Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Monde

La géopolitique capitaliste entre Gaïa et le prolétariat.

Les lignes de fractures s’élargissent, les plaques tectoniques glissent et les morceaux de banquises fondent. Bing, voilà que ces métaphores qui me sont venues pour introduire cet article n’ont rien de fortuit. Elles sont géologiques et climatiques, car la mise en crise et en mouvement rapide des domaines géologique et bioclimatique surdétermine désormais tout développement politique international ou national, global ou local.

24 septembre 2023 | tiré du site aplusoc.org
https://aplutsoc.org/2023/09/24/la-geopolitique-capitaliste-entre-gaia-et-le-proletariat-vincent-presumey/

Il faut être plus précis encore : l’année 2023 voit une accélération quantitative et qualitative. On pouvait jusque-là croire encore (mais c’était faux) que des « évènements extrêmes » s’intercalaient entre des périodes « normales », simplement un peu plus chaudes en moyenne. Le basculement a lieu vers une réalité dépourvue de toute période « normale » et ce n’est pas une affaire séculaire, mais l’affaire des semaines que nous vivons, maintenant – avec des conséquences d’échelle plus que séculaires, géologiques.

« Évènements extrêmes » et catastrophes vont s’enchaîner en continu. La crise de la couche géologique, biologique, atmosphérique et humaine formant cette pellicule dans laquelle nous interagissons, est la crise de tous les jours et nullement une routine, mais bien une amplification. Les autres données de la crise sociale, de l’inflation aux luttes sociales, se combinent à elle et forment avec elle un tout.

Donc, s’il m’est souvent arrivé d’écrire que la « géopolitique » est un domaine idéologique fictif, car la sphère des relations et des rapports de forces entre « acteurs internationaux » dont elle traite repose sur la lutte des classes comme réalité internationale, il faut en même temps la subsumer sous ce facteur, qu’on peut, somme toute, à condition de ne pas y voir une divinité, mais un processus chaotique incontrôlé déclenché par l’accumulation capitaliste, appeler le facteur « Gaïa » : ce n’est pas « la planète », c’est notre pellicule vivante : sociétés, biosphère, atmosphère, lithosphère.

La lutte des classes de celles et de ceux d’en bas devient alors, est déjà devenue mais il faut l’exprimer, l’assumer et en tirer les conséquences, la lutte du, par, et pour, le vivant, contre le capital.

Par exemple, depuis quelques jours (photo en tête de cet article), des milliers d’habitants des îles indonésiennes de Rempang et de Batam, situées en face de Singapour, affrontent les violences de la police et de l’armée qui veulent les exproprier de leurs villages et de leurs terrains communaux pour installer la plus grande verrerie du monde, dont l’implantation a été triomphalement annoncée par le secrétaire général du PCC, le Parti Capitaliste Chinois, Xi Jinping, et par le président indonésien, Jodo Widodo, que construirait la firme géante Xinji Glass. Un tel affrontement a les pieds enracinés dans les vieilles luttes des peuples pour leurs communaux, quel que soit le nom qu’on leur donne : ce sont les « voleurs de bois » de la Rhénanie mosellane qui ont suscité les premiers écrits d’indignation sociale du jeune Marx.

Il faut l’établir clairement aujourd’hui : les « voleurs de bois », paysans indiens ou villageois indonésiens, Indiens et pionniers d’Amazonie dans la même galère, sont, avec les vendeurs de leur force de travail et avec ceux qui ne parviennent pas ou ne parviennent plus à la vendre, le prolétariat mondial, la classe qui n’est plus une classe mais subit la menace totale de destruction du monde par le capital. Elle est majoritaire.

Attention, elle n’a pas de vocation par essence ni de destinée manifeste à sauver le monde. Simplement, les individus qui la composent sont acculés à un moment ou à un autre, et de plus en plus souvent, à se battre pour exister et pour qu’existe un monde vivable. C’est tout, mais c’est suffisant pour les pousser à se constituer en sujets révolutionnaires agissants, ce qu’ils ne sont que lorsqu’ils agissent quand ils y sont contraints, et ils le sont.

Le message du « G20 ».

La sphère des « relations internationales » a pour acteurs les représentants du capital par l’intermédiaire des États. Ces faisant fonction de l’accumulation s’entrechoquent entre eux. Leur place par rapport à Gaïa et au prolétariat est bien illustrée par le communiqué final du dernier sommet du « G20 » qui a suscité des commentaires ironiques ou blasés.

Ce communiqué associe tous les membres du « G20 » (Arabie saoudite, Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Russie, Turquie, Royaume-Uni, Union Européenne) et les invités à ce sommet tenu en Inde début septembre (Bangladesh, Égypte, Île Maurice, Pays-Bas, Nigeria, Oman, Singapour, Espagne, Émirats Arabes Unis).

Amusons-nous de la première phrase : « Une seule planète, une seule famille, un même avenir. Telle est notre devise. » Ceux-là même qui entendent assurer la poursuite de l’accumulation capitaliste qui menace l’avenir aimeraient bien que la masse humaine se sente comme une « famille » avec eux, pour l’encamisoler, alors qu’elle ne peut l’être que contre eux. Et entre eux aussi, il n’y a que rapports de force.

Comme tout le monde a dû le souligner, ce texte mondial contient des déclarations générales de lutte contre le réchauffement climatique impossible à nier, mais ces déclarations ne comportent strictement rien contre la production d’énergies fossiles hormis une phrase sur la diminution progressive des aides publiques qui leur sont accordées. Et elles commencent par cette autre petite phrase, premier point mis en avant pour « agir de manière concrète » : « Accélérer la croissance pour la rendre forte, durable, équilibrée et solidaire ».

ACCÉLÉRER la croissance : la religion du capital et de l’accumulation est leur unique credo. Il détruit toute lutte effective et si les mots « équilibrée » et « solidaire » sont dans ces conditions de l’humour noir, les mots « forte » et « durable » sont menaçants : ça sera fort et ça doit durer, contre les habitants de Rempang et de Batam, contre les voleurs de bois du monde entier, contre les prolétaires, contre le vivant. C’est cela, leur « développement durable » !

Corollaire de ce positionnement : le retrait des troupes russes d’Ukraine, dans la principale guerre actuellement menée, est évidemment absent. La Russie a signé le communiqué disant qu’il ne faut pas employer la force pour prendre des territoires et qu’il est très vilain d’employer ou de menacer d’employer l’arme nucléaire (c’est signé par toutes les puissances nucléaires : pourtant la possession et la production de ces armes est une menace, c’est-à-dire une menace d’emploi, de la part d’elles toutes !).

Concrètement, les représentants des États dominant le monde ont signé un texte dont le vrai contenu est en creux : ne pas toucher aux énergies fossiles et ne pas pousser les troupes russes hors d’Ukraine. Tels sont l’alpha et l’oméga malgré les conflits, tel est le vrai contenu de l’union sacrée au service du capital à l’échelle mondiale. Ces deux aspects sont structurellement liés.

En effet, premièrement, la « lutte contre le réchauffement climatique » n’est en rien un principe qui prime, ce qui prime, c’est qu’il faut « accélérer la croissance » capitaliste. Donc accélérer le réchauffement climatique : répétons-le, cette « accélération de la croissance » est le premier point dans leur liste de ce qu’il faut soi-disant faire pour « lutter contre le réchauffement » !

C’est pourquoi toute réduction de la production d’énergies fossiles est exclue.

C’est exactement comme si devant un grand incendie le chef des pompiers disait : « nous allons mener la lutte contre l’incendie, voici la liste des mesures que, courageusement et responsablement, nous allons prendre. Première mesure : il faut accélérer l’arrosage à l’essence des zones non encore incendiées ! »

Jean Jouzel, climatologue de premier plan, est allé voir les patrons français du MEDEF fin août et il en est ressorti en déclarant : « Capitalisme et lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles ».

Deuxièmement, il est impossible aux « grands de ce monde » de dire que les troupes russes doivent être battues en Ukraine et donc de faire en sorte qu’il en soit ainsi, et si cela leur est collectivement impossible ce n’est pas seulement en raison de leurs divergences, car après tout, c’est bien leur choix politique explicite et volontaire d’avoir associé à leur conciliabule officiel les représentants du régime russe, en sachant très bien ce qu’ils faisaient. Ils ont un intérêt commun dans cette affaire.

La chute de Poutine par la défaite militaire russe en Ukraine et l’expulsion des troupes russes de toute l’Ukraine, Crimée comprise, et par la résistance antiguerre en Russie et en Biélorussie, ouvrirait une énorme brèche mondiale vers la prise en main de ses affaires par la majorité humaine, et donc de la lutte contre le réchauffement climatique et pour que ses conséquences soient les « moins pires » possibles. Ce serait une très mauvaise affaire pour ceux qui veulent que la croissance accélère et accélère encore, les incendiaires. Certes, les actions du régime russe les inquiètent car cet impérialisme est présentement le plus brutal et le plus imprévisible, mais sa défaite et son effondrement leur font bien plus peur encore.

Tout se tient. L’union sacrée des grands de ce monde qui en même temps se dévorent entre eux, c’est cela :

« Sainte accélération de la croissance, soit forte et durable et prend le dessus sur les humains et sur le vivant. Pour qu’il en soit ainsi, extrayons, extrayons, brûlons, brûlons, brûlons encore pétrole, gaz, charbon et forêts, tout en proclamant que nous sommes une seule famille qui lutte contre le réchauffement climatique. Et pour qu’il en soit ainsi, laissons s’épuiser les Ukrainiens et préservons l’État russe, car s’il tombait, nous pourrions ne pas contrôler la situation et la croissance pourrait ne pas accélérer ! »

Deux quadratures du cercle, une impasse.

Que l’on comprenne bien : contrairement à ce que l’on pourrait ressentir, on n’est pas en train de dire ici que les grands de ce monde et les capitalistes sont nécessairement méchants. La dynamique de l’accumulation du capital est une fuite en avant exponentielle qui est devenue à présent mortelle pour le monde, notre monde. Les grands de ce monde et les capitalistes ne sont pas des incendiaires parce qu’ils aiment ça (ça peut arriver, mais ce n’est pas la raison initiale). Ils craignent réellement que le réchauffement les dépasse, dépasse l’accumulation, engendre des coûts insurmontables, submerge des centres d’affaires, casse les liaisons et les flux, fasse sortir de leur lit les eaux et les populations migrant en masse pour leur survie. Ils aimeraient bien éviter tout cela, mais pour leur unique raison d’être : l’accroissement de la survaleur et du capital, et cette raison d’être suscite et aggrave tout ce qu’ils craignent – dans ces conditions, le « coût » devra être assumé par les peuples et les États, ils sont là pour ça, n’est-ce pas. Et ils tireront profit des catastrophes s’ils sont toujours au pouvoir.

C’est une quadrature du cercle analogue à laquelle les confronte la situation entre la Russie et l’Ukraine. Qu’un État en détruise un autre, ils en ont déjà avalisé le principe en 2014 au plus tard, et ce n’est pas l’existence des Ukrainiens qui leur fait souci, mais la dynamique de fuite en avant du régime russe, qui est une version overbookée de leur propre fuite en avant : l’impérialisme russe, ce maillon faible, offre aux autres puissances impérialistes le spectacle de leurs propres contradictions exacerbées. Tout aurait été plus simple si l’Ukraine avait été soumise : ils auraient fait de grandes déclarations et un peu puni financièrement la Russie, pour se consacrer, dans le cas de Washington, aux préparatifs de guerre en mer de Chine sans plus de perturbations.

Mais en février-mars 2022 la levée en masse de la nation ukrainienne a fait échouer la destruction de l’Ukraine. Dès lors tout est suspendu. L’Ukraine doit autant que possible rester sous contrôle, il faut donc l’aider, mais pas au point qu’elle gagne. Se donner ainsi le temps de négocier.

Négocier quoi ? Un arrangement au détriment de l’Ukraine qui sauve le régime russe. Sauf qu’une Ukraine amputée qui aurait signé le gel de son amputation ne sera pour le Kremlin qu’un fruit à avaler ou un danger insurrectionnel à détruire. Rien ne serait donc réglé par un « cessez-le-feu ». Les impérialismes « occidentaux » veulent à la fois que la Russie se calme et que l’Ukraine cède. Autre quadrature du cercle.

Des autres guerres, le communiqué du G20 ne parle pas. Au Tigré, le président éthiopien, prix Nobel de la paix et évangéliste givré, poursuit le massacre. A la frontière du Yémen et de l’Arabie saoudite les réfugiés tigréens, érythréens et yéménites se font tuer dans le silence médiatique planétaire. Et, moins de deux semaines après le sommet du G20 à Delhi, l’Azerbaïdjan a réussi à prendre le contrôle du Karabagh ou Artsakh, où le massacre, l’épuration ethnique, le génocide, ont sans doute commencé. Le « droit international » est parfaitement respecté ici puisque, conformément aux accords passés entre la bureaucratie russe et la Turquie en 1920, le Haut-Karabagh est azerbaidjanais, et la capture des Arméniens du Karabagh se fait avec l’aval d’Erdogan et de Poutine, même si ce dernier n’est plus maître de la situation régionale. En tout cas, il se venge d’avoir commencé à perdre le contrôle du pouvoir arménien.

Le réchauffement climatique et ses conséquences, les guerres et la question impérialiste russe : dans ces deux sphères, même impasse, et non pas deux impasses, mais une seule, celle du mode de production capitaliste et de sa forme politique comme système international d’États.

La multipolarité impérialiste.

Un mois avant le sommet du « G20 » à Delhi, se tenait le sommet des « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) à Johannesburg, Poutine y participant en visio. Les cinq « BRICS » ont annoncé leur volonté d’être 11 en janvier 2024, invitant officiellement à les rejoindre : l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Egypte, les Émirats Arabes Unis, l’Ethiopie, et l’Argentine. En dehors de l’Argentine, cette extension sanctionne la Sainte Alliance contre-révolutionnaire entre la République islamique chiite d’Iran, la monarchie sunnite saoudienne, la dictature égyptienne, les émirs du golfe et, en prime, l’évangéliste givré au pouvoir à Addis Abeba, contre tous les peuples du monde arabo-musulman, d’Iran et d’Afrique orientale. L’intégration de l’Iran est un défi aux Etats-Unis – et un alibi à la dérive ethno-nationaliste du gouvernement et de l’Etat israélien entré dans une crise historique.

Lula, peu après ce sommet, a annoncé que Poutine pourrait venir au Brésil l’année prochaine – mais comme l’appartenance du Brésil à la Cour pénale internationale (dont ne font pas partie les Etats-Unis) a été inscrite dans la constitution du Brésil sous sa propre présidence en 2004, il a ensuite, mollement, fait marche arrière.

Cette extension des BRICS, dont on verra le périmètre réel, porte en elle la formation d’une alliance non pas anti-impérialiste, mais anti-étatsunienne, de grande ampleur, entérinant surtout ce succès pour la diplomatie chinoise (et donc cet échec pour celle de Washington) que fut la « réconciliation » irano-saoudienne.

Elle la porte en elle, mais elle ne la réalise pas : l’antagonisme sino-indien reste virulent et l’Inde appartient au « Dialogue quadrilatéral pour la sécurité » avec les Etats-Unis, le Japon et l’Australie : alors que l’encerclement de la Russie par l’OTAN était un mythe campiste (l’extension de l’OTAN en Europe, après avoir contraint l’Ukraine au mémorandum de Budapest sur les armes nucléaires et les bases russes en Crimée, visait avant tout à enserrer l’Allemagne et préempter l’extension de l’UE), l’encerclement de la Chine tend, lui, à être une réalité, la Russie lui fournissant dans ces conditions un Interland incertain.

L’Inde entend jouer un rôle arbitral, hébergeant le « G20 », ayant des liens russes indépendants de l’emprise chinoise vers la Russie et l’Asie centrale, et soignant ses relations avec la France, avec le Royaume-Uni, et avec les Etats-Unis, où l’un des candidats à l’investiture républicaine, Vivek Ramaswamy, jusque-là trumpiste, s’est profilé pour remplacer Trump le cas échéant, sur la ligne de constitution d’un axe Etats-Unis/Russie/Inde contre la Chine, qui signifie évidemment la livraison de l’Ukraine au génocide poutinien. Ce profilage de l’Inde en impérialisme relais va avec l’ethno-nationalisme de Modi, les attaques contre la démocratie et les musulmans en Inde et sa désignation sous le nom de Bharat.

Les impérialismes « occidentaux » ne forment pas plus une entente potentielle unie dans la future guerre mondiale, que les impérialismes des « BRICS ».

Selon la plupart des commentateurs et assez logiquement – et guère plus de 6 mois après l’évacuation en mode panique de l’Afghanistan ! -, l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie depuis février 2022 et les menaces nucléaires de Poutine ont, certes, rétabli l’OTAN comme une structure cohérente, à l’exception sans doute de la place qu’y tient la Turquie, et l’ont sortie de la « mort cérébrale » à laquelle le président français Macron l’avait vouée à la suite de Trump, en 2019.

Cette restauration de l’OTAN a en fait été surtout assurée par le principal effet collatéral de l’attaque du 24/02/2022 pérennisé par la résistance ukrainienne : l’Allemagne a dû amorcer la coupure douloureuse du cordon ombilical gazier avec Moscou, commencer donc à se tourner vers le gaz liquide américain, et engager une importante politique de réarmement. Elle l’a en outre nantie de deux nouveaux membres, la Finlande et la Suède, et elle a renforcé son « partenariat » avec le Japon (ainsi qu’avec la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Gardons-nous toutefois de crier au grand retour de l’OTAN comme le font beaucoup, soit pour s’en réjouir, soit pour s’en inquiéter.

Car tout cela n’est qu’en partie vrai et peut être rapidement remis en cause par la quadrature du cercle russo-ukrainienne formant une impasse, dont il a été question plus haut.

Contrairement à ce que racontent les campistes, l’OTAN ne veut surtout pas être en guerre avec la Russie et elle ment chaque fois que les forces russes débordent, que ce soit à proximité de la Lituanie, en Pologne, par-dessus la Moldavie, vers la Roumanie, en mer Noire, ou dans l’Arctique.

L’hésitation est au sommet, à Washington, et elle est amplifiée à la fois par l’approche des élections présidentielles US, et par les effets du rationnement des livraisons d’armes à l’Ukraine, surtout en matière aérienne, à savoir la grande lenteur de la progression, néanmoins réelle, des troupes ukrainiennes sur le terrain : ce rationnement est donc à la fois une cause et une conséquence de l’hésitation structurelle de la politique internationale des Etats-Unis, qui n’a pas pris fin avec Biden ni avec le 24/02/2022. La CIA agit notoirement, de manière quasi autonome, pour éviter à tout prix un changement de régime à Moscou et imposer des négociations à l’Ukraine dès cet automne, escomptant bien l’absence de toute modification sérieuse de la situation militaire (ce qu’exposait Newsweek magazine dès le mois de mai 2023).

La multipolarité impérialiste est cette situation instable et mouvante, dans laquelle l’impérialisme nord-américain n’est plus le chef d’orchestre, mais seulement le premier instrument. Il est difficile de dire à quel moment la quantité s’est transformée en qualité et donc de dater le passage de l’unipolarité à la multipolarité : l’échec des interventions irakienne et afghane, la crise de 2008, la proclamation du pivot Asie-Pacifique, le moment Trump, les confinements lors de la pandémie et la crise du fret maritime à sa suite, ont été autant d’étapes. C’est comme si les Etats-Unis avaient, sans la mener, perdu une guerre, alors même qu’ils se préparent à la guerre avec la Chine, qui s’y prépare aussi et a, dans ces conditions, pu rattraper partiellement, mais efficacement semble-t-il, son retard initial.

Implosion française en Afrique.

Si un tel glissement a pu se produire concernant les Etats-Unis, il ne faut pas tellement s’étonner de l’effondrement sans phrases de la Françafrique, qui semblait une structure pérenne de ce monde d’avant, d’il n’y a pas si longtemps, qui déjà n’est plus.

Dans une certaine mesure, on peut faire un parallèle avec l’interventionnisme US permis par les attentats du 11 septembre 2001 en Irak et en Afghanistan puis sa débâcle, et la dernière grande poussée d’interventionnisme français suivie de sa déconfiture.

En 2011, les crises révolutionnaires en Tunisie, Égypte et Libye conduisent le président français Sarkozy, appuyé par l’Italie, à provoquer une intervention de l’OTAN, visant en fait à prévenir soit l’extension totale de l’insurrection, soit un basculement dans la guerre entre la Cyrénaïque libérée et la Tripolitaine encore tenue par Kadhafi. Ceci permet la liquidation de Kadhafi, qui en savait trop sur Sarkozy et ses finances (mais cette casserole suit Sarkozy depuis !). Ce fut là la façon propre à la Libye dont les masses furent privées des fruits de leur révolution, ce qui se produisit, sous diverses modalités, dans tous les États concernés par les révolutions arabes. Des morceaux de l’ancien État de Kadhafi, des groupes tribaux et les capitaux saoudiens, qataris et émiratis suscitèrent alors une poussée « djihadiste » depuis le Sud libyen jusque vers la région de Tombouctou et de Gao au Mali. Cette première grande attaque djihadiste vers le Sahel avait un caractère pillard, esclavagiste et capitaliste prononcé, et conduisit le nouveau président français, François Hollande, à une intervention au Mali dont la population, hormis les Touaregs, souhaitait la défaite des djihadistes envahisseurs. Ainsi, l’impérialisme français semblait être devenu la puissance dominante de quasi tout le Sahara à l’exclusion de l’Algérie.

Le pourrissement et la décomposition ont pris le relais. Incapacité totale à « faire la paix » en Libye, où Russie et Turquie interviennent bientôt aussi, et relations économiques néocoloniales au Mali, ont eu raison de l’efficacité anti-djihadiste initialement affichée. Les djihadistes ont rapidement évolué eux-mêmes, se greffant sur les questions nationales-culturelles touareg puis peule, et recrutant des jeunes sur la base de la misère et d’espérances millénaristes ou, simplement, comme recrutent les gangs (leur modèle, plus efficace en Afrique, est plus Boko Haram que Daesh).

L’absence de débouché révolutionnaire et démocratique à la révolution qui renverse Compaoré au Burkina en 2014, et au mouvement « anti-balaka » en Centrafrique, ont joué un rôle décisif dans cette progression djihadiste, totalement réactionnaire.

Tel est le contexte initial de ce que les commentateurs désignent à présent comme une « épidémie de coups d’État », en fait de natures diverses mais qui ont pour point commun d’avoir tous concernés une ancienne colonie française.

D’abord, le Mali : une mobilisation populaire à la fois antidjihadiste et antifrançaise se développant, des militaires prennent les devants par plusieurs coups d’États successifs en 2020 et 2021, aboutissant à pousser les forces armées françaises dehors. Mais, comme il ne s’agit pas du tout de représentants des intérêts des peuples du Mali, mais de l’épine dorsale de l’État néocolonial, ceux-ci se tournent vers d’autres parrains : l’impérialisme russe et ses mercenaires Wagner, qui débouchent sur l’Afrique, depuis 2011-2013, par plusieurs canaux : alliance avec le général Haftar en Libye, répression contre-révolutionnaire au Soudan, « sécurité » du pouvoir central en Centrafrique, et désormais Mali, où ils coachent une évolution totalitaire qui pourrait produire des craquements.

Si la Centrafrique n’a pas eu officiellement de coup d’État à un moment donné, on peut parler de coup d’État rampant, étayé directement sur les milices Wagner, aboutissant à faire de Faustin Archange Touadéra un président fantoche à vie (tient, on dirait la Françafrique !) – dans un pays dévasté.

Ensuite, le Tchad – car il ne faut pas oublier le Tchad, que l’ex-président Hollande dans une interview récente a malignement inséré dans la liste des coups d’États, pour taquiner Macron. Il s’agit en effet, dans cette liste, du seul coup avalisé, permis, et, sans doute, co-organisé par Paris, et non pas mené sans ou contre Paris, lors de la mort d’Idriss Déby en guerre avec la guérilla Toubou dopée par l’implosion libyenne, pour que lui succède directement et sans élections truquées Mahamat Idriss Déby fils. Le Tchad fut aussi un terrain d’affaires louches d’un homme lige de Macron ayant des liens mafieux avec la Russie, le fameux Alexandre Benalla …

Très important, le Burkina-Faso – car on a là sans doute le seul pays sahélien où une cohésion nationale a été construite par en bas lors de la période Sankara puis lors de la révolution renversant Blaise Compaoré en octobre 2014. Mais la poussée populaire et démocratique débouche sur une impasse et, depuis le Mali, une pénétration djihadiste dramatique se combine à un effondrement des services publics dans la moitié Nord du pays : pas d’écoles, les gens fuient vers la capitale. En janvier 2022, le coup de Sandaogo Damiba voit de jeunes officiers, soutenus et dans une large mesure observés et contrôlés par la population, tenter une restauration de l’Etat en tant que service public et garant de sécurité, avec comme perspective la démocratie ; le second coup, en septembre, installe le colonel Ibrahim Traoré au pouvoir avec comme ligne la dictature durable et une rhétorique faussement anti-impérialiste accélérant le départ inévitable des forces françaises et l’établissement de liens avec Moscou. La référence à Sankara est fallacieuse : ainsi, il faudrait interdire l’homosexualité pour affirmer la « culture nationale » « comme le fait la Russie » : ce sont des propos de pauvre petit officier colonial trônant sur la dislocation du système impérialiste français sans avoir compris comment il est arrivé où il est (assurément, le Burkina ne mérite pas ça).

Parallèlement, la Guinée : en septembre 2021, des militaires renversent Alpha Condé, qui venait de changer la constitution dans le but d’être un président à vie toujours réélu par des plébiscites truqués, comme les Bongo au Gabon, ou Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire autrefois. Une fois au pouvoir, confronté aux menaces de la CEDEAO, les militaires se rapprochent de ceux de Bamako et de Ouagadougou, mais l’alliance russe est ici ancienne et traditionnelle et n’a pas pour l’heure pris les formes de pillage et de mercenariat qui s’abattent sur le Mali, la Centrafrique et affleurent au Burkina. Un facteur important en Guinée est la pression, latente ou ouverte, d’un puissant mouvement ouvrier et syndical.

Ensuite, le « coup d’État de trop » pour Paris : au Niger, la garde présidentielle renverse le président en août dernier. Pourquoi est-ce trop pour Macron ? Certes, Orano, ex-Areva, fournit encore 18% de l’uranium français, mais le Kazakhstan et le Canada sont passés devant en la matière. Surtout, le Niger devait être le « bon élève », collaborant à la fois avec la France et les Etats-Unis, également présents militairement, et l’évident et légitime mouvement antifrançais qui accompagne et amplifie, dans la rue à Niamey, le coup d’État, pointe aux troupes françaises le signal du départ. Macron décide alors de ne pas bouger, maintenant les militaires dans leur base et l’ambassadeur dans ses locaux, assiégés, et escomptant une offensive militaire nigériane au nom de la CEDEAO, qui n’aura pas lieu à ce jour : les peuples, qui sont les mêmes de part et d’autre de la frontière, n’en veulent pas. Tout le monde parle des Russes car une partie de la jeunesse, trompée, les imagine en Zorros « anti-impérialistes », mais la junte cherche à s’appuyer sur les milieux d’affaire et discute avec les Etats-Unis.

Cerise sur le gâteau, et qui sort du Sahel pour toucher au cœur la zone équatoriale : le Gabon. En fait, on a ici un coup d’État préventif. Bongo (le fils) venait de se proclamer frauduleusement réélu, avec le soutien français. Le général qui prend le pouvoir est un membre périphérique du clan Bongo : une situation insurrectionnelle se préparait. La liesse populaire suscitée par le départ de Bongo encercle partout les militaires, un peu comme à Lisbonne un certain 24 avril 1974. Le nouveau gouvernement est grosso modo reconnu par tout le monde, France comprise, comme seul garant contre un « embrasement ».

On le voit, cette série de coups d’État, pas forcément terminée, est diverse, mais le point commun est l’implosion du système de domination français parvenu à sa mort cérébrale, pour reprendre l’expression que Macron avait cru pouvoir appliquer à l’OTAN !

A présent, Macron prend des initiatives a contretemps, qui ne s’en prennent pas aux petits dictateurs qu’il ne parraine plus, mais aux peuples : le refus des visas, des adoptions, les mesures de famine contre les peuples du Niger, les tentatives d’interdiction des liens culturels et des voyages d’artistes (dont beaucoup sont des opposants) scandalisent tout le milieu attaché aux liens culturels et coopératifs existants et qui espérait les voir perdurer de manière non néocoloniale. Un peu comme un enfant gâté piétine des jouets qui ne lui appartenaient pas pour se venger d’un affront contre lequel il n’a pas pu faire grand-chose.

Le départ de toutes les troupes françaises partout où il y en a encore, Tchad, Sénégal, Djibouti, Gabon, l’expropriation de Total-Energie, ce grand nuisible du réchauffement : revendications pleinement légitimes que bien peu de monde ou personne ne formule en France même !

Il faut aussi virer les Wagner, mais exiger le départ des troupes françaises ne fait pas le jeu d’autres impérialismes : l’immixtion russe se développe depuis des années sur les traces françaises, et non sans complicités françaises.

Ce qui, tôt ou tard, sortira de ces processus en Afrique, c’est la volonté populaire de se gouverner réellement soi-même, et c’est elle qui virera toutes les troupes et mercenaires extérieurs, conjuguant les grandes expériences de la révolution soudanaise et les espoirs portés au Burkina en 2014, qui restent ceux de toute la jeunesse de Dakar à Mogadiscio. Car le type de « gouvernance » vers lequel s’orientent les Goïta et autres Traoré combine la dictature d’opérette « anti-impérialiste » avec la sous-traitance de régions entières sans écoles ni service de santé, mais avec bandes armées, ici aux djihadistes, là aux firmes transnationales américaines, là-bas aux firmes transnationales chinoises, là encore aux ex-Wagner. Pour l’éviction symbolique de l’ancien impérialisme français, ils en ramènent plusieurs autres qui, tous, viennent se servir sur la bête. Le réveil des damnés de l’impérialisme sera terrible, que ce soit sur place ou dans l’élan migratoire de millions et de millions de jeunes.

La guerre centrale.

Le moment mondial présent est bloqué autour d’une guerre centrale, qui n’est pas une guerre inter-impérialiste – même si, bien entendu, comme dans toute guerre, les impérialismes existants s’en mêlent, se jaugent et se testent à travers elle -, qui n’est pas une proxy war, mais bien une guerre de libération nationale à portée révolutionnaire, si la victoire est celle de la nation en lutte pour sa libération, et à portée contre-révolutionnaire génocidaire, si elle est celle de l’impérialisme structuré par un État à l’idéologie fasciste qu’est la Russie.

S’il y a blocage, c’est parce que, du point de vue des grandes puissances, cette guerre aurait dû être perdue par l’Ukraine.

Elle n’était pour elles qu’une étape qu’ils souhaitaient brève : Washington et l’OTAN admettaient que la Russie reprenne le contrôle de toute la sphère soviétique sauf les pays baltes, espéraient qu’elle s’en satisferait, comptaient bien protester sans plus et exercer des pressions permettant de maintenir le capital russe dans sa situation d’oligarchie mafieuse liée à l’État, sans déploiement mondial réel (de ce point de vue, Wagner en Afrique est une excroissance anormale essentiellement permise par la déliquescence française aggravée par les gesticulations macroniennes), et passer au plus vite à la préparation de l’affrontement principal, avec la Chine.

Celle-ci, consciente de ces dispositions, se préparait de son côté à cet affrontement, surveillant une classe ouvrière et une jeunesse toutes deux dangereuses pour le pouvoir, écrasant les Ouïghours, mettant Hong-Kong au pas, et, surtout, se surarmant.

Elle a donc soutenu Poutine avec prudence, craignant les conséquences de ses initiatives et se posant en modérateur de ses excitations nucléaires, et plaçant progressivement ses billes sur l’Asie centrale et la Sibérie.

Ni les uns ni les autres ne voulaient que cela dure parce que l’Ukraine allait résister. Mais une fois qu’elle résiste, ils font par contre en sorte que cela dure, craignant plus que tout, je l’ai dit, la chute de Poutine, la révolution russe et déjà l’implosion russe.

L’implosion russe est le spectre dominant des quatre derniers mois, et ce n’est pas parti pour s’arrêter. Déjà, la rupture du barrage de Nova Kakhovka et les discussions ouvertes à Moscou sur la guerre nucléaire annonçaient un emballement, avant même le putsch Prigojine des 23-24 juin. Celui-ci a été catastrophique pour le pouvoir bonapartiste de Poutine. L’élimination (avérée mais inavouée !) de Prigojine, Utkine-le-nazi et consorts, et les purges dans les secteurs ultra-nationalistes (Strelkov/Girkin) et dans l’armée, ne signifient pas que Poutine a repris le plein contrôle de l’appareil d’État, l’initiative des purges ne semblant pas forcément toujours être chez Poutine.

La crise russe, tantôt ouverte et sanglante tantôt latente, est là, comme crise de l’État et de ses multiples forces armées. Ces données encouragent les Ukrainiens, certes, mais elles inquiètent et poussent tous les « alliés des Ukrainiens » à aspirer soit à des négociations, comme le voudrait, semble-t-il, la CIA, soit à un « gel » pour voir venir.

Voilà pourquoi cette guerre, qui n’est pas une guerre inter-impérialiste, est néanmoins centrale (déjà, sa localisation en Europe et son ampleur suffiraient à lui donner une importance énorme) : elle a obligé, c’est donc la résistance ukrainienne qui a obligé, toutes les puissances impérialistes (la Russie pour l’écraser, les « occidentaux » pour la contenir, la Chine pour gérer la Russie), à se détourner de l’affrontement en mer de Chine autour duquel elles se disposaient. La résistance ukrainienne est un puissant facteur de paix, voilà la vérité.

En Chine et à Taiwan, elle est observée de près. Pour les campistes, Taiwan est « chinoise ». Mais le peuple taiwanais ne veut pas être « réunifié » avec le régime « communiste » et capitaliste, totalitaire, de Xi Jinping, et en cas de débarquement sa résistance pourrait être la source d’une mise en mouvement des masses chinoises elles-mêmes, comme des autres peuples opprimés de Chine.

Surtout, surtout, si cela arrivait après la victoire de l’Ukraine et l’effondrement du régime russe. Par contre, si l’Ukraine devait être acculée à « négocier » sans avoir libéré son territoire, cette défaite pour les peuples pèserait dans le sens d’une attaque de Beijing contre Taiwan, donnant prétexte à une attaque de Washington contre la Chine.

L’expérience de la résistance ukrainienne, et maintenant de la crise russe, rend plus difficile la réalisation du programme impérialiste de Xi Jinping et oblige l’impérialisme nord-américain à se détourner jusqu’à un certain point de la mer de Chine. Donc elle contrecarre la marche à la guerre mondiale.

Certains indices conduisent même à se demander – ne tranchons pas encore à cette étape – s’il n’y a pas une nouvelle crise chinoise en gestation. Les ouvriers et la jeunesse ont manifesté jusque dans les profondeurs du pays lors de l’explosion sociale qui s’est produite fin 2022-début 2023. On dira que ce ne fut qu’un craquement, mais il fut généralisé, et il a cassé les dispositifs de confinement « anti-Covid ». Ces dernières semaines, se développent des « disparitions » de dirigeants que l’on ne voit plus, et des « rumeurs » sur des critiques internes à l’élite oligarchique suprême envers Xi Jinping. Nous verrons …

Donc, cette guerre est centrale parce que la multipolarité impérialiste dominante voudrait qu’elle dure et se gèle pour sauver le régime russe, ce qui pourrait conduire à passer à la préparation directe de la guerre inter-impérialiste mondiale en Asie, alors que l’intérêt du prolétariat – et du vivant ! –, c’est la défaite russe et l’effondrement du régime russe au plus vite, ouvrant la voie à l’irruption des masses, faisant reculer la menace de guerre inter-impérialiste, et mettant à l’ordre-du-jour la vraie lutte contre le réchauffement et ses conséquences, c’est-à-dire la révolution.

Tensions dans la zone de guerre.

L’intérêt des masses et du vivant n’est pas que la guerre dure mais que l’Ukraine gagne au plus vite. Par conséquent, l’élément subjectif dont l’insuffisance est aujourd’hui un facteur décisif, c’est la solidarité internationaliste pour que l’armée ukrainienne ait des armes, des avions, de l’artillerie.

La volonté de vaincre, de résister, de soutenir les soldats, est toujours aussi forte dans la population d’Ukraine. En même temps, l’exaspération envers les profiteurs, la lassitude envers la corruption, la colère envers les oligarques, sont omniprésentes.

Manifestations locales pour que des moyens soient envoyés à l’armée et pas à des travaux édilitaires soupçonnés de couvrir des arrangements clientélistes ; mouvement syndicaliste « Nina » montant d’en bas dans le secteur sanitaire, mené par des femmes ; retour d’un syndicalisme étudiant radical ; visibilité LGBT conquise par l’affichage de combattants LGBT et disputée contre la droite et les conservateurs : tous ces traits caractéristiques confirment le caractère populaire de la guerre et l’exacerbation de la lutte sociale à laquelle elle mène au bout du compte. Ils prolongent, dans les conditions d’une mobilisation encadrée par l’État, la levée en masse dans les milices territoriales qui fut l’acte révolutionnaire spontané qui a sauvé l’Ukraine en février-mars 2022, qui peut sembler être retombé depuis mais qui a pris ces autres formes.

Les privilégiés mènent eux aussi leur lutte sociale. Les déclarations de la ministre des Politiques sociales Oksana Zholnovych disant vouloir « détruire tout ce qui est social » et dont les Ukrainiens abuseraient, et vouloir « mettre l’Ukraine hors de sa zone de confort », sont d’une violence thatchérienne – et d’une bêtise – indicible, qu’il faut combattre non seulement du point de vue social, mais du point de vue militaire : car une telle politique sape l’effort de guerre.

Zelensky laisse ses ministres ultralibéraux sévir et ne se situe pas, lui, dans ce registre, mais il est significatif qu’il ait mis au premier plan la « lutte anticorruption » – tout en la confiant au SBU et, dans le SBU, à un ancien dignitaire de l’époque Ianoukovitch …

Le limogeage des responsables du recrutement, remplacés par des vétérans mutilés, est typique d’une démagogie anti-oligarchique qui ne peut que déboucher sur l’impuissance si la mobilisation populaire n’intervient pas. L’onde de choc a fait tomber le ministre de la Défense, remplacé, fait important en soi, par un Tatar de Crimée.

La situation devient donc mouvante dans l’appareil d’État ukrainien lui-même, parce qu’elle l’est dans la société qui se bat et porte sur elle tout l’effort de guerre.

C’est dans ce contexte qu’un décrochage du soutien à l’Ukraine menace, sous des formes différentes, en Pologne et en Slovaquie.

Bombardées par l’armée russe en mer Noire, les céréales ukrainiennes affluent en Europe centrale, mais au lieu d’être conduites en Afrique où elles sont nécessaires, les services des États et ceux de l’UE permettent un écoulement local qui fait chuter les prix, provoquant des oppositions dans les secteurs agrariens. C’est à partir de là que Duda, dirigeant polonais, a annoncé avoir cessé l’aide militaire à l’Ukraine !

Le parti réactionnaire au pouvoir en Pologne, le PiS, préparant les élections d’octobre, est en fait miné par la révolution morale et démographique que signifie la présence de millions de réfugiés ukrainiens dans les villes polonaises, rendant pour la première fois ce pays « multiethnique » depuis 1945, bouleversement qui vient après le mouvement des femmes contre les cléricaux, pour disposer de leur corps, et il réagit ainsi, contre la nation ukrainienne qui, rappelons-le, s’est aussi construite contre la noblesse polonaise …

En Slovaquie, les « social-démocrates » alliés à l’extrême-droite peuvent gagner les élections du 30 septembre et tenter une politique calquée sur celle d’Orban en Hongrie.

Donc, tout se tend. Sur le front, on a deux percées de la « ligne Sourovikhine » (ce grand criminel qui lui donne son nom, après une disgrâce consécutive au putsch Prigojine, a été envoyé en Afrique pour restructurer les Wagner), la plus volumineuse et la plus minée des lignes Maginot de l’histoire, et peut-être une troisième percée au moment où sont écrites ces lignes.

La pollution et la dévastation d’une énorme bande territoriale enveloppant l’Ukraine, avec la rupture du barrage de Nova Kakhovka, donnent à cette guerre sa pleine dimension d’écocide total et devrait donc conduire à raccorder plus encore la lutte pour la destruction du régime russe à la lutte anticapitaliste contre le réchauffement et ses conséquences.

L’état-major maritime russe en mer Noire vient d’être détruit à Sébastopol et des échos arrivent de Crimée où bien des gens (Ukrainiens, Tatars, et aussi Russes qui avaient voté pour l’appartenance autonome à l’Ukraine lors du seul vote libre d’autodétermination, celui de 1991), se disent « ça a commencé ».

Tout cela toutefois ne fait pas un effondrement du front côté russe mais signifie une usure profonde et réelle.

Pour une politique militaire internationaliste.

Il est important de rappeler que toutes les retraites russes de cette guerre ont été causées par des facteurs autant politiques et populaires que militaires : la résistance initiale à K’yiv et Kharkiv a été l’œuvre de la levée en masse spontanée des Ukrainiens, et des Ukrainiennes, la reculade d’Yzium a été enclenchée par une décomposition interne des unités russes, obligeant l’état-major russe à organiser, de surcroit, le retrait de Kherson.

Mais pour l’instant, les trous faits depuis juin 2023 dans la ligne Sourovikhine l’ont été, 1°) par un effort exclusivement militaire même si, bien sûr, la volonté populaire le soutient (mais ne le dirige pas), et, 2°) par un effort militaire que les décisions de Washington et des puissances européennes privent sciemment des moyens aériens et en artillerie qui seuls en assureraient la pleine efficacité.

Cette aide ne viendra pas avant le gel hivernal – c’est là encore une décision politique. Par conséquent, un recul russe massif ne peut venir que des facteurs politiques et populaires s’ajoutant à l’effort militaire, absolument remarquable vu les conditions qui lui sont imposées.

Et donc, là encore, il faut dire, expliquer et encore expliquer, que le facteur manquant, insuffisant, est la solidarité internationaliste portant sur la question des armes, indissociable de l’explication du contenu central, social et vital, de cette guerre, à l’encontre du campisme contre-révolutionnaire.

Le combat pour armer l’Ukraine, son peuple et son armée, est un combat anti-impérialiste aussi envers l’OTAN, Washington et leurs budgets militaires : il s’oppose à leur politique de livraison, en exigeant que les armes soient fournies inconditionnellement, il exige la transparence et l’arrêt des ventes d’armes à l’Arabie saoudite ou l’Inde, il va avec, dans le cas français, le mot d’ordre de retrait des troupes françaises d’Afrique, et il est corrélé aux revendications d’abrogation de la dette extérieure ukrainienne, d’entrée sans condition de l’Ukraine dans l’UE (ce qui met en cause tous les fondements de l’UE !).

De même, la reconstruction pose et posera la question – exactement comme la lutte contre le réchauffement et ses conséquences et en relation avec elle – de la mobilisation des énergies sociales et des moyens de production et de transport, sans le capital et contre lui.

Force est de constater que si des secteurs conséquents du mouvement ouvrier mondial ont pu, à l’encontre des défenseurs de l’ordre impérialiste multipolaire que sont les campistes, se mobiliser pour l’Ukraine, cette mobilisation ne va pas jusqu’à mener une bataille publique à l’échelle requise sur la question des armes. La solidarité syndicaliste et la solidarité féministe sont fondamentales et des points importants ont été marqués dans ces champs d’action. Mais la dimension militaire est incontournable.

Ainsi, la formation de Brigades internationales reste d’apparence utopique et inenvisageable, alors qu’en réalité des anarchistes l’ont mis en œuvre – honneur à eux – et ont leurs martyrs, russes, bélarusses, irlandais, américains, anglais. Parmi les jeunes qui sont allés spontanément en Ukraine se battre, un jeune de chez moi, fils d’un collègue syndiqué à la FSU, a été tué en juin 2022. Utopie inenvisageable que des Brigades internationales ? Autant dire que sauver l’honneur du mouvement ouvrier et reconstruire un internationalisme en actes serait inenvisageable. Non, il faut au moins poser la question ouvertement.

Le caractère incontournable de la dimension militaire fait que l’Ukraine nous impose de revenir sur l’histoire du XX° siècle – ce que j’ai tenté notamment dans la brochure d’Aplutsoc sur la Politique Militaire du Prolétariat et les trotskystes dans la seconde guerre mondiale.

Et c’est surtout une question de l’avenir proche que l’Ukraine soulève immédiatement mais qui annonce la tempête dans laquelle entrent Gaïa et le prolétariat. Le jeune de Moulins qui a péri près de Kharkiv l’an dernier pensait à se battre contre les pollueurs avant le 24 février 2022. C’est au niveau de cette jeunesse qu’il faut se mettre, car elle va vouloir, immanquablement, s’emparer de la critique par les armes, et pour cela il lui faudra aussi les armes de la critique.

Multipolarité impérialiste et menace de guerre mondiale.

Il me faut revenir sur la question de la guerre mondiale. Lorsqu’à plusieurs reprises ci-dessus, il semble entendu que les impérialismes nord-américain et chinois marchent à une collusion, cela ne correspond ni à une fatalité, ni à un souhait subjectif de leurs dirigeants. Cela correspond aux tendances fondamentales du capitalisme articulé aux États, ce qu’est nécessairement le capitalisme.

L’ouverture par la « mondialisation », les flux de capitaux et leurs interpénétrations, créent des interdépendances qui ne suffisent pas à empêcher les conflagrations et finissent par les aggraver une fois que le partage des pertes entre les capitalistes « faux frères », et la course aux surprofits rentiers et prédateurs qui va avec, prend la relève du partage des profits à un même taux moyen global.

Par conséquent, l’antagonisme sino-américain est la seule donnée stable, si l’on peut dire, des relations internationales, autour de laquelle s’articule le kaléidoscope changeant des alliances ouvertes et masquées et des jeux de billard à plusieurs bandes. Cela parce qu’il oppose la puissance impérialiste hégémonique du second XX° siècle au nouveau centre d’accumulation, source de plus de survaleur désormais, du premier XXI° siècle.

Mais les dirigeants ne souhaitent pas la guerre : là encore il serait naïf et même fétichiste de les croire simplement malveillants. C’est en jouant des coudes pour élargir leurs aires d’influence, le champ d’exportation des capitaux que supportent leurs États, et leurs marchés, en espérant, par la combinaison de l’accumulation extensive mais aussi intensive des capitaux, pallier à la baisse tendancielle des taux de profit, qu’ils préparent les conditions d’une explosion militaire mondiale tout en ne la voulant pas, tout en dévastant toujours plus les milieux de vie par les créations de points de fixation du capital (comme ce complexe verrier que les gouvernants chinois et indonésiens veulent baser en face de Singapour) entre lesquels les flux doivent encore et toujours s’accélérer, brûlant pour cela le monde.

La guerre mondiale serait le passage de cette action destructrice mais productrice à une action destructrice … et destructrice, dans laquelle les flux deviendraient ceux des avions, des sous-marins et des bombes, sans doute aussi des drones et des lasers. Elle serait la continuation de l’accumulation capitaliste par les moyens qu’elle requiert, bien que les capitalistes ne le souhaitent pas car beaucoup mouraient ou feraient faillite, c’est sûr – et ils ne savent pas lesquels par avance !

Son éclatement causé par les relations internationales entre puissances capitalistes n’est pas une fatalité, mais relève d’un jeu de hasard instable, comme en 1914. Aucune ne le souhaite, de même qu’aucun chef d’Etat ne veut utiliser les armes nucléaires : mais en les accumulant ils ont créé les conditions de leur utilisation, du passage de l’arme censée exister pour ne pas servir à son emploi, issue possible non pour l’humanité, mais pour l’accumulation du capital.

Il est évident que, comme la domination du phénomène Gaïa, comme les leçons de l’Ukraine, la réalité de la question de la guerre mondiale, et celle des armes nucléaires (pourtant remise au premier plan du discours public par Poutine), n’est pas encore appréhendée de manière concrète, mais seulement de façon abstraite-théorique, par les courants révolutionnaires qui tentent de comprendre et d’agir dans le réel. Mais il le faut.

Ce que n’est pas la multipolarité impérialiste.

Le système mondial des États et des flux de capitaux, subsumé par l’accélération des transformations de Gaïa et confronté aux soulèvements et à la pression du prolétariat humain, ou humanité prolétarienne, est donc cet objet que le présent article décrit en décrivant ce qu’il fait et que nous vivons. Être en retard d’une guerre, cette erreur classique, a toujours été mortel. Être en retard d’une période historique, à plus forte raison.

La représentation fétichiste d’un « impérialisme », terme devenu lui-même fétichiste, consistant dans la domination mondiale d’un « Occident » ayant pour chef les Etats-Unis, ne correspond pas à ce que nous vivons. Je n’écris même pas qu’elle n’y correspond plus : car il est pour le moins discutable qu’elle n’ait jamais existé telle qu’elle a été fantasmée, mais peu importe ici.

Or, ce fétiche est une puissance matérielle, il a d’ailleurs des institutions qui en reproduisent la vision, et cette puissance matérielle est le mort qui saisit le vif pour tuer l’internationalisme. C’est cela aussi, le « campisme ».

La version hard de cette représentation fétichiste persistante, très banale, nous l’avons par exemple en France dans les trois organisations ci-devant « trotskystes » (LO, le POI, le POID) qui se pensent internationalistes indéfectibles en fantasmant un mécano planétaire mené par Washington, qui préparerait l’attaque contre une Chine plus ou moins toujours prise pour un « État ouvrier », et utiliserait pour ce faire la très opportune guerre en Ukraine, malencontreusement (de son point de vue) déclenchée par ce brave Poutine, pour faire exploser les dépenses d’armements. Alors que la résistance ukrainienne est le premier barrage à la guerre mondiale, ils la peignent comme son premier agent. Cette conception est la même que celle de beaucoup de staliniens, comme le KKE grec par exemple.

Nous avons une version plus soft de la même représentation sur le fond, dans un article de Gilbert Achcar (International Viewpoint, 15 septembre 2023), intitulé Imperialism(s) and the New Cold War La « nouvelle guerre froide » est la trame de l’analyse d’Achcar : il en fait porter la responsabilité première aux Etats-Unis et à l’OTAN, avec comme moment fondateur la guerre du Kosovo en 1999. Si Russie et Chine sont bien ici des puissances capitalistes et impérialistes, elles sont considérées comme étant les premières menacées par une hégémonie américaine qu’elles contestent, et qui les pousse à la faute – la faute du 24 février 2022 par exemple.

Nous avons là (outre le caractère déjà largement mythique de la thématique sur l’OTAN assiégeant la Russie, je n’y reviens pas) quelque chose qui évoque l’inertie des milieux pacifistes révolutionnaires en France ou en Grande-Bretagne après 1933. Avant 1933 l’Allemagne était victime du traité de Versailles et elle était tenue pour l’impérialisme certes turbulent, mais à plaindre, auquel il fallait refaire une place en arrêtant de la brider et de l’opprimer (et le traité de Versailles était une réalité beaucoup moins fantasmatique que l’ « encerclement de la Russie par l’OTAN » !). Après 1933, reproduire cette même perception après l’arrivée de Hitler au pouvoir et le démantèlement rapide de l’ordre de Versailles qui l’a suivie, s’avérait paralysant dans le meilleur des cas, et catastrophique parfois.

La formule, parfois le mot d’ordre, d’un « monde multipolaire », a été usitée dans ce que fut le mouvement altermondialiste. Sa récupération dans la rhétorique du « Sud global » et des BRICS élargis en fait un instrument d’union sacrée dans les alliances changeantes entre camps impérialistes, et globalement une position de défense de l’ordre mondial réel, qui consiste justement dans le désordre présent de la multipolarité impérialiste. Un attachement sentimental aux formules d’une période historique également dépassée peut, là encore, receler de vrais dangers.

Le problème n’est pas dans la multipolarité elle-même, bien entendu : un ordre mondial socialiste et démocratique menant l’action contre le réchauffement et ses conséquences sera nécessairement multipolaire, et même, je pense, très multipolaire !

Mais là, on a affaire à la multipolarité impérialiste, alors ne mélangeons pas les choses.

La réflexion et l’analyse de la multipolarité impérialiste est largement engagée à l’échelle mondiale. Nos propres contributions ont rejoint celles des camarades ukrainiens et de la camarade Kavita Krishnan en Inde. Les contributions théoriques nourries de beaucoup d’élément concrets se multiplient. Citons les remarquables articles du militant sino-américain Promise Li dans Spectre du 6 janvier 2023 : Against Multipolar Imperialism. Towards Socialist Multipolarity, de William L. Robinson, El insoportable maniqueísmo de la izquierda “antiimperialista” – l’auteur est issu de l’altermondialisme « multipolaire » -, ou encore la saisissante analyse du cas de la Syrie par Yassin al-Haj Saleh, The Liquid Imperialism that Engulfed Syria, in New Life Magazine, 7 septembre 2023.

Internationalisme, politique militaire, écologie, multipolarité impérialiste : les réalignements s’imposent.

En manière de conclusion.

Au jour ou j’écris cet article, une grève historique a démarré aux Etats-Unis, dans l’industrie automobile qui ne consiste plus en grandes usines dans le Nord-Est mais en ateliers et chaines de montage et de distribution répartis sur tout le pays. C’est une grève pour les salaires organisée et contrôlée par l’UAW (United Automobile Workers), une organisation historique (et bureaucratique) de la classe ouvrière nord-américaine, qui suscite un fantastique élan d’espoir et de solidarité, répétant ce qui s’était produit avec les grèves d’instituteurs dans plusieurs États voici quelques années. Cet élan s’exprime aussi dans d’autres pays, notamment au Brésil et au Canada.

La grève est officiellement soutenue par Joe Biden – et Trump n’est pas le bienvenu sur les piquets. Le Parti démocrate espère ainsi redorer son blason en vue des présidentielles, alors que l’embourbement campiste, justement, des Democrats Socialists of America est un facteur clef de paralysie dans la formation d’organisations ouvrières politiques indépendantes.

Mais c’est un jeu risqué pour Biden, car cette grève économique de masse a une énorme portée politique – c’est pour cela que tous les politiques en parlent, préventivement. L’impérialisme nord-américain ne domine pas le monde ni même « l’Occident », mais il est bien encore, non le chef d’orchestre, mais le premier violon, se basant sur trois atouts hérités.

Ces trois atouts sont la centralité logistique des Etats-Unis avec leur triple façade maritime (plus Panama), leur centralité maintenue dans les flux de capitaux (dont les flux parallèles, par les Iles Vierges), et leur budget militaire. Or, le passage d’un système mondial dont ils se voulaient le chef d’orchestre flamboyant menant la « guerre contre le terrorisme » en 2001-2008, à la multipolarité impérialiste, a ouvert la plus grave crise prolongée de la classe dominante de leur histoire, crise qui touche à la constitution même du pays.

Je ne développe pas, mais concluons sur le message que portent les grévistes de l’UAW, et que sentent instinctivement toutes et tous les opprimés : la survie passe par nous, la solution, c’est nous !

VP, le 24/09/2023.

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