Édition du 7 mai 2024

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Féminisme

Parentalité et pénurie de place en milieux de garde : le coût de la maternité

Je vis énormément de frustration depuis plusieurs mois, comme beaucoup d’autres mères, j’en suis certaine.

Mon congé de parentalité s’est terminé à la mi-mars, et je n’ai pas trouvé de place en garderie (je viens en fait d’en trouver une, mais pour la fin août). Nos finances familiales sont mises à épreuve, mais j’ai le privilège d’avoir un conjoint qui a un revenu suffisant pour qu’on ne soit pas trop dans le rouge ; j’ai aussi le privilège d’avoir mon emploi qui m’attend, peu importe la date de mon retour.

Toujours est-il que je suis frustrée. Je veux simplement retourner travailler et je ne peux pas. J’ai calculé les pertes financières de notre famille causées par la pénurie de place en garderie. C’est énorme. J’ai ensuite calculé ma part de ces pertes - j’ai perdu énormément de revenu (bien évidemment), mais beaucoup plus que mon conjoint.

Avez-vous fait ces calculs, vous, les mamans qui doivent rester à la maison ?
De mon côté, ça a entraîné des discussions difficiles et très inconfortables. Comment faire pour que le coût de la parentalité soit équitable, dans notre couple ? Nous avons discuté, encore et encore. C’était toujours moi qui ramenais le sujet, ça me frustrait trop de m’appauvrir de façon aussi disproportionnée. On a recalculé (j’ai même ajouté l’argent "perdu" avec le RQAP). Pis on a trouvé une entente, qui nous convient à tous les deux. J’ai détesté ces discussions, parce que c’est difficile de parler d’argent et de répartition d’argent dans un couple. Aussi parce que c’est un tabou, et que je n’ai pas facilement en tête une multitude de scénarios budgétaires desquels je pourrais m’inspirer. J’en ai parlé avec beaucoup d’ami.e.s, dans l’espoir de trouver un modèle qui me, qui nous conviendrait. Au fil de mes réflexions, j’ai compris que ce qui était le plus important à mes yeux, c’était que l’on reconnaisse l’iniquité du coût de la parentalité pour les femmes, incluant moi, et qu’on y remédie, financièrement.

Puis même après ça, je suis toujours fâchée. Je ne peux pas arrêter de penser à toutes celles qui ont perdu leur emploi parce qu’elle n’avait pas droit à un sans solde de plusieurs mois. À celles qui n’ont pas eu de RQAP et qui ne trouvent pas non plus de garderie. À toutes celles qui ne trouvent pas de garderie, et qui sont enceinte à nouveau. À toutes celles qui sont solo ou monoparentale. À toutes celles qui n’ont plus d’indépendance financière et toutes celles pour qui ce n’est pas possible de discuter d’argent avec leur conjoint. Surtout à celles qui sont coincées dans une relation conjugale violente…

J’ai fait des calculs (et peut-être que je me trompe en quelque part, je ne suis pas du tout fiscaliste, ou comptable ou dans le domaine des sciences économiques).
Si nous sommes (disons) 51000 parents (disons des mères dans la plus grande majorité des cas) à ne pas trouver de place en garderie ; et que le salaire moyen des femmes au Québec est de 23,58$/h (selon le Conseil du Statut de la femme), et qu’en moyenne les femmes font 35h/sem (selon ISQ).....

 C’est collectivement 42 090 300$ qui se perdent chaque semaine pour les femmes ! Oui oui, 42M$ PAR SEMAINE !
Et si l’on calcule que le taux d’imposition au Québec pour ce salaire moyen est d’environ 15%, c’est 6,3M$ d’impôts CHAQUE SEMAINE qui ne vont pas dans notre cagnotte collective pour les projets collectifs...comme les CPE et les services de garde subventionnés...

Je suis certaine que ce calcul est grossier, qu’il y a plein de détails à revoir : n’empêche, la pénurie des places en garderie a un impact gigantesque sur les femmes, individuellement et collectivement.

Ma frustration est juste grandissante. La négligence du gouvernement actuel dans le dossier des places en services de garde est abérante et inacceptable ; elle coûte abominablement cher aux femmes et c’est injuste. Elle coûte également cher au Québec en entier, qui d’une part se voit privé de revenus d’impôts et qui d’autre part perd des employées (tsé, la pénurie de main d’œuvre !).
Qu’on se le dise entre mères : le privé, c’est politique.

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