Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Le climatoscepticisme à la sauce religieuse de Stephen Harper

« Et Dieu les bénit ; et Dieu leur dit : Croissez et multipliez, et remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout animal qui se meut sur la terre. »
(Genèse 1:28)

S’il y a un domaine dans lequel le gouvernement de Stephen Harper a fait reculer le Canada, tant sur la scène internationale que nationale, c’est bien dans celui de l’environnement. Par la faute des conservateurs, le Canada, bien classé dans la lutte aux changements climatiques, dégringole au dernier rang.

Outre la décision honteuse de retirer le Canada du protocole de Kyoto, le gouvernement de Stephen Harper a également mis la hache dans l’évaluation environnementale des grands projets, a réduit considérablement ses dépenses en matière de protection de l’environnement et n’a cessé de modifier les lois environnementales pour réduire la protection des écosystèmes dont notre survie dépend, et ce, sans aucun véritable débat démocratique.

Des doutes plus religieux que scientifiques…

Officiellement, Stephen Harper n’a jamais reconnu être un climatosceptique. Cependant, certaines déclarations qu’il a faites par le passé et, surtout, les gestes de son gouvernement en matière environnementale démontrent clairement que pour lui, la lutte aux changements climatiques n’est pas un réel problème qui doit être traité maintenant. Ses actions et ses politiques révèlent qu’il est un climatosceptique.

Assez curieusement, les doutes de Stephen Harper sur la réalité du réchauffement climatique semblent trouver leur origine beaucoup plus dans la religion que dans la science. En effet, plusieurs observateurs attribuent les positions environnementales du premier ministre à son appartenance à l’organisation religieuse évangélique Alliance chrétienne et missionnaire.

Une église enracinée dans la pétroprovince de l’Alberta

Peu présente au Québec, cette organisation compte au Canada environ 132 000 membres répartis dans 430 églises locales. Fait significatif, l’Alliance est particulièrement implantée dans l’Ouest canadien, son château fort est situé dans la pétroprovince de l’Alberta.

L’Alliance chrétienne et missionnaire a des positions sociales très conservatrices :

• La femme a un rôle restreint dans l’Église ;

• L’homme est le chef de la famille et ses membres, dont l’épouse, lui doivent obéissance ;

• Les relations sexuelles hors mariage sont interdites, les relations sexuelles saines servent uniquement à des fins de procréation ;

• Le divorce et le remariage sont interdits sauf en cas d’adultère ;

• Un mariage sain doit se faire entre les membres de l’Église uniquement ;

• L’homosexualité est condamnée, elle est perçue comme un « crime ».

Un verset biblique lourd de conséquences

Sur le plan environnemental, certains commentateurs soutiennent que Stephen Harper et son église adhèrent aux convictions climatosceptiques d’une autre coalition composée de leaders évangéliques appelée The Cornwall Alliance for the Stewardship of Creation (l’Alliance Cornwall pour l’administration de la création). Bien qu’il n’existe pas de lien direct « formel » entre les deux organisations, elles ont en commun la même approche « littérale » de la Bible. Aussi, Stephen Harper ne s’est jamais distancié publiquement des « dérives doctrinales » de la Cornwall Alliance.

Essentiellement, ces négationnistes des changements climatiques fondent leur raisonnement (?) sur un seul verset de la Bible, celui qui se trouve dans le livre de la Genèse et qui rapporte les paroles de Dieu à Adam et à Ève peu après leur création : « Et Dieu les bénit ; et Dieu leur dit : Croissez et multipliez, et remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer et sur les oiseaux des cieux, et sur tout animal qui se meut sur la terre » (Genèse 1:28).

Exploiter le pétrole… par gratitude envers Dieu

De ces quelques lignes, ces chrétiens fondamentalistes concluent que Dieu a donné à l’homme un mandat de « domination » sur la terre qui lui donne le droit d’en exploiter les ressources à sa guise, sans aucune restriction. Ils poussent plus loin, laissant entendre qu’un gouvernement qui adopte des lois pour limiter ou contrôler l’exploitation des ressources naturelles, même au nom de leur préservation et de leur protection, s’oppose à la volonté divine. Rien de moins…

Certains de leurs porte-parole n’hésitent pas à dire que le fait de croire aux changements climatiques et de refuser d’utiliser des énergies fossiles est une « insulte à Dieu ». À partir d’un raisonnement simpliste plutôt enfantin, ils expliquent que le pétrole, le charbon et le gaz naturel sont des « trésors » que Dieu a enfouis pour que nous les découvrions. En limitant notre exploitation de ces ressources mises à notre disposition, c’est comme si nous refusions son cadeau et commettions un péché d’ingratitude…

Un premier ministre reconnaissant

Une chose est certaine : quand on voit avec quel zèle Stephen Harper s’est acharné à affaiblir et à diluer les lois environnementales au Canada pour, en contrepartie, soutenir sans aucune réserve l’industrie pétrolière albertaine aussi polluante soit-elle, on peut difficilement accuser le premier ministre d’ingratitude à l’égard des trésors divins… enfouis dans le sous-sol albertain !

Ce billet est la suite d’un précédent blogue, Stephen Harper « sous influence »… religieuse (www.louisechabot.ca/stephen-harper-sous-influence-religieuse)

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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