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La Fête de l’Huma ouvre la voie d’une riposte

Paris, le 22 septembre 2007

Les plus de 500 000 participants à la Fête de l’Humanité ont tracé du 14 au 16 septembre la première ébauche d’une riposte unitaire face au rouleau compresseur néolibéral du MEDEF et de la droite. Signe du maintien et de l’actualité des valeurs de solidarité et de fraternité, la Fête dément en outre la vision dominante voulant imposer l’ordre capitaliste comme une fatalité historique.

Une riposte timide de la gauche politique

Pour la première fois depuis longtemps, un débat a rassemblé, samedi le 15 septembre, les différentes formations de la gauche – PS, Verts, PCF, LCR – avec pour but de répondre aux attaques du gouvernement Sarkozy – Fillon. Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, s’est réjoui qu’enfin une réunion de la gauche politique ait eu lieu pour discuter de la riposte à l’offensive gouvernementale. La question cruciale du prochain trimestre sera à ses yeux de savoir si les luttes à venir pourront être victorieuses. C’est donc là-dessus – et non pas sur une quelconque alliance pour les élections municipales de mai 2008 – que doivent porter les débats des responsables de la gauche politique.

Marie-George Buffet (PCF) a pour sa part soutenu qu’il ne faut pas opposer une gauche des luttes à une gauche de gouvernement puisque sans l’exercice du pouvoir, il ne peut y avoir de transformation sociale par les seules luttes. Elle a en ce sens appelé au rassemblement des gauches autour de la riposte à Sarkozy et pour la discussion d’un projet commun. A quoi François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, a répondu en proposant des listes communes pour les prochaines élections municipales. Pourtant, plusieurs questions restent en suspens ; dont celle-ci, qui est cruciale : quelle gauche politique voulons-nous ? Les gouvernements de la gauche plurielle menant une politique de droite ne sont pas étrangers à la victoire de la droite en mai dernier.

Une rencontre des formations de gauche a eu lieu notamment le 18 septembre au siège du PCF sous l’égide du « collectif de la Riposte ». Dans la même journée, Nicolas Sarkozy dévoilait ses projets de réforme pour fonder « un nouveau contrat social » dont le contenu est à la hauteur des attentes du MEDEF et de la bourgeoisie : assouplissement du Code du travail, contrat de travail unique, abrogation des régimes spéciaux de retraite, remise en question de la Sécurité sociale, fusion de l’ANPE et de l’Unedic, chasse aux chômeurs récalcitrants, abandon de la semaine de 35 heures. On prend la mesure de ces projets lorsqu’on pense à la réaction de Laurence Parisot, présidente du MEDEF : « Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours fondateur, il a esquissé une nouvelle architecture sociale. » En face de cette droite dure, la déclaration commune du « collectif de la Riposte » ne semble pas à la hauteur de la tâche. Dénonçant « la plus vaste offensive antisociale » depuis 1945, sa réponse n’est qu’une invitation aux forces de la gauche à « contribuer aux mobilisations nécessaires » qui restent pourtant en suspens. Seule la journée de refus des franchises médicales du 29 septembre est mentionnée comme un « signal clair » contre la croisade du gouvernement.

L’ébullition des mouvements sociaux

L’annonce de la rencontre unitaire de la gauche au cours d’un débat tenu samedi à la Fête de l’Humanité intervient alors que les grandes centrales syndicales durcissent le ton envers le gouvernement. Après une série de rencontres de « concertation » avec le chef de l’Etat, les dirigeants syndicaux ne sont pas convaincus des orientations de la politique gouvernementale. Bernard Thibault a lancé un appel à la mobilisation des salariés dans les semaines qui viennent puisque Nicolas Sarkozy « enfourche, selon le secrétaire général de la CGT, toutes les revendications du MEDEF ». Réagissant au discours de Nicolas Sarkozy sur les réformes sociales, la majorité des centrales syndicales appellent à la vigilance, alors que certaines appellent à la mobilisation. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a jugé que le « président de la République ouvre des chantiers utiles (…) [mais] le calendrier est intenable. » A l’opposé, Bernard Thibault a dénoncé le décalage du discours de Sarkozy et les attentes des salariés sur le pouvoir d’achat, la précarisation et la santé et retraite. Conclusion : la mobilisation sociale est nécessaire. Une journée de grèves et de mobilisations a été annoncée par les fédérations de cheminots pour le 18 octobre prochain. Parallèlement, plusieurs syndicats de la fonction publique ont été échaudés par les déclarations du président. Ce dernier a parlé d’une refondation du « pacte » des fonctionnaires avec l’Etat : individualisation des rémunérations, contrats de droit privé, mobilité accrue entre les administrations, non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite. Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU : « ce projet tourne le dos à une fonction publique moderne ». En résumé, il semblerait que Nicolas Sarkozy ait décidé de passer en force voyant l’atonie de la rentrée sociale. Ayant annoncé la couleur de ses réformes, la droite au pouvoir contribue à unir les mouvements sociaux (par l’ampleur des attaques et des reculs), et oblige à la mobilisation des directions syndicales qui ne cherchent pas à remettre en question le fond de ces réformes, mais à négocier leur mise en œuvre.

Une Fête populaire de la solidarité et de la fraternité

Si la Fête de l’Huma constitue sans doute un point tournant pour la rentrée (s’il y en a eu…) de la gauche politique, son succès enregistre également l’attachement de sections importantes de la société française aux valeurs et traditions de la gauche : égalité, solidarité, internationalisme, fraternité. Quelle surprise en effet pour les tenants du pouvoir que de voir tant de gens adhérer à ces idées, à une époque où le culte de l’individu, l’adoration de l’argent-roi et la fin de l’histoire constituent des vérités acceptées – pensait-t-on – par tout le monde. Ce n’est donc pas étonnant que les idéologues libéraux assimilent cette grande Fête populaire à une futilité culturelle, sans contenu politique.

Placée cette année sous le signe de Guy Môquet (jeune communiste assassiné par les nazis que N. Sarkozy tente d’instrumentaliser) et de Che Guevara, mort en Bolivie il y a quarante ans, la Fête de l’Huma s’est déroulée à La Courneuve, en banlieue parisienne. De Johnny Cleg, invitant à « ne pas baisser les bras », à La Rumeur, qui préconise « un art mobilisé sur les questions sociales », une foule d’artistes (Renaud, Olivia Ruiz, Grand Corps Malade, Iggy Pop, etc.) ont participé aux spectacles de la Fête. En parallèle, un foisonnement de débats et d’expositions : sur les banlieues, sur la domination de la finance, sur l’Afrique, sur les mouvements sociaux latino-américains. Puis des rencontres, comme celle organisée avec… Aleida Guevara, fille du révolutionnaire célèbre, qui continue à militer à travers le monde pour le socialisme.

Au final, ces trois journées (14-16 septembre) auront redonné un souffle au « peuple de gauche ». Depuis la défaite de mai dernier, le matraquage médiatique d’un nouveau pouvoir affichant sans complexe son arrogance à l’égard des classes populaires annonçait déjà la couleur de la rentrée. On peut se risquer à dire qu’aujourd’hui qu’une riposte politique unitaire de la gauche ne fait plus partie de l’utopie ; la voie est ouverte, à nous d’en tracer la suite.

Mots-clés : France International

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