Édition du 23 avril 2024

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Retraites

L’amélioration du Régime des rentes du Québec

l’option à privilégier pour des raisons de sécurité et d’efficience

Cet article, daté du 20 janvier dernier a été publié sur le site de la FTQ ainsi que dans Le Devoir. Nous le publions en tant que partie du débat sur la question de la défense et l’amélioration des régimes de retraite. Il est écrit par Michel Arsenault président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et Michel Lizée coordonnateur au Service aux collectivités de l’UQAM et économiste spécialisé dans le dossier des régimes de retraite

Les interventions de Claude Castonguay depuis une semaine ont eu le mérite de relancer le débat
sur une nécessaire réforme des pensions pour s’attaquer à certaines réalités incontournables : une
incidence de la pauvreté et un taux de revenu insuffisant à la retraite, particulièrement pour les
personnes gagnant entre 25 000 et 60 000 $ par année, des régimes d’employeurs, dans le secteur
privé en particulier, malmenés et confrontés à des fermetures et des conversions ainsi qu’un taux
d’épargne nettement insuffisant. Il est quand même renversant de réaliser qu’un Québécois sur
deux de 65 ans et plus a des revenus suffisamment faibles pour être admissible au Supplément de
revenu garanti, un programme d’assistance visant les personnes âgées démunies. Si rien n’est
fait, les prochaines cohortes de personnes retraitées seront encore plus pauvres que la cohorte
actuelle, auront un taux de remplacement du revenu moins élevé et seront davantage dépendantes
des maigres programmes gouvernementaux d’assistance.

Monsieur Castonguay a donc raison de rappeler qu’une « société développée doit assurer à ses
citoyens un minimum de revenus »i et qu’en ce sens les politiques publiques doivent s’assurer de
réaliser un tel objectif. Il s’agit là d’une approche nettement plus intéressante que celle convenue
en décembre dernier par les ministres fédéral et provinciaux des Finances et qui propose un
nouveau Régime de pensions agréé collectif, qui n’est en fait rien d’autre au Québec que l’actuel
Régime de retraite simplifié, apparenté à un REÉR, administré par les institutions financières
mais où on va même retirer l’obligation que l’employeur soit tenu d’y contribuer. Ce type de
régime existe depuis une dizaine d’années et, en 2008, le total des actifs dans ces régimes pour
l’ensemble du Québec se limitait à 918 millions de dollarsii. Bref, le gouvernement du Québec,
s’il devait donner suite au consensus de la conférence de Kananaskis, s’apprêterait, au nom du
libre choix, à ne rien faire et laisser la situation se détériorer davantage.

L’amélioration du RRQ, une option à privilégier

Nous sommes d’accord avec monsieur Castonguay et de nombreux commentateurs que,
conformément à l’approche retenue en 1998, la cotisation au RRQ doit être réajustée le plus rapidement possible au niveau stable permettant d’assurer le versement des rentes promises et
maintenir la confiance de la population, des jeunes en particulier, envers le Régime. Il faut cesser
de remettre le réajustement des cotisations et agir maintenant !
Mais L’analyse qu’a faite monsieur Castonguay de l’option d’améliorer le Régime des rentes du
Québec, qu’il a écartée d’embléeiii, aurait gagné à être approfondie. Il lui reconnaissait déjà
l’avantage d’être facile à appliquer au plan administratif et de s’inscrire dans la continuité. Mais
elle a de nombreux avantages, si nous prenons en particulier la proposition mise de l’avant par
des organisations comme la FTQ, la FFQ, l’AQDR , Force jeunesse, des fédérations étudiantes
et d’autres groupes à partir de travaux réalisés par Bernard Dussault, qui a été actuaire en chef du Régime des pensions du Canada entre 1992 et 1998.

• En haussant progressivement de 25 à 50% le taux de remplacement assuré par le RRQ et
en augmentant de 47 200 $ à 62 500 $ (barèmes 2010) le plafond de revenu couvert, il
fait en sorte qu’on s’assure que les prochaines cohortes de personnes retraitées pourront
espérer un taux de remplacement du revenu à la retraite plus adéquat, tout en laissant de
la place aux épargnes personnelles.

• Afin d’éviter un certain nombre de difficultés liées au RRQ tel qu’il est actuellement
financé, le nouveau volet serait un volet distinct du RRQ actuel, pleinement capitalisé,
qui viendrait progressivement à maturité au cours des prochaines 47 années. Il s’agirait
donc d’une caisse de retraite, et non pas d’une taxe, où la rente serait fonction du nombre
d’années cotisées et du montant versé, et qui serait garantie et indexée le reste de la vie
durant grâce aux rendements obtenus. Il s’agit là d’une option sécuritaire, qui tient
compte des réalités actuelles du marché du travail avec un taux de roulement élevé de la
main-d’oeuvre et la montée du travail atypique, et où on en a pour notre argent. L’équité
intergénérationnelle de ce nouveau volet est donc pleinement assurée dès le départ, ce qui
explique pourquoi des groupes de jeunes ont appuyé avec enthousiasme cette approche.

• C’est l’option la plus efficiente. En profitant des faibles frais de gestion du Régime de
rentes du Québec (alors que les frais de gestion des REÉRS canadiens, selon des études
crédiblesiv, sont parmi les plus élevés au monde pour une performance souvent en deçà
des indices de référence) et du rendement d’une politique de placement diversifiée, cette
option permet de doubler la rente promise pour une augmentation de la cotisation
nettement moindre.

• Contrairement à l’approche des ministres des Finances, mais aussi de Claude
Castonguay, nous pensons que l’amélioration de la sécurité du revenu à la vieillesse est
un enjeu sociétal qui requiert la solidarité de l’ensemble des composantes de la société, et
pas seulement les travailleurs, et la législation doit obliger non seulement les travailleurs, mais aussi les entreprises, à cotiser à la solution retenue. D’ailleurs, politiquement, une
législation obligeant à cotiser à un régime sera mieux acceptée par la population si elle
inclut une cotisation obligatoire de l’employeur au bénéfice du travailleur.

• Pour les entreprises et les travailleurs déjà couverts par un régime de retraite, la mise en
place d’un tel régime public constituerait une opportunité pour ajuster en conséquence le
coût du service courant dans leur régime de retraite, atténuant ainsi les pressions
financières et comptables que doit supporter individuellement chaque entreprise et
permettant ainsi une viabilité accrue des régimes à prestations déterminées dans le secteur
privé.

• Monsieur Castonguay s’est inquiété de l’impact sur les travailleurs à faible revenu d’une
amélioration du RRQ. En relevant l’exemption au niveau des cotisations, la proposition
limite l’impact pour les travailleurs à faible revenu et leurs employeurs. Ainsi, un
travailleur gagnant 35 400 $ verrait sa cotisation passer de 4,5 % à 7,0 % de son salaire,
mais en contrepartie sa rente à terme augmenterait de 8 408 $ à 16 815 $.

Bref, l’approche qui est la plus sécuritaire, qui permet de garantir à l’avance un taux de
remplacement amélioré du revenu pour le reste de la vie durant tout en laissant une place à
l’épargne privée sur une base complémentaire, et où on en a le plus pour son argent, c’est une
amélioration du Régime des rentes du Québec. Pourquoi écarter aussi rapidement une telle
option ?

i Claude Castonguay, « Obliger à épargner pour la retraite - Une question de solidarité », Le Devoir, 19 janvier 2011

ii Régie des rentes du Québec, Portait du marché de la retraite au Québec (2e édition). 2010. P. 29

iii Claude Castonguay, Le point sur les pensions. Montréal, 2011. P. 28

iv John Rekenthaler, Michelle Swartzentruber et Cindy Sin-Yi Tsai, Global Fund Investor Experience. Morningstar
Fund Research, 2009 et Keith Ambachtsheeret Rob Bauer, “Losing Ground. Do Canadian mutual funds produce
faire value for their customers ?”, Canadian Investment Review, Spring 2007. Pp. 8-14.

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