Édition du 14 mai 2024

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Politique québécoise

Libre-échange entre le Canada et l’Union européenne : Non à la protection des investissements étrangers ! disent une vingtaine d’acteurs sociaux et culturels

L’accord économique et commercial global (AÉCG) entre le
Canada et l’Union européenne soulève plusieurs controverses. Sommes-nous prêts à accepter une augmentation du coût des médicaments parce que la durée des brevets sera prolongée dans l’AÉCG ? Doit-on offrir nos
marchés publics à la concurrence des grandes entreprises européennes ?
Est-il approprié de diminuer la protection offerte par la gestion de
l’offre en agriculture ? Est-il justifié de négocier la culture à la
pièce, chapitre par chapitre ?

11 juin 2013

Mais c’est sans aucun doute le chapitre portant sur la protection des
investissements qui est l’un des plus inquiétants de l’AÉCG. Calqué sur
le modèle du chapitre 11 de l’ALÉNA, il permet aux investisseurs
étrangers de poursuivre les gouvernements si ceux-ci, par des
réglementations ou des décisions politiques, empêchent la réalisation de
profits espérés. Les cas de litige sont portés devant des tribunaux privés
qui délibèrent derrière des portes closes. Les entreprises profitent ainsi
d’une justice parallèle qui n’a pas de compte à rendre aux
populations.

En 2010, le chercheur Scott Sinclair relevait 66 poursuites contre le
gouvernement du Canada dans le cadre de l’ALÉNA. La plus coûteuse a été
celle d’AbitibiBowater, une compagnie canadienne qui a poursuivi son propre
gouvernement à partir d’un siège social dans le paradis fiscal du
Delaware. Notre gouvernement a dû débourser 130 millions $ à la compagnie.

Aujourd’hui, Lone Pine Ressources envisage de poursuivre Ottawa pour plus de 250 millions $, parce que son permis d’exploitation du gaz de schiste a
été annulé à la suite du moratoire sur la fracturation hydraulique imposé
par le gouvernement du Québec.

Les poursuites demeurent l’aspect le plus visible de la protection des
investissements étrangers. Cette disposition donne un grand pouvoir de
négociations aux lobbyistes qui peuvent se servir de la menace d’une
poursuite pour dissuader un gouvernement d’adopter une mesure jugée
dispendieuse de protection de l’environnement ou d’amélioration de la
sécurité des travailleurs. Le gouvernement canadien le reconnaît d’ailleurs formellement : « il se pourrait que les gouvernements s’abstiennent tout simplement de proposer des règlements par crainte de poursuites », peut-on lire dans le site Web consacré à l’ALÉNA.

Pierre-Marc Johnson, négociateur en chef du Québec pour l’AÉCG et
Jean-François Lisée, ministre des Relations internationales, de la
Francophonie et du commerce extérieur, prétendent que la protection des
investisseurs étrangers est une nécessité et qu’il faut l’adopter
puisqu’elle se retrouve dans la plupart des accords de libre-échange.
Pourtant, le Canada comme l’Europe profitent d’un système judiciaire
efficace qui assure aux entreprises toutes les protections nécessaires. Un
système parallèle et coûteux n’a certes pas à être mis en place.

De plus, la protection des investisseurs soulève une opposition très vive
à travers le monde. Cette protection est à sens unique puisque les
entreprises n’ont quant à elles, dans les accords de libre-échange, ni
obligations ni responsabilités légales. De plus en plus de pays
reconnaissent que les poursuites sont coûteuses, qu’elles sont une atteinte
directe à leur souveraineté, qu’elles les empêchent de légiférer dans
l’intérêt public.

L’Australie ne négocie plus d’entente sur la protection des
investissements étrangers dans les accords de libre-échange. L’Inde et
l’Afrique du Sud émettent aussi de sérieuses réserves. Douze pays
d’Amérique latine, dont l’Argentine, le Mexique, l’Équateur, ont
formé le 2 mai dernier un front pour s’attaquer aux effets dévastateurs de
ces ententes. Cette résistance rappelle celle contre l’Accord multilatéral
sur l’investissement (AMI) à la fin des années 1990 qui avait permis de
bloquer ce projet inquiétant qui voulait assurer la protection des
investissements étrangers sans débat et de façon multilatérale.

Il nous paraît donc essentiel que le Québec refuse qu’un chapitre sur
la protection des investissements étrangers soit inclus dans l’AÉCG. Les
menaces pour notre souveraineté y sont trop grandes. Que cette mesure soit défendue par un parti souverainiste nous semble d’autant plus
contradictoire que ce sont les décisions souveraines des gouvernements qui
sont remises en cause par les poursuites investisseur-État.

Michel Arsenault,président de la FTQ

Claude Béland, président du MDCQ

Louise Chabot, présidente de la CSQ

Dominic Champagne, metteur en scène

Gaétan Châteauneuf, président du CCMM-CSN

Alexa Conradi, présidente de la FFQ

Pierre Curzi, acteur et ex-député

Carolle Dubé, présidente de l’APTS

Bernard Émond, cinéaste

Denis Labelle, président de l’AQOCI

Régine Laurent, présidente de la FIQ

Robert Laplante, directeur de l’IREC

Jacques Létourneau, président de la CSN

Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés

Richard Séguin, auteur-compositeur-interprète

Pierre-Yves Serinet, coordonnateur du RQIC

Claude Vaillancourt, président d’ATTAC-Québec

François Vaudreuil, président de la CSD

Laure Waridel, éco-sociologue et auteure

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