Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

L’indépendance, le changement de société et la lutte internationale pour la survie de la planète

La commission souveraineté de Québec solidaire a ramené les questionnements concernant le rôle de l’indépendance mais également les débats de fond qui sous-tendent la stratégie indépendantiste. Parallèlement Québec solidaire tiendra en mai prochain un conseil national durant lequel sera discutée la plate-forme électorale qui guidera notre prochaine campagne tant sur la question de la place de l’indépendance que sur nos perspectives environnementalistes.

Placer l’indépendance au cœur de notre stratégie

Les fausses solutions qui nous dirigent vers un cul de sac, quelques rappels historiques

Pourquoi les souverainistes se tournent encore vers le PQ. Comment peut-on attirer les péquistes vers nous ? Enfin le chef du PQ Paul St-Pierre Plamondon dit maintenant qu’il va faire l’indépendance et que ça doit être au premier plan.

L’appui à la souveraineté a constamment décliné depuis les trente dernières années et particulièrement dans les périodes où le PQ a été au pouvoir. Sa gestion économique anti travailleurs et anti sociale a eu un effet de repoussoir sur ce que pouvait représenter l’indépendance. Particulièrement chez la population jeune qui s’est tournée davantage vers la mobilisation altermondialiste. En effet la population péquiste actuelle représente plus son groupe historique qui est une population plus âgée (comparativement à QS). C’est ce qu’on retrouve dans les statistiques de sondages.

En fait, poser la question : comment attirer les péquistes vers nous ?, c’est poser la mauvaise question et par conséquent se tromper de cible. Selon les grands médias, Québec solidaire serait moins souverainiste parce que les sondages indiquent qu’un pourcentage important de la population non souverainiste ou fédéraliste vote pour QS. Mais c’est justement là où se situe le défi. Pour réaliser l’indépendance il faut convaincre une forte majorité de la population, dont ceux et celles qui n’y ont pas encore adhéré.

Et c’est là que réside la force de Québec solidaire : l’indépendance c’est un projet de société. Un projet inclusif basé sur les intérêts et les besoins de la majorité laborieuse. C’est en rompant avec le concept nationaliste et particulièrement avec le parti qui l’a porté jusqu’au nationalisme identitaire que QS a réussi à tailler sa place. C’est en démontrant que le projet de société que nous défendons passe par l’adhésion des travailleurs et travailleuses et de la société civile et non par celui des grandes entreprises et des multinationales.

L’indépendance est la voie de sortie de l’oppression de l’État canadien qui permet la redéfinition d’une société nouvelle. Mais elle ne représente que le début de la solution et comprend de nombreux défis.

La vision électoraliste du pouvoir, une illusion qui nous désarme

Le Parti Québécois n’a jamais placé la réalisation de l’indépendance au cœur d’aucune de ses campagnes électorales. La stratégie est d’abord de prendre le pouvoir, ensuite de l’exercer. Dans son cas il n’avait pas l’ambition de changer les rapports sociaux par rapport aux dominants si ce n’est que de constituer une nouvelle classe politique d’entrepreneurship québécois. La récession du milieu des années 1980 avait bien démontré de quel bois se chauffait le PQ lorsqu’il s’agissait de trouver des solutions à une crise économique. Ce sont les travailleurs du secteur public qui avaient écopé au moyen de lois drastiques que personne n’avait osé utiliser auparavant sauf Duplessis.

Le Québec maître chez nous a pavé la voie au Québec inc. La mondialisation de l’économie et l’emprise de plus en plus forte des multinationales a fait en sorte de faire disparaître au fil du temps la majorité de ce qu’on appelle les fleurons de l’économie québécoise, dont Bombardier, RONA…

Les traités de libre échange ont ajouté à ce scénario, entre autres celui avec l’union Européenne en 2013 qui s’est fait au détriment de l’industrie fromagère québécoise et au bénéfice du bœuf de l’ouest. Traité qui avait été appuyé par le ministre des affaires internationales Jean-François Lisée. La même chose s’est produite en ce qui concerne l’industrie laitière au Québec versus l’industrie automobile en Ontario lors des accords de l’ALENA.

Au final les grands secteurs du Québec inc sont devenus de plus en plus sous contrôle des multinationales ou réglementés par des accords multilatéraux. Il demeure cependant une grande exception, le secteur public québécois. C’est le seul endroit où en tant que société nous pouvons avoir encore un certain contrôle. Et c’est là que réside l’espoir, il faut étendre ce contrôle public pour le soustraire au contrôle spéculatif des industries. Il faut nationaliser le plus largement les secteurs de l’économie, en commençant par ceux qui sont le plus facilement réalisables, comme la construction et l’entretien des routes, la totalité des services de santé en commençant par les CHSLD privés, et voir à l’annulation des agences de placement privées…

Mais tout cela ne se fera pas sans heurts, sans résistances et sans combats. Gagner une élection et même former le gouvernement n’est pas suffisant. L’État est aussi assujetti au contrôle des banques, des agences de notations et à la primauté des multinationales. Le parlement lui-même relève de l’héritage monarchique dont les règles sont calquées sur le pouvoir de la royauté. La personne première ministre est la seule à décider de la composition du cabinet ministériel.

Une assemblée constituante permettra de redéfinir une façon républicaine de gestion démocratique de la société, mais cela sera constitué par un renversement du pouvoir des corporations et des banques et nécessitera une forte mobilisation.

Une campagne électorale doit d’abord être une campagne politique

Une élection doit être le point d’encrage qui se situe dans la continuité d’un plan d’action, de mobilisation et de politisation qui seul pourra être en mesure de construire un rapport de force pour changer cette société dont les règles sont ancrées dans la protection des intérêts privés des dominants.

Le projet de plateforme électorale soumis au prochain conseil national de Québec solidaire est présenté comme une liste de revendications de ce que ferait un gouvernement solidaire. En campagne électorale cette plateforme est découpée en parties qui sont présentées selon les événements de campagne et selon la conjoncture électorale. Cela ne permet pas de présenter la logique globale, essentielle à une bonne compréhension, qui seule peut susciter l’adhésion à un projet politique de changement social.

L’autre obstacle est qu’une telle campagne est limitée à indiquer ce que l’on fera en tant que gouvernement mais pas ce qu’on doit faire maintenant. Finalement la volonté de vouloir gagner l’élection conduit souvent à ce que la stratégie soit uniquement centrée l’augmentation de la députation.

Cette vision évacue aussi le fait que Québec solidaire est un parti politique de gauche et pas un organe de soutien à sa députation à l’assemblée nationale. En fait le parti est en soutien à sa députation et doit servir à mobiliser la population sur le terrain, mais la députation est redevable au parti qui est l’organe de décision et des orientations.

Le PQ a transformé le projet indépendantiste en projet de gouvernance provinciale avec les conséquences qu’on connait. Nous ne pouvons pas commettre la même erreur.

L’indépendance, la lutte de classe et le nationalisme

L’idée de l’indépendance du Québec découle de l’historique de la construction de l’État canadien comme État impérialiste et oppresseur des peuples et ne peut s’appuyer que sur un projet qui rassemble les forces sociales qui luttent pour leur émancipation.

Le concept de rassembler les souverainistes est une vue de l’esprit qui ne correspond pas à la réalité. Cela réfère à l’idée de grande famille souverainiste, nécessairement interclassiste. Cette idée a servi à la promotion d’un projet nationaliste bourgeois et à la négation de l’expression des mouvements de lutte pour de meilleures conditions de vie et ultimement pour une société égalitaire. Sa gestion par les différents gouvernements péquistes en a d’ailleurs fait la preuve avec les différentes offensives anti sociales.

Ce concept s’appuie également sur l’union de la gauche et de la droite avec pour conséquence l’embrigadement de la gauche. Il n’y a aucune perspective de changement de société de cette façon. Le rassemblement souverainiste nous amène à adhérer à l’idée de nation. Laquelle est selon ce concept, homogène. Le nationalisme identitaire est le fruit de cette logique, et l’antithèse d’une société égalitaire et inclusive.

La lutte de libération nationale du Québec ne passe donc pas par cette perspective d’alliance souverainiste.

Il faut comprendre que l’indépendance du Québec, si c’est bien ce dont on parle, a toujours été et est toujours inacceptable pour l’État canadien. Ce projet sera le fruit des alliances des forces sociales dans un projet inclusif de redéfinition des bases de cette société et de prise en main de notre destinée. Le combat pour l’indépendance ne pourra se résoudre que par la construction d’alliances avec la classe ouvrière du Reste du Canada et avec les nations autochtones.

Changer le rapport de force mondial pour sauver la planète

La force d’un parti de gauche comme Québec solidaire est basée sur la mobilisation et l’adhésion politique à un projet qui nous permet de sortir du carcan imposé par la classe capitaliste dominante. L’élection est le moment privilégié pour faire connaître notre projet et indiquer quels sont les obstacles qui se dressent devant nous et les tâches qui en découlent.

La crise environnementale et les pandémies successives qui en découlent nous indiquent que le défi de sauver la planète ne peut plus attendre. Notre projet politique doit s’articuler avec une stratégie qui combine la prise de pouvoir pour changer la société et la mobilisation pour changer la société maintenant, en conjonction avec les forces sociales qui luttent ailleurs dans le monde pour sauver la planète.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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