Édition du 30 avril 2024

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Le Monde

Les inégalités dans le monde : pour voir plus loin…

Il y a les inégalités courantes, celles que l’on constate jour après jour autour de nous. Il y a aussi celles que les statistiques nous démontrent et qui ont un caractère extrême et intolérable. Elles sont abondamment documentées par des organismes internationaux comme les Nations Unies, la Banque Mondiale, etc. De plus, on en connait les causes et les conséquences. Alors qu’attend-t-on pour en atténuer les effets de manière durable à défaut de les éliminer ?

Nous avons une idée claire de la réponse quand il est mentionné dans le Rapport sur les inégalités mondiales 2022 de l’organisme World Inegality Lab que {l’inégalité est un choix politique et non une fatalité} . Autrement dit, les inégalités ont été sciemment créées, voire aggravées de diverses manières. Cette étude ainsi que le document tout aussi pertinent que percutent d’Oxfam, publié en janvier 2023 ( La loi du plus riche) dressent un portait de la situation.

Dans un contexte international ou la concurrence économique est une règle d’or, les pays ont ajusté leur régime fiscal en fonction de cette nouvelle donnée. Au cours des annés 1970, la remise en question de l’Etat Providence et de ses bienfaits est de mise. L’arrivée au pouvoir, au début des années 1980, de dirigeants conservateurs, comme Ronald Reagan aux Etats-Unis, enclenche la mise en place d’une série de mesures destinées à diminuer les taux d’imposition des plus riches et des entreprises. Pour ces dernières, cela signifie une baisse généralisée de l’impôt sur les profits, les dividendes, etc. Ajoutons à cela le recours systématique aux paradis fiscaux.

Inégalités et changements climatiques

Les changements climatiques sont considérés comme étant un facteur particulièrement aggravant des inégalités. Retenons un exemple parmi d’autres. La déforestation de l’Amazonie, qui s’est accélérée sous la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2002), si nuisible soit-elle, a profité a de riches propriétaires fonciers et à des multinationales de l’agroalimentaire, tout en laissant des milliers de laissés pour contre.

Sur un autre plan, les pays les plus pauvres sont situés sous les tropiques et sont soumis à des périodes de chaleur extrême amplifiées par les changements climatiques. Même si les pays riches affrontent aussi des périodes de canicule, ce sont les pays pauvres qui supportent les coûts les plus élevés en lien avec la santé pour ne citer qu’un exemple. En effet, une étude publiée en 2022 dand la revue Science Advance établit que pour la période allant de 1992 à 2013, les pertes reliées aux canicules représentaient 1,5 % du produit intérieur brut des pays riches contre 6,7 % pour les pays pauvres. Par ailleurs, selon les données de la revue Finance et Développement, en 2022, 10 % de la population mondiale possèdent 76 % de la richesse et sont à l’origine de 48 % des émissions mondiales de carbone.

Inégalités et croissance économique

Jusqu’en 2012, les études des organisations économiques internationales laissaient croire qu’il n’y avait aucune contradiction possible entre croissance et inégalités, bien au contraire. Plus tard dans le décennie, d’autres rapports de ces mêmes organismes, à commencer par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) font ressortir que les inégalités s’aggravent même en période de croissance économique. La raison en est simple : non seulement la croissance est inégale d’un continent à l’autre mais aussi les bénéfices en sont très mal répartis. Selon les données du World Inequality Data (WID), la part des ultra-riches dans le revenu mondial se chiffrait à 19,4 % en 2021, tout en étant en progression continuelle depuis 1980.

Prenons l’exemple de quelques pays. Le Brésil a connu pour les périodes de 2000-2010 et de 2010-2020 un accroissement économique annuel moyen de 3,9 % puis de seulement 0,1 % par la suite. Or, au cours de ce laps de temps, la part du 1 % des plus riches dans la richesse nationale se chiffrait à 23, 7 % en 2000, 22,3 % en 2010 et 22, 2 % en 2020.

Le constat est navrant en Haiti. De 2000 à 2020, la croissance économique moyenne annuelle s’est établie à moins de 2 % sur une base annuelle. Par contre, au cours de cette période, la part des ultra-riches a atteint 19,6 % en 2020 contre 18,9 % 20 ans auparavant.

En élargissant l’horizon à une région comme l’Afrique sub-saharienne, la tendance se ressemble. En effet, une croissance économique de 5,5 % par année de 2000 à 2010 puis de 2,9 % pour la décennie qui a suivi n’a eu aucun effet sur ce qu’accapare les ultra-riches de cette zone : 20,3 % en 2000 et 20,4 % en 2020. . Autrement dit, période de récession et phase de croissance économique se sont succédées au cours des années mais en aucun temps la main basse des 1 % les mieux nantis sur la richesse mondiale n’a été perturbée.

Inégalités et COVID-19

Autre facteur aggravant des inégalités : le COVID-19. La pandémie a certes affecté le monde entier mais le constat est encore plus insidieux lorsqu’on examine la situation de plus près. En janvier 2022, Oxfam-Québec faisait remarquer que les grandes entreprises pharmaceutiques ont empoché des milliards de dollars en profits supplémentaires alors que 21,000 personnes mouraient quotidiennement de la COVID à l’échelle mondiale. De mars 2020 à janvier 2022, selon Oxfam, on comptait un nouveau milliardaire à toutes les 26 heures tandis qu’a l’autre bout du spectre, 160 millions de personnes basculaient dans la pauvreté.

En novembre 2021, soit presque 2 ans après le début de la pandémie de Covid-19, les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquaient qu’une personne sur 4 avait été vaccinée dans les pays riches contre une sur 500 dans les pays les moins nantis. En janvier 2022, les pays pauvres ont refusé un don de 100 millions de doses car la date de péremption des vaccins approchait.

Des solutions…

Des solutions existent mais pour qu’elles soient efficaces, deux conditions sont essentielles, à savoir la volonté politique et les ressources à y consacrer. Parmi elles, il y a l’approche fiscale, soit des mesures comme la taxation accrue des ultra-riches, la fin des paradis fiscaux et le retour à un régime fiscal progressif. Une condition s’ajoute pour garantir le succès de telles initiatives, soit la coordination internationale de ces mesures. En ce sens, mentionnons la signature par 136 pays en octobre 2021 d’un accord mondial qui fixe à 15 % le taux d’imposition des entreprises multinationales. C’est un début.

La lutte contre les inégalités de tout genre passe aussi par un meilleur accès aux services de santé et à une éducation de qualité pour les populations pauvres et vulnérables, Rappelons que la pandémie de COVID a eu des efforts dévastateurs sur ces personnes, amenuisant la possibilité d’avoir accès à une qualité de vie minimale. L’inégalité vaccinale est très coûteuse pour les populations les plus vulnérables. D’ailleurs, un expert de l’OMS déclarait que ``le droit à la santé comprend le droit aux vaccins ‘‘. Les plus pauvres devraient y avoir droit autant que les autres ?

L’argent nécessaire pour la lutte aux changements climatiques est surtout une affaire de pays riches. Pourtant, ces changements, même s’ils touchent tous les pays du monde, ont une incidence encore plus négative sur les nations plus pauvres car elles sont beaucoup moins outillées pour en atténuer les effets. Sur ce point, les pays riches s’étaient engagés, en 2009, à consacrer, d’ici 2020, 100 milliards de dollars américains annuellement au financement climatique, objectif qui n’a jamais été atteint. Or, les plus récentes estimations de coûts font état d’un investissement minimum nécessaire de 300 milliards $ par année.
Une des solutions envisagée pour venir à bout des inégalités est beaucoup plus radicale que les autres. Elle consiste à remettre complètement en question le modèle de développement basé sur la croissance économique. La question se pose quand on constate, d’une part, que les périodes d’accroissement de la richesse n’améliorent en rien le sort des plus démunis tout en confortant les plus nantis dans leur possession de richesse et d’autre part que les changements climatiques ont une forte emprise sur l’avenir de la planète.

Pour cela, certains mettent la nécessité d’envisager un scénario de décroissance économique. La question est très sérieuse puisqu’elle a fait l’objet de discussions à la COP15 à Montréal en décembre 2022. Le principal constat qui a été relevé à ce moment là est que c’est faisable. Quand on sait que pour assurer à la population mondiale le même niveau de vie que les Canadiens, les ressources de 5 planètes Terre seraient nécessaires. Alors il faut procéder le plus rapidement possible, car s’il n’y a plus de planète, à quoi servira la richesse ?
Jules Bergeron
Avril 2023

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