Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

« Le fascisme américain » : L’historien Rick Perlstein parle de la mainmise de D. Trump sur le Parti républicain et des risques d’un deuxième 6 janvier

Les Républicains.es se sont réunis et ont conçu un plan complet pour 2025. Il compte des milliers de pages où on trouve l’idée de défaire les services publics. C’est un plan pour défaire la forme américaine de gouvernement. Donc c’est quelque chose qu’il faut prendre avec sérieux.

Democracy Now, 22 janvier 2024
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Amy Goodman : (…) Nous allons nous arrêter sur l’état du Parti républicain maintenant que la primaire présidentielle (républicaine) au New-Hampshire ne compte plus que deux personnes. Le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis a annoncé son retrait dimanche dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. (…) Avec le retrait de Ron DeSantis, il annonce aussi qu’il se range aux côtés de D. Trump, pour qui beaucoup de questions sont soulevées sur son acuité mentale. Vendredi, lors d’un rassemblement au New-Hampshire, il a confondu à plusieurs reprises son opposante républicaine, Mme Nikki Haley, avec l’ancienne présidente de la Chambre des représentants, Mme Nancy Pelosi. (…) Pour aller plus loin, nous rejoignons l’historien Rick Perlstein, auteur d’une série de quatre ouvrages portant sur le conservatisme moderne. Sa chronique dans American Prospect est intitulée « The Infernal Triangle ».

Rick, soyez à nouveau le bienvenu sur Democracy Now. (…) Parlez-nous de la signification du retrait de R. DeSantis et de son appui à D. Trump. Qu’est-ce que cela veut dire maintenant que la course se fait à deux même si les sondages donnaient D. Trump gagnant, avec des marges jamais vues. On lui prédisait 30% d’avance sur DeSantis. Et les uns.es après les autres les Républicains.nes lui donne leur appui.

Rick Perlstein : Oui, sans aucun doute il va devenir le candidat si on tient pour acquis son habileté à se conduire comme un être humain mais, comme vous le savez, c’est un facteur négligeable. Ce qui est important à comprendre, c’est que la course de chevaux va bien mais elle ne compte pour rien si le gars sous la casquette MAGA déraille complètement. Le nombre de vote qu’il peut récolter n’a pas d’importance ; il va gagner l’investiture. Le nombre de vote qu’il va récolter en novembre n’a aucune importance parce qu’il va continuer à revendiquer la victoire. L’important se sont les gens. Combien de personnes sont prêtes à prendre les armes pour D. Trump le 6 janvier 2025 ? Je ne veux pas tomber dans le mélodrame mais, en ce moment, la réalité semble montrer que des millions d’Américains.es, une part considérable du Parti républicain, s’identifient à la personne de D. Trump. Et l’expression que nous devons employer pour désigner cette situation, pour mélodramatique qu’elle semble, est « fascisme américain ».

A.G. : Pouvez-vous nous parler des personnes comme le gouverneur du New-Hampshire M. Sununu, qui a appuyé Nikki Haley et qui dit maintenant que si D. Trump gagne cette primaire, en fin de compte il va lui donner son appui, en répondant à la question de Kristen Welker, à Meet the Press : « Vous dites que vous l’appuriez malgré le 6 janvier, malgré ce que vous avez dit à propos de cette insurrection ? Tous ces dirigeants.es républicains.nes après avoir questionner D. Trump à la fin se mettent à le suivre alors qu’une fois de plus il fait face au viol de Jean Carroll. Le juge a employé ce mot de la langue populaire.

R.P. : Correct. Il n’y a rien de nouveau à ce sujet. Si nous jetons un regard sur ce que des gens comme Lindsay Graham ont dit en 2015 et 2016 à propos de D. Trump, et ce qu’ils ont dit quand ils ont vu qu’il pouvait être un atout pour la conservation de leur propre pouvoir…. Encore une fois, c’est bien dommage que ce que nous avons dans ce contexte de philosophie politique qui décrit ce qui se passe nous vienne de l’Allemand. C’est le terme Führerprinzip » : Le leader détient la vérité.

Et quand ils doivent d’une certaine façon se cacher derrière un criminel pour sembler avoir une figure un peu légitime dans un parti politique ce parti (…) Vous devez vous questionner sur l’allure que ces personnes auront dans, disons 50 ans aux yeux de l’histoire. Ils vont ressembler à des personnages comme Fritz von Papen qui disait : «  Nous tenons Hitler dans un coin aussi longtemps qu’il ne rue pas dans les brancards ». Fritz von Papen était le vice chancelier d’Allemagne, celui qui a monté une coalition avec Hitler et qui a pu ainsi devenir chancelier d’Allemagne. Ce sont des processus. Nous sommes rendus.es loin dans un processus pour lequel les questions posées par les journalistes conventionnels.les ne signifient plus rien.

A.G. : Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, s’est retiré de la course deux jours avant la tenue de la primaire du New-Hampshire, moins d’une semaine après qu’il ait perdu par 30 points face à D. Trump lors des caucus de l’Iowa. Et il a donné son appui à D. Trump.

G. Ron DeSantis : Je l’appuie parce que nous ne pouvons pas revenir à la vieille garde du Parti républicain du passé, à un reformatage du bon vieux corporatisme que représente Nikki Haley.

A.G. : Maintenant que Ron DeSantis n’est plus sur les rangs, la course en est essentiellement une à deux : D. Trump et Nikki Haley l’ancienne gouverneure de la Caroline du sud, et qui a été ambassadrice aux Nations Unies sous l’administration Trump. Elle a fait campagne au New-Hampshire durant la fin de semaine. Elle a mis en cause l’acuité mentale de son adversaire après qu’il l’ait confondue avec l’ancienne présidente de la Chambre des représentants, Mme Nancy Pelosi. Joe Biden fait maintenant campagne en ligne et se questionne sur les capacités mentales de D. Trump s’appuyant sur les propos de Mme Haley. (…) Et D. Trump dit avoir été dans la course contre B. Obama. Il demande aussi si nous voudrions voir Joe Biden présider à la deuxième guerre mondiale au lieu de la troisième.

Que représente le gouverneur DeSantis ? Combien a-t-il dépensé et d’où venait cet argent ?

R.P. : Je pense que le plus important à comprendre de R. DeSantis, de ce qu’il représente …. il n’a pas ébranlé le culte de la personnalité voué à D. Trump, aucune contestation sérieuse de sa part. Il représente vraiment l’incapacité des grands médias à faire leur travail d’information à donner aux gens ce que nécessite le fait d’être un.e citoyen.ne qui pense par soi-même. Il a été choisi malgré qu’il ait acclamé la torture à Guantánamo où il était avocat et assurait une sorte de supervision mais qui riait en observant les prisonniers torturés. Il a, pour ainsi dire, transformé son État en petit fief fasciste. Il a été mis en selle non seulement parce qu’il pouvait battre D. Trump, mais parce qu’il serait mieux que lui. D’une certaine façon nous sommes piégés.es dans cette chambre aux miroirs où on répète ce genre de manière de faire du journalisme populaire où on trouve le meneur et le compétiteur, où il y a une course de chevaux et bla-bla-bla et qui ne dit rien de ce qui se passe réellement dans le pays en ce moment.

A.G. : Et le montant d’argent qu’il a reçu ? Il a dépensé quelque chose comme 150 millions de dollars.

R.P. : Oui. Je pense que cela dit quelque chose de la manière dont fonctionne le culte de la personnalité fasciste. Impossible de le mettre au défi, d’accord ? Quand Nikki Haley souligne que D. Trump pense qu’il a fait campagne contre B. Obama et qu’elle était la présidente de la Chambre ça nous rappelle ce que G. Orwell a écrit dans 1984 : « votre loyauté envers Big Brother se manifeste par votre désir de dire que deux et deux font cinq ». Si vous examinez de près ce qu’a dit D. Trump, non seulement il confond Nikki Haley avec Nancy Pelosi mais il dit qu’il a réquisitionné 10,000 soldats.es. Ça ne s’est jamais produit, n’est-ce pas ? Impossible de vérifier les faits quand vous êtes dans cet espèce de monde mythique avec cette figure quasi religieuse qui va nous sauver du mal. Ce n’est pas ce qu’on enseigne dans les écoles de journalisme.

A.G. : (…) le gouverneur de Floride, R. DeSantis a insisté sur les nouvelles règles du Florida Board of Education qui exigent que les éducateurs et éducatrices enseignent que les gens de couleur (durant l’esclavage) : « ont développé des habiletés qui, dans certaines circonstances, pouvaient leur apporter un profit personnel ». Il a défendu ce curriculum. L’association nationale des gens de couleur a qualifié cela de : « javellisé, de récit malhonnête de l’histoire de l’esclavage aux États-Unis ». Je me demandais si vous pourriez vous exprimer à ce sujet et aussi sur les controverses entourant Nikki Haley maintenant que nous sommes dans une course à deux ; entre autre le fait qu’elle dise avoir oublié de dire que parmi les causes de la guerre civile, il y avait l’esclavage. Quand on lui a demandé sur Fox News si les États-Unis étaient un pays raciste, elle a répondu que non et qu’il ne l’avait jamais été. Qu’en pensez-vous ?

R.P. : Oui, d’accord. Nous entrons ici dans l’histoire de la droite, du mouvement conservateur et du Parti républicain. J’ai écrit à ce sujet dans mon livre, The Invisible Bridge en 2014 avec (la photo) de Ronald Reagan en couverture. Quand la série Roots a paru, a été présentée aux Américains.es, beaucoup ont été mis en face de la cruauté de l’esclavage. (R. D.Santis) a déclaré qu’il détestait cette série parce qu’elle traitait, selon lui, tous les Blancs.ches de mauvaises personnes et tous les noirs.es de bonnes.

D. Trump hérite de ce récit qui présente les États-Unis comme un pays innocent, une nation voulue par Dieu, qui ne fait jamais rien de mal mais, comme bien autre chose dans le trumpisme, comme nous l’a monté Nikki Haley, c’est maintenant devenu convenu parmi les Républicains.es (…). Mais ce n’est pas possible de vivre dans notre monde moderne avec l’idée que rien ne peut vous distraire de l’originelle perfection de votre pays, la complexité et les contradictions doivent dicter votre action. Nous sommes donc bloqués.es dans une situation où la moitié de la population doit vivre dans un espace de rêve mythique. C’est ce qui pousse certains.es d’entre nous à utiliser le mot fascisme pour décrire l’hégémonie du Parti républicain.

A.G. : Parlez-nous plus du fascisme.

R.P. : Vous savez ce ne sont pas que des politiques de droite repoussantes. Nous avons connu cela pendant longtemps. Le fascisme est le culte de la personnalité d’un.e individu.e qui est présumé.e représenter la volonté du peuple. C’est aussi l’idée mythique du retour de ce passé qui doit être débarrassé des ennemis.es transcendants.es du peuple, qui est amené à constituer le peuple normal, les vrais.es Américains.es. (…) C’est la conviction qu’ils sont le peuple, qu’ils sont l’État et que toute opposition ne peut être qu’illégitime.

Et si vous ajoutez à cela une opposition armée qui proclame qu’elle se bat contre la tyrannie, pour préserver le gouvernement républicain contre les dangereux tyrans, c’est vraiment une mauvaise conception. Mais c’est l’idéologie de la NRA qui qualifie les Démocrates de tyrans. C’est une très affreuse situation. Et si les gens sont fatigués de la politique, en ont ras-le-bol de la politique, vous ne savez plus quoi dire. Comme le dit D. Trump, il se peut que nous ne reconnaissions pas notre pays dans cinq, dix, vingt ans.

A.G. : Bientôt les primaires au NewHampshire. Quand Kristen Welker, à l’émission Meet the Press, sur NBC a interviewé le gouverneur républicain de cet État, M. C. Sununu, elle lui a demandé ce qui se passait au Parti républicain, il a répondu : «  Je n’ai rien à faire avec le Parti auquel vous appartenez, que vous soyez un.e conservateur.trice extrême ou un.e socialiste libéral.e, tout le monde devrait se sentir concerné par le genre de mentalité qui règne à la Maison blanche ».

Kristen Welker : Malgré tous ses commentaires, malgré ceux sur l’immunité, malgré ce que vous avez dit à propos de l’insurrection, vous allez voter pour D. Trump à l’élection présidentielle contre Joe Biden ?

G. Chriss Sununu : Eh ! Bien, selon les sondages, la plupart des Américains.es vont le faire. C’est votre manière de ne pas rapporter (les choses). Joe Biden a été mauvais à ce point, il a été incompétent. Il peut difficilement sortie de scène. Personne ne veut de cela et tout le monde est effrayé de voir Kamala Harris présidente.

A.G. : Quand il dit que tout le monde est effrayé il n’a rien dit des raisons qui l’amènent à appuyer D. Trump après les critiques qu’il lui a faites spécialement à propos de l’insurrection. Mais il parle de Kamala Harris.

R.P. : Oui. C’est l’espace mythique dont je parle : Joseph Biden a complètement failli. On peut critiquer encore et encore J. Biden mais nous avons quand même le plus bas taux de chômage des dernières 50 années. Ce n’est donc qu’une représentation d’un faux monde où tous et toutes sont contre K. Harris. C’est une des manières dont fonctionne le fascisme. Nous avons besoin d’un conservatisme légitime et la famille Sununu a été au service de la famille Bush pour ne donner qu’un exemple. Je crois que son père a été chef de bureau pour le premier Président Bush. Vous devez avoir ce genre de légitimité auprès des soit disant élites conservatrices afin de donner l’impression d’être éligible à une position de pouvoir. Il n’est pas plus responsable de ce qui se passe que les Proud Boy qui acceptent de battre une personne employée au décompte électoral.

A.G. : Je veux que vous nous parliez de Davos, de la rencontre de l’élite d’affaire du monde qui s’y est tenue, des dirigeants.es d’entreprises et des gouvernements. Que s’y est-il dit ? La semaine dernière à ce Forum, le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, a dit que D. Trump a été correct sur bien des enjeux. Il a dit : « Je ne pense pas qu’on vote pour Trump pour ses valeurs familiales. Mais faites un pas de recul et soyez honnête. Il avait raison en quelque sorte sur l’OTAN. De même sur l’immigration. Il a fait progresser l’économie assez correctement. La réforme fiscale a bien marché ». Et ce qui ressort de Davos est que non seulement D. Trump va remporter l’investiture républicaine mais qu’il va gagner l’élection présidentielle.

R.P. : Encore une fois cela me rappelle (les positions) de l’élite allemande tôt durant les années 1930. Elle pensait fondamentalement qu’il était possible de contrôler (ce qui se pointait), qu’elle pourrait retenir le tigre. Ce n’est pas cela qui provoque leur vote pour D. Trump. Vous savez ce que c’est ? 80% des électeurs.trices républicains.ne dans les primaires disent qu’ils et elles sont d’accord avec D.Tump qui dit que les immigrants sans papiers empoisonnent le sang américain. Voilà ! Donc il vit aussi dans cet espace mythique. Et, clairement, si vous ne rejoignez pas la résistance c’est la fin de la démocratie comme nous la connaissons et encore une fois, c’est un membre de l’establishment qui se révèle partie au problème.

A.G. : (…) Après le 7 octobre, l’ex Président Trump s’est adressé à la Republican Jewish Coalition :

«  Parce qu’ils veulent détruire notre pays. Ils veulent détruire notre pays. Avec Biden nous n’avons pas qu’un désastre migratoire, nous en avons deux. Nous avons le désastre à la frontière et nous en avons un au Département d’État de Biden qui admet d’énormes quantités de jihadistes dans nos communautés, nos campus et via nos programmes de refuge. C’est ce qui explique toutes ces manifestations à New York et Chicago. Personne ne peut croire à ce qui se passe. Nous ne pouvons pas permettre cela. Et nous ne voulons pas ressembler à l’Europe avec des jihadistes à tous les coins de rue. C’est ce qui arrive. Je veux dire, nous allons avoir … nous allons devenir comme l’Europe. Prenez Londres. Jetez un coup d’œil sur Paris. Arrêtez-vous sur ce qui se passe là-bas. Nous voulons être les États-Unis d’Amérique et nous voulons redonner sa grandeur à notre pays (make our country great again). On nous couvre de ridicule.

Président, je vais mettre fin une fois pour toute à l’importation de masse d’antisémites aux États-Unis. Comme je l’ai déjà fait, je vais tenir les terroristes islamiques radicaux hors du pays. Nous les tenions à l’extérieur. Nous allons les tenir à l’extérieur. L’interdiction d’entrée au pays va s’appliquer à nouveau. Nous allons à nouveau appliquer l’interdiction d’entrée au pays. Au premier jour, je vais autoriser l’application de cette interdiction. Nous avions cette interdiction parce que nous ne voulions pas que des gens caressant l’idée de tout faire sauter entrent dans le pays ; faire sauter nos rues, nos centres commerciaux et notre peuple. Donc, j’ai introduit ce qui est appelé l’interdiction Trump d’entrée. Ce fut un extraordinaire succès. Elle a été suspendue comme elle allait s’appliquer. (Une jugement de cour fédérale suite à des contestations monstres. ndt.). Je n’en ai jamais parlé depuis quatre ans. Je ne l’ai jamais mentionné. Nous n’avons pas eu un seul incident en quatre années parce que nous avons tenus les mauvaises personnes hors du pays. Nous les avons tenues en dehors. Nous n’avons rien eu, pas une seule fois. Je ne veux pas dire durant les quatre années parce que je ne veux pas sortir de mon discours et provoquer quelque chose, n’est-ce pas ?

Je vais aussi introduire des examens idéologiques corsés pour tous.tes les immigrants.es qui veulent (venir ici). Si vous détestez les États-Unis, si vous voulez supprimer Israël, si vous sympathisez avec les jihadistes, nous ne voulons pas de vous dans notre pays, vous n’allez pas y entrer. Je vais annuler les visas de tous les étudiants.es liés.es au Hamas et à leurs sympathisants.es sur les campus des collèges. Les campus des collèges ne doivent pas être assaillis. Et tous les résidents.es étrangers.es qui ont rejoint les manifestations pro jihadistes ce mois-ci … personne n’a jamais vu cela. 2025 arrive, nous allons vous retrouver et nous allons vous expulser. Nous allons vous expulser ».

A.G : Pouvez-vous réagir à cela, Rick ?

R.P. : D’abord, j’apprécie que vous ayez diffusé une grande partie de cet extrait. Les gens doivent vraiment savoir ce qu’est son discours et pas seulement (entendre) de petits bouts que nous donnent les reportages dans les médias.

Ensuite, il y a beaucoup à dire mais ce qui m’a surtout frappé c’est au début quand il dit : « Vous savez, le Département d’État est infiltré par les jiadistes ». C’est exactement un rappel de ce que Joseph McCarthy disais dans son fameux discours en 1950, que le Département d’État était infiltré de communistes. Cela nous fait voir à quel point nous sommes en face à ce genre de racines éparpillées qui sont là dans l’histoire de la droite républicaine.

Ce que McCarthy disait et ce que D. Trump dit, c’est que tout ce qui arrive de mauvais aux États-Unis est le fait des élites. C’est très dangereux de penser ainsi. Et donc, tout ce qui arrive de mal, que les élites ont permis qu’il arrive, est causé par les étrangers.ères. À Chicago, où je me trouve en ce moment, un gamin de huit ans a été poignardé parce qu’il était Palestinien. Est-ce qu’il était un jiadiste ? Il a été le bouc émissaire des immigrants.es sans papiers.

Ce mirage ne peut pas fonctionner. La promesse de rédemption, la promesse que tout ce qui va mal va être éliminé si nous nous débarrassons de ces mauvaises personnes, ne peut être satisfaite. C’est à ce moment-là qu’on choisit un autre groupe. Le Pasteur Niemöller disait : « Il sont venus chercher les communistes, et je n’ai rien dit parce que je n’étais pas communiste ». C’est tellement prophétique. Vous savez, quand la rédemption ne vient pas, que : « renvoyez chez eux les Mexicains, les jiadistes » (ne résout rien), les gens vont se tourner vers un autre bouc émissaire. Nous devons prendre conscience que c’est un processus en marche. Il se dirige vers une forme de plus en plus autoritaire chaque semaine, chaque mois, chaque année, comme s’il n’y avait pas de force pour l’arrêter. Nous sommes dans une dynamique extrêmement dangereuse.

A.G : Je veux savoir comment Wall Street s’insère dans ce tableau. Pendant que nous parlons, CNBC, le canal d’affaire de NBC publie : « Comme D. Trump se dirige vers l’investiture républicaine, plusieurs dirigeants.es de Wall Street ont décidé de ne rien dire contre lui et dans certains cas, on considère l’idée de le soutenir plutôt que Joe Biden. C’est une décision réfléchie selon plus d’une douzaine de personnes familières (de ce milieu). Cela reflète une position partagée par une grande partie de Wall Street qui s’applique à se faire à l’idée que D. Trump sera vraisemblablement investit candidat à la Présidence par le Parti républicain et battra J. Biden en novembre prochain. Un sondage de Real Clear Politics dimanche concluait qu’en moyenne, D. Trump battrait J.Biden par 2 points à l’élection générale ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Et croyez vous que l’argent fait le président ? C’est un lieu commun ou non ?

R.P. : Si l’argent fait le Président, Nikki Haley est sur la bonne pente puisqu’elle est la candidate des frères Koch n’est-ce pas ? Bien des choses déterminent qui sera Président.

Ce qui me renverse c’est que cette élite d’affaire dise : « Oui, ça ne fait pas de différence ». Ça ne fait pas de différence que D. Trump gagne. Qu’elle puisse travailler avec lui est un autre exemple de la situation de Fritz vo Papen. L’histoire ne l’absoudra pas. Elle va être vue comme partie du problème quand la population regardera les ruines, les ruines fumantes des États-Unis comme république s’il y a des historiens.nes pour nous le dire dans 50 ans ou 100 ans. Ces gens doivent rejoindre la résistance anti fasciste (…). Pour ainsi dire, ils donnent une corde à D. Trump pour qu’il les pendent. Ils vont être à sa merci. Ce que Ron DeSantis à tenter de faire avec Disney n’est qu’une farce pour ceux et celles qui ont croisé D. Trump même s’ils sont les super dirigeants.es d’entreprises de l’univers. Il va avoir la technologie de la NSA à la portée. Il va avoir l’armée à sa portée. Et s’ils pensent qu’ils vont pouvoir négocier avec le crocodile (ils se trompent), c’est le crocodile qui va les manger finalement.

A.G : Parlez-nous du vote de la jeunesse. Il y a quelques temps, vous avez écrit dans le Washington Post que les Démocrates recherchaient le vote des jeunes.

R.P. : Oui, dans cette chronique et dans le livre sur lequel je travaille qui porte sur les dernières 25 années et qui s’intitule : « The Infernal Triangle ». Ce triangle, c’est l’autoritarisme républicain, l’incompétence des médias, le vôtre excepté, et une sorte d’incompétence de la démocratie. Le fait que le Parti démocrate n’est pas vu l’absolue priorité d’allumer la torche, pour paraphraser J.F. Kennedy, auprès des nouvelles générations américaines, est une vraie faute institutionnelle, une vraie tragédie. Parce que si les gens ne peuvent voir comment ils pourraient s’identifier au Parti démocrate, vous savez, dans notre système politique tel qu’il existe, c’est comme le disait Stephen Douglas aux Afroaméricains.es en 1880. Le Parti républicain peut prendre de la place, peut aussi devenir de plus en plus ploutocratique. (…) Et si le Parti démocrate ne donne pas aux jeunes électeurs.trices, qui dans 10, 20, 30, 40, 50 ans seront l’électorat vieux ; … qu’ils et elles adhérent au Parti démocrate maintenant pourrait maintienir leur loyauté. S’ils et elles ne gagnent pas, ne maintiennent pas leur loyauté, feront pas leur part va manquer dans la lutte au fascisme également.

J’avais été très encouragé par Joseph Biden et Kamala Harris …. en 2020, (disant qu’ils allaient être) une sorte de pont pour la nouvelle génération de Démocrates. Mais ils ont fini par s’accrocher à leur influence comme à une sinistre mort. Vous connaissez Ryan Grim ? Il publie un merveilleux livre intitulé The Squad. (À propos de Nancy Pelosi) le plus choquant, et ont en reste bouche bée franchement, c’est comme si instinctivement, elle semblait traiter avec condescendance la « Squad » (coalition de 4 jeunes femmes de gauche dans le Parti démocrate. Ndt.) et Alexandria Ocasio-Cortez. Elle ne les voit pas comme un atout mais bien comme une menace à son influence. Elle a même renommé le « Green New Deal », « Green new dream ». Elle en fait n’importe quoi.

Je reviens à votre segment précédent sur l’enjeu d’Israël et de la Palestine. (On y trouve une illustration) de la réaction de la classe vieillissante de 70-80 ans quand il s’agit du Proche Orient.Elle n’a aucun sens pour l’électorat dans la vingtaine, n’est-ce pas ? C’est tout simplement une terrible triste situation. Et nous avons ce boulet. Mais je vais me rendre au bout avec les candidats.es démocrates parce que ce Parti est la barque, tout le reste c’est la mer. Nous devons sérieusement penser à comment nous sortir de cette effroyable situation.

A.G. : Pouvez-vous nous dire ce que vous espérez de la primaire du New Hampshire ? Pas la républicaine mais la démocrate. Le Président Biden a dit que cette primaire comme celle de l’Iowa ne devrait pas venir en début de campagne. Ce sont les États les plus « blancs » du pays qui en détermineraient le programme pour le reste, donnant le plan pour ce qui viendra ensuite. Donc, il ne figure pas sur les bulletins de vote au New Hampshire. Discrètement, ses supporters lancent une campagne en sa faveur par l’inscription de son nom à la main sur les bulletins. Expliquez-nous ce qu’il en est et ce que vous surveillez dans la compétition Haley-Trump ; qui vote pour qui ? Qui est le député Dean Phillips ?

R.P. : À propos des Démocrates : voir la direction du Parti dans ces États s’accrocher à sa position de pouvoir comme à une sinistre mort, à persister à être les premiers dans la nation, même si le Comité national démocrate a tenté, raisonnablement et de manière responsable de réformer tout cela ! Cela nous mets face à une tragédie de plus : quand un groupe qui détient le pouvoir se représente, qu’il n’a pas le courage patriotique et civique de faire quelque chose pour le bien commun du pays. Ça aurait pu se régler en 2024, ça ne le sera pas.

Quant aux Républicains : je vais encore et encore répéter que Donald Trump va remporter le maximum de votes dans les primaires. Il ne vaut même pas la peine d’y attacher autant d’attention. Ce qui importe pour ceux et celles qui votent pour lui est de savoir combien d’entre eux et elles seraient prêts.es à prendre les armes le 6 janvier 2025. S’il perd, nous savons très bien qu’il va proclamer qu’il a gagné. Donc, nous devons réellement penser à ces jours non seulement par rapport au vote républicain mais aussi aux Républicains.nes comme formation paramilitaire. Et si les journalistes n’en parlent pas en ce sens, s’ils et elles n’y pensent pas en ce sens c’est que leur vie se passe en 1996.

A.G : Finalement, Rick, (quand on voit) D. Trump applaudir Viktor Orbán de Hongrie et dire ce qu’il va faire le premier jour de sa (future) présidence, c’est-à-dire être un dictateur d’un jour… Quel sérieux faut-il lui accorder ?

R.P. : Beaucoup de sérieux. Il n’existe pas de dictateur d’un jour. Dire que vous allez annuler des décrets de l’exécutif c’est une chose. C’est constitutionnel, légal. Mais si vous y pensez comme une preuve de dictature … Les Républicains.es se sont réunis et ont conçu un plan complet pour 2025. Il compte des milliers de pages où on trouve l’idée de défaire les services publics. C’est un plan pour défaire la forme américaine de gouvernement. Donc c’est quelque chose qu’il faut prendre avec sérieux. (Un art. a déjà été publié sur PTAG à ce sujet. Ndt). Malheureusement, des gens comme Jamie Dimon veulent l’aider à le faire.

A.G. : Pourquoi, selon vous, le soutient à D. Trump ne faiblit pas alors qu’il fait face à 91 accusations ?

R.P. : C’est le « Führerprinzip », le mot allemand pour dire que la personne de D. Trump détient toute la vérité, la réalité, la rédemption. C’est le culte de la personnalité. Rien ne vient briser cela. Si par exemple, c’est un procureur général d’un État qui le poursuit, cela veut dire qu’il est Afro-américain, qu’il est étranger, pas un vrai Américain. Le jury dans la poursuite à Washington va être noir, donc pas de vrais.es Américians.es. S’il s’agit d’une accusation d’un tribunal fédéral, ce n’est qu’une extension de l’État profond et de Joe Biden qui tente de le discréditer. Les faits n’importent pas. C’est l’espace du rêve fasciste, du mythe où il y a des bons et des mauvais et D. Trump est bon. Tous ceux et toutes celles qui lui sont associés.es sont temporairement bons et bonnes et quiconque s’oppose a lui est mauvais et doit être éliminé. Nous sommes dans cette situation en ce moment. Il faut le regarder droit dans les yeux et résister avec tous nos moyens.

A.G. : Rick est l’auteur d’une œuvre en quatre volumes sur le mouvement conservateur moderne.

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