Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

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L'après-confinement : oui ça va bien aller, mais à quelle condition ?

C’est là l’étrange, le remarquable et qui mérite qu’on s’y arrête : voilà que nous en sommes, au Québec, à la 5ième semaine de confinement pour cause de coronavirus et, reliés au monde par le seul brouhaha des médias sociaux et des grands groupes de presse, nous paraissons avoir cessé d’exister collectivement. Ou plutôt nous semblons avoir abdiqué de nos volontés politiques de nous faire entendre de manière indépendante, autonome, clairement alternative ou oppositionnelle.

Comme si nous nous étions trouvés devant un défi qui nous avait paralysés et mis brutalement "sur pause" pour un temps indéterminé. Nous laissant sans voix, déstabilisés. Ou encore nous obligeant vaille que vaille à faire le dos rond, à gérer nos peurs ou terreurs souterraines sur le mode du chacun pour soi. Chacun tout seul, à nous retrouver devant un mal invisible, avec pour seule armure l’isolement obligé ou, pour ceux et celles qui oeuvrent dans les services essentiels, les 2 mètres de distanciation prescrite, le lavage de mains répété, et des masques manquants... à ré-utiliser.

Et c’est un mal invisible d’autant plus inquiétant qu’il parait insaisissable, tout à la fois partout et nulle part, frappant les plus démunis et là où on ne l’attend pas (dans les CHSLD par exemple), renforçant quoiqu’il en soit, sous le coup de chiffres exorbitants brandis à satiété par les médias à sensation, nos angoisses les plus viscérales sur la mort qui rode... et notre nouvelle vulnérabilité en la matière...si inattendue que nous en sommes tout comme tétanisés.

Sur nos épaules d’individus isolés

Le pire c’est que nous prenons tout cela sur nos seules épaules d’individus isolées : non seulement nous suivons sans trop d’écarts les consignes sanitaires gouvernementales, mais encore nous avons appris qu’il faut en assumer toute la responsabilité, puisque comme on ne cesse de nous le répéter, ce n’est que grâce aux efforts de chacun, au confinement soigneusement exercé et accepté par chaque individu que nous pourrons enrayer le mal qui nous assaille, conclure donc, comme l’affirme Legault, que « ca va bien aller ! ».

Au point que sans même trop y faire attention, nous avons fini par faire cause commune en serrant les rangs derrière la figure du bon père de famille dans laquelle s’est coulé le Premier ministre de la CAQ, François Legault, adepte pourtant d’un néolibéralisme entrepreneurial mâtiné d’un nationalisme étriqué de la plus belle espèce.

Pourtant l’insuffisance manifeste de nos équipements médicaux tout comme la rareté de masques, des respirateurs ou des tests nécessaires, ou encore ces morts si tragiques et nombreuses dans les CHSLD ou cliniques privées et ces difficultés sans nombre vécues par les infirmières ou personnel de soutien se trouvant sur la première ligne, sont le résultat –il faut le dire— de choix politiques, de décisions et orientations politiques qui ont été ces dernières années directement encouragées par tous les partis néolibéraux, dont en premier chef la CAQ de François Legault.

Faire front ensemble

C’est là notre drame, le confinement sanitaire nous tient isolés les uns des autres, joue d’abord sur nos culpabilités individuelles et nous pousse à nous replier sur nous-mêmes, alors que nous sommes dans une situation où il nous faudrait comme jamais être socialement ensemble, faire front uni contre des politiques qui ont été jusqu’à présent dominantes et dont on voit comment elles s’avèrent catastrophiques.

Est-ce ce qui explique –au-delà des cris désespérés de quelques syndicats de base de la santé— le silence radio des grands appareils syndicaux ; eux qui sont pourtant discrètement à la manoeuvre et seraient pour plusieurs d’entre eux, déjà prêts à signer au plus sacrant, sur la base du statu-quo et sans la moindre consultation démocratique, de nouvelles conventions collectives ?

Est-ce ce qui explique la difficulté de QS à trouver le ton juste et à se muer en une opposition à la hauteur des enjeux de l’heure ; ne se contentant plus de faire des propositions constructives au gouvernement –la plupart du temps rejetées—, mais nous préparant d’ores et déjà aux grands enjeux, et par conséquent aux exigences des nécessaires grandes luttes collectives, sociales et politiques de l’après confinement ?

Le patronat, lui sait ce qui se s’annonce : des difficultés économiques majeures. Il se prépare, annonce ses couleurs : celle de l’austérité à venir. Il fait déjà pression sur les gouvernements, privilégiant comme de coutûme la solution qui a déjà si bien fonctionner pour lui en 2008 : « socialiser les pertes, privatiser les profits ».

Au Québec, les syndicats, les groupes communautaires et populaires, féministes, écologistes et autochtones ainsi que les partis politiques qui prétendent représenter leurs intérêts –au premier chef QS— sauront-ils de leurs côté annoncer eux aussi leurs solutions, sortir de leur quant à soi et se muer ici et maintenant en une force commune capable de faire contre-poids à ces velléités patronales dont on voit si clairement aujourd’hui toutes les lacunes ?

C’est à cette seule condition pourtant que l’on pourra se préparer pour l’après confinement et se dire les uns aux autres en toute confiance oui.. « ça va bien aller ! » Dès lors, qu’attendons-nous pour aller de l’avant ?

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

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