Édition du 14 mai 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Le bulldozer de droite continue sa lancée au Canada

La victoire du Parti libéral en Colombie britannique le 14 mai dernier (avec moins de 22 % du vote réel et potentiel) annonce des jours difficiles pour la population. L’offensive à court terme se fera dans le domaine de l’éducation, déjà amorcée par le gouvernement libéral précédent. L’idée est d’imposer le « modèle californien » avec des écoles à plusieurs vitesses, ce qui sera une forme plus ou moins subtile de privatisation. Il est prévisible qu’il y ait également une attaque en règle contre les conventions collectives, notamment la sécurité d’emploi. Sur la question de l’environnement, le gouvernement libéral va très certainement trouver une entente avec Ottawa et le gouvernement de l’Alberta pour débloquer le projet de pipe-line vers la côte du Pacifique, quitte à obtenir quelques concessions financières. À court terme en tout cas, l’opposition sera faible. Le NPD est encore sonné de sa catastrophique défaite, résultat de la mollesse de sa stratégie, de l’abstentionnisme des électeurs et de la bonne performance du Parti Vert (qui n’a pas augmenté ses votes, mais qui a fait une bonne campagne et fait élire un député).

En Nouvelle Écosse, le NPD est au pouvoir depuis 2009. En prévision des élections qui s’en viennent, le Parti Conservateur a le vent dans les voiles. Les mouvements sociaux et la gauche qui avaient appuyé le NPD sont désenchantés du gouvernement de Darrel Dexter qui a imposé des politiques d’austérité, en coupant dans les budgets de la santé et de l’éducation, ce qui s’est accompagné de la suppression de 10 000 postes dans la fonction publique et parapublique de cette province. Le système informatique du gouvernement, par exemple, est en voie d’être sous-contracté à IBM. Dans les universités, alors que la population étudiante a augmenté de 5% depuis 2012, les budgets ont été réduits de 10 %. Les étudiantEs paient les plus hauts frais d’inscription au Canada. Des militantEs de divers secteurs estiment qu’il n’y a pas de différence entre l’agenda du NPD et celui des Conservateurs. D’autres pensent cependant que le retour de la droite aurait un impact négatif, notamment via des offensives organisées contre le mouvement syndical, comme ce qui se trame en CB. Il reste un autre gouvernement du NPD, soit au Manitoba. Il semble un peu plus solide, mais les politiques sont à peu près les mêmes.

En Ontario enfin, le NPD n’est pas en très bonne santé. Il souffre de l’héritage du gouvernement de Bob Ray dans les années 1990, qui avait durement confronté les syndicats. Tiers parti à l’assemblée de cette province, le NPD est également coincé par le Parti libéral, qui domine actuellement le gouvernement minoritaire, et qui ira en élection en 2014 selon toutes les probabilités. Comme le NPD se démarque peu du Parti Libéral, il se peut que ces deux partis s’arrachent les mêmes votes, ce qui permettrait aux Conservateurs de revenir au pouvoir.

Reste évidemment le « gros morceau » à Ottawa. Harper en a mangé toute une avec ces sénateurs pourris et il se pourrait que le scandale continue. Mais il ne faut pas le sous-estimer. Il sait bien déjouer ses adversaires même lorsqu’il perd. Ce qu’il vient de faire avec l’histoire concernant les appels frauduleux lors de la dernière campagne électorale. D’autre part, Harper a une importante base pratiquement inaltérable, une droite dure (autour de 20%) qui ne lâchera pas de sitôt, qui peuvent être offusqués de la mauvaise gestion et de la corruption, mais qui vont appuyer le PC. Plusieurs petits commerçants, « jeunes cadres dynamiques » et entrepreneurs de PME, sans compter les élites économiques, sont motivés par une haine de classe sans limite qui les mène à détester les syndicats, le secteur public, Radio-Canada et tout le reste qu’ils associent aux régimes du Parti Libéral et du NPD. Cette haine est rationnelle et elle ne l’est pas en même temps, un peu comme l’attachement des anglophones au Québec à la voyoucratie du Parti Libéral. Beaucoup d’anglophones sont en effet autant à gauche que les francophones, mais leur hantise de la « menace » souverainiste passe par-dessus tout. Avec tous ces paradoxes, la droite a encore de belles années devant elle au Canada.

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