à jouer le jeu de Québec solidaire sur le plan du programme économique et social ? Rien n’est moins sûr.

Du point de vue de la direction péquiste, cela équivaudrait non seulement à renier presque quarante ans de politiques influencées par le rétrolibéralisme, mais à couper leur parti des tendances sociales et économiques majeures qui prévalent encore dans l’ensemble des pays occidentaux à divers degrés, et que la CAQ assume fort bien.

Pour finir, une devinette : qui a proclamé en 1985 que « la Révolution tranquille est finie une fois pour toutes » ?

Réponse : Pierre-Marc Johnson alors éphémère premier ministre successeur d’un René Lévesque démissionnaire, dans le dernier gouvernement péquiste alors en fin de mandat.

Jean-François Delisle

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