Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Lettre ouverte – Quel avenir pour les femmes ?

Alors qu’on souligne la Journée internationale des femmes, le mouvement féministe entre dans une phase de réflexion sur la situation des femmes aujourd’hui. À l’appel de la Fédération des femmes du Québec, des féministes de tous horizons se rassemblent pour réfléchir l’histoire du mouvement et sur son avenir. Il s’agit des États généraux de l’analyse et de l’action féministes, sous le thème « Le féminisme dans tous ses états » qui culmineront par la tenue d’un grand forum à l’automne 2013.

20 ans après le Forum pour un Québec féminin pluriel

Le dernier grand rendez-vous de ce type a eu lieu en 1992. À l’époque, 1000 femmes de toutes les régions ont jeté les bases d’un projet de société féministe. On était à la quête du respect des droits des femmes mais aussi d’une société plus juste et équitable pour toutes et tous. La marche « Du pain et des roses » et la lutte contre la pauvreté sont nées de cette volonté.

Mondialisation de la solidarité féministe

Après cette marche, le mouvement s’est rendu compte de la nécessité de créer des solidarités féministes mondiales pour contrer les effets négatifs de la mondialisation. À l’appel des Québécoises, des femmes de tous les continents ont crée la Marche mondiale des femmes pour lutter contre la pauvreté et la violence envers les femmes.

C’est partout qu’on sent les effets des coupes dans le filet social et dans les services publics, la déréglementation du marché du travail et les ententes de libre-échange poussent davantage au réflexe du « chacun pour soi ». En même temps, on constate la marchandisation grandissante du corps des femmes, où tout est sexualisé et la femme (re)devient objet, même de trafic.

Certaines ont pu tirer leur épingle du jeu, mais au bilan, la division sexuelle du travail (une séparation du travail des hommes et des femmes et une hiérarchie entre celui-ci) s’est aggravée avec la mondialisation. Certes avec le réseau des services de garde et un bon système d’éducation des milliers de femmes ont pu avoir accès au travail – mais trop souvent précaire où le temps partiel, le « sur appel » et à contrat dominent. Les écarts entre les riches et les pauvres se creusent. Entre le plancher collant et le plafond de verre, l’espace pour les femmes est parfois mince.

Travailler avec des Colombiennes, des Congolaises, des Pakistanaises, nous permet de comprendre en quoi la militarisation est un enjeu féministe. La culture machiste militaire contribue au développement d’une culture permissive à l’égard de la violence sexiste. L’état consacre trop d’argent à l’achat d’armements au dépend des services publics et communautaires. De plus, des entreprises canadiennes y sont parfois entremêlées en embauchant des services de sécurité censés faciliter l’extraction de ressources naturelles, mais qui contribuent au cycle de la violence.

Les femmes de la Marche mondiale des femmes nous ont averties également de la montée des conservatismes : pression pour le retour à des valeurs traditionnelles, plus de contrôle du corps et de la sexualité des femmes, l’influence de la religion sur la politique. Dorénavant, cette tendance trouve écho ici, particulièrement depuis l’élection d’un gouvernement conservateur. De nouveaux, des évêques condamnent l’avortement et des députés anti-choix cherchent à le recriminaliser. C’est un spectre peu connu de la génération actuelle de féministes.

Mythe de l’égalité acquise

Le maintien du mythe que l’égalité est acquise nous rend parfois aveugles à nos propres contradictions. Actuellement, les gouvernements s’apprêtent à appauvrir les femmes avec leurs réformes au système de retraite. Aucune analyse du parcours différent des femmes et des hommes sur le marché du travail ne semble être faite. Pas grave, l’égalité est atteinte, n’est-ce pas ? Or, les jeunes femmes aujourd’hui seront plus pauvres que les hommes à la retraite parce qu’elles accumulent moins. Pourquoi ? Elles gagnent moins, elles font des pauses pour effectuer du travail gratuit pour la famille et en vivant plus longtemps, elles doivent étirer ce qu’elles ont sur une période plus longue.

Par ailleurs, auprès des femmes immigrantes, on fait la promotion de l’égalité comme valeur de base au Québec. Or, à leur arrivée, elles font le dur constat que leur terre d’accueil ne leur permet pas toujours l’égalité tant promise. Elles sont très souvent confinées à des ghettos d’emploi (éducatrice, aide familiale et domestique, préposée aux bénéficiaires) ou au chômage, faute de place dans les services de garde et de reconnaissance de leurs diplômes. Si les Québécoises ont tant lutté pour obtenir une meilleure qualité de vie, ce n’est certainement pas pour créer de nouveaux ghettos de femmes.

De plus, devant le mythe, on devient un peu moins vigilant. Or les gains sont fragiles. Au fédéral, le gouvernement conservateur y est allé très vite en peu de temps. Fermeture de bureaux de Condition féminine Canada, annulation du programme pancanadien des services de garde, obligation de négocier individuellement le droit à l’équité salariale pour les travailleuses sous juridiction fédérale, abolition du registre des armes à feu, apparition de projets de loi visant la recriminalisation de l’avortement, fin de l’aide internationale pour les services d’avortement dans les pays du Sud, fin du financement de la défense collective des droits des femmes, adoption d’une approche guerrière en relations internationales et d’un financement accru de la défense, refus de tenir une commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, imposition d’un statut « conditionnel » aux immigrants reçus dangereux pour les femmes victimes de violence conjugale, fin de la collecte d’information sur le travail gratuit des femmes dans le cadre du recensement.

Des rendez-vous féministes

Comment reconnaître nos gains sans masquer les défis d’aujourd’hui ? Comment faire face à des changements politiques très rapides ? Quel avenir bâtir pour les femmes et pour la société ? Le prochain rendez-vous est le 6 mars au 264, rue Sainte Catherine Est à Montréal à 19h. Les états généraux invitent les femmes à réfléchir ensemble au féminisme et à tous ses états.

Alexa Conradi

Fédération des femmes du Québec

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