Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le gouvernement Charest est un gouvernement en sursis !

Mardi 29 mai 2007

Le premier ministre Charest a joué la survie de son gouvernement en croyant que d’importantes baisses d’impôt pourraient être le tremplin de la relance de son parti. Il a ainsi réussi à braquer toute l’opposition contre lui. Il est même parvenu à faire surgir le spectre d’élections hâtives.

Crise politique autour du budget

Le gouvernement Charest a voulu imposer un budget en grande partie conforme aux vues de l’ADQ. Mais, ce parti avait déjà fait son nid. Comme opposition officielle, et dans une logique férocement partisane, il a décidé qu’il voterait contre ce budget malgré que ses amis du Conseil du patronat et autres affairistes fussent plutôt enthousiasmés par le budget libéral.

En ce début de semaine, le Parti libéral du Québec, qui a le plus à perdre, envisage déjà certaines concessions. Comme aucun parti de l’Assemblée nationale, PQ y compris, ne remet en question la logique néolibérale de ce budget, l’entente est donc possible à moins que les intérêts étroitement partisans s’imposent finalement et que nous nous retrouvions de nouveau en période électorale.

L’arrogance du gouvernement Charest a tout précipité

Le budget présenté par le gouvernement Charest est un budget néolibéral à 100%. Le budget propose que l’État québécois opère une baisse d’impôts de 950 millions. Ces déductions fiscales sont orientées vers les couches moyennes qui touchent 60 000$ et plus de revenus annuellement ; il renforce l’iniquité fiscale en faisant disparaître d’ici trois ans la taxe sur l’investissement ce qui privera le gouvernement de 900 millions $ à 1 milliard de dollars. Pourtant le secteur public, et particulièrement le secteur de la santé, aurait besoin d’un réinvestissement massif et plus de 70% de la population préfère un tel réinvestissement à la baisse des impôts selon un récent sondage. La mission d’Hydro-Québec est redéfinie par la ministre d’après le modèle albertain d’exportation de l’énergie ; le budget de la ministre Monique Jérôme-Forget propose également la réduction de la fonction publique ; 3800 emplois seraient supprimés par attrition d’ici trois ans. Ce budget impose une augmentation de frais de scolarité et des investissements tout à fait insuffisants dans la santé comme dans l’éducation. Ces choix budgétaires laissent présager l’instauration de nombreux tarifs (dont des frais modérateurs dans la santé), l’augmentation des tarifs d’électricité, de nouveaux frais de garde et autres frais durant les prochaines années.

Les demandes péquistes étaient pourtant plus que raisonnables !

L’opposition péquiste à ce budget ne se concentre nullement sur le caractère néolibéral de ce budget qui aggrave la répartition des richesses en faveur des classes les plus riches et qui mène une offensive visant le renforcement de la privatisation de la santé. Le PQ se contente de demander au gouvernement un peu d’équilibre et d’utiliser une partie des transferts fédéraux pour un certain réinvestissement en santé, en éducation et pour le développement des régions. Aucune critique à la logique même de ce budget n’a été développée par la députation péquiste. Le PQ ne fait aucune demande pour contrer l’offensive de privatisation. Il ne fait aucune demande en faveur du maintien du gel des frais de scolarité. Il ne demande aucune assurance vis-à-vis la multiplication appréhendée des tarifs pour avoir accès aux services publics, il ne dit rien sur les places manquantes en garderie...

Devant la timidité de ses revendications, le PQ a été surpris de l’intransigeance et de l’arrogance du gouvernement Charest. Il a dénoncé l’attitude provocatrice du premier ministre et sa volonté de provoquer l’affrontement alors que lui cherchait l’accommodement. En fait, le gouvernement Charest ne se contentait pas de présenter un budget néolibéral, il a voulu aussi écraser le PQ qui lui paraissait dans une grande situation de faiblesse. Pourtant, le PQ, dopé par le retour de Pauline Marois, a menacé de faire tomber le gouvernement. Il assure maintenant qu’il espère des concessions au premier ministre ce qui lui permettrait de voter pour ce budget.

Les organisations sociales outrées de l’offensive néolibérale

Les organisations syndicales, populaires et féministes, elles, ne s’y sont pas trompées. Elles ont dénoncé la grande messe visant à préparer la privatisation et la médecine à deux vitesses. Les organisations étudiantes ont dénoncé la hausse des frais de scolarité. La Fédération des femmes du Québec s’est interrogée sur ce qu’il était advenu de la promesse de l’ajout de 20 000 places manquantes en garderies. Les organisations écologistes ont aussi souligné la faiblesse des sommes confiées au Ministère de l’Environnement et des Parcs et la conception tout à fait anti-environnementale des investissements dans les infrastructures, des investissements d’abord consacrés à l’asphalte… En bref, ce budget correspond à un renforcement de l’alignement à droite de toute la politique du gouvernement...

Une tâche politique essentielle : construire un vaste front commun contre la privatisation du système de santé et la hausse des frais de scolarité.

Qu’il y ait ou non des élections, un défi colossal est posé devant l’ensemble des mouvements sociaux (mouvement syndical, populaire, féministe, étudiant, écologiste…) et la gauche politique, c’est celui de construire un vaste front unitaire pour mener une campagne contre la montée de la privatisation du système de santé et d’éducation (et à la hausse des frais de scolarité tout particulièrement). Le maintien des CPE à $7 et la création des places requises seront également des luttes que le mouvement syndical et le mouvement des femmes devront mener tout en s’assurant l’appui de la majorité de la population.

Cette crise nous démontre qu’on ne peut compter sur le PQ pour nous protéger des projets néolibéraux ! Les demandes lilliputiennes avancées par ce parti pour soutenir le budget du gouvernement Charest ne devraient pas nous laisser d’illusions à l’égard du camp que ce parti a choisi.

Mots-clés : Québec
Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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